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Manque toujours pas de culot, celui-là !

SOINS PEDIATRIE

 

Après les rites funéraires décrits dans Soins gérontologie, la pédiatrie est à l’honneur aujourd’hui. Les dossiers de Soins pédiatrie sont variés : " L’enfant et le cancer " pour le n° 189, " Le sommeil et l’enfant " pour le n°190, " Les conduites addictives " pour le 191 et " La maternologie " pour le 191. Nous allons feuilleter les deux derniers numéros.

MUTILER POUR REVIGORER

Mais avant, je tiens à signaler la grande qualité des textes de Véronique Moulinié, ethnologue, chargée de recherche au CNRS au Centre d’anthropologie de Toulouse. C’est à un véritable saut de côté qu’elle nous invite. Ainsi dans " Mutiler pour revigorer " (n°190) part-elle des petites ablations enfantines pour interroger ce qui fait " soin " à un moment historique donné. " Mettre un terme aux douleurs abdominales ou aux infections rhinopharyngées, telle est la raison pratique qui explique l’émergence à la fin du 19ème siècle, de l’appendicectomie, de l’amygdalectomie et de l’adénoïdectomie. Pourtant, elle ne suffit pas à expliquer leur immédiat et durable succès , que beaucoup n’ont pas hésité à qualifier de " mode ". C’est au cœur des représentations communes et savantes du corps enfantin et de la croissance qu’il faut plonger pour comprendre ce rite et ses raisons. " Au cours d’un parcours passionnant et admirablement documenté, l’auteur arrive à nous convaincre que ces petites ablations sont des castrations symboliques qui permettent de mettre en place la sexualisation du corps de l’adulte, par la maîtrise des mouvements du sang. Nous remettons ainsi en cause l’ensemble des savoirs. Entre femmes de " savoir " que l’on a nommé parfois sages-femmes et hommes de science, les savoirs circulent sans cesse et se font écho. "  Le bistouri a permis de théâtraliser une très ancienne compréhension des corps, de l’identité sexuelle et de son façonnage au cours des âges de la vie. "

Une jolie façon de montrer qu’en devenant des " femmes savantes ", des " expertes techniques " les infirmières d’aujourd’hui sont de moins en moins " sages ".

LES CONDUITES ADDICTIVES 

Avec un tel énoncé, on pouvait craindre le pire. Là, nous nous ouvrons à la complexité. Dans un texte limpide, C. Carrot-Courtillot introduit ces conduites dans le registre des changements liés à l’adolescence. Les jeunes infirmiers qui exercent en psychiatrie de plus en plus souvent confrontés aux toxicomanies pourront y trouver un questionnement ouvert qui rend au toxique et à la famille ce qui leur appartient en propre. Un joli texte de Patricia Galbrun " La jeune fille polie ... toxicomane et l’infirmière " met en évidence l’importance des polytoxicomanies chez les adolescents, la façon de les accompagner et d’associer la famille à leur prise en charge. J’aime les infirmières qui parlent en première personne. Elles sont des êtres vivants qui soignent d’autres êtres vivants. Ce ne sont pas des machines à piquer, à accomplir des actes qu’aucun sens n’habille. Nous sommes là au cœur d’une écriture clinique infirmière. Les références d’Alain Dumontaud sont très proches. Il décrit le fonctionnement d’une unité d’adolescents tourangelle à partir de l’histoire de deux jeunes. Rien n’est tu. Ni les difficultés de l’équipe face à la violence, ni sa culpabilité vis-à-vis de la chambre de sécurité. Si le texte est moins fort cliniquement et théoriquement, on sent une équipe en mouvement. Bien des équipes de psychiatrie d’adultes pourraient s’inspirer de ces réflexions.

D. Frémeaux, psychiatre présente ensuite les différentes drogues et leurs représentations. A. Debourg, V. Masset, C Trevoux, psychiatre et psychologues décrivent le fonctionnement d’un Point écoute parents. Il s’agit de répondre aux besoins des parents et de l’entourage, très désemparés devant les problèmes d’usage de drogue. Ils ne savent pas où s’adresser, à qui faire confiance, comment éviter les sectes, et ignorent même parfois ce qu’ils peuvent attendre des centres de soins. Dans cet article, la clinique a également toute sa place. Il ne s’agit pas simplement d’être un point d’écoute téléphonique mais d’assurer un suivi qui peut parfois durer plusieurs mois. Marie-Louise Omanga-Eke donne les éléments nécessaires à la prise en charge des nouveau-nés de mères toxicomanes. Un syndrome de sevrage survient très fréquemment chez le nouveau-né d’une femme toxicomane. Ce syndrome peut être évalué grâce à différentes échelles telles que le score de Finnegan ou de Lipsitz. Le groupe d’études " grossesse et addictions " animé par le professeur Lejeune a mis en route un protocole multicentrique d’étude des syndromes de sevrage des nouveau-nés de mères toxicomanes substituées. Parmi les différents objectifs de cette étude, le moindre n’est pas de faire bénéficier toutes les équipes des expériences de chacun.

Au total, un numéro passionnant qui ne révolutionnera pas les prises en charge mais permettra aux jeunes infirmiers d’y voir un peu plus clair.

LA MATERNOLOGIE

Allez hop ! Un nouveau mot à la mode. Maternologie ? Qu’est-ce donc ? C’est l’étude de la maternité psychique et le soin des difficultés maternelles et natales. " Clinique et thérapeutique des souffrances de la mère et du nouveau-né, cette démarche aide à l’établissement du lien mère-enfant, à la naissance psychique du bébé et à la constitution de la personnalité. "

Bravo les expertes ! Une fois de plus votre dextérité de mécanicienne vous fait passer à côté de l’essentiel.

Tout cela me met en colère ! Vous êtes infirmières non ? C’est quoi des infirmières incapables de travailler autour de la maternité ? Collières doit être verte de rage. A quoi ça sert qu’elle ait écrit de si jolis livres sur la notion de passage ? Vous posez des diagnostics infirmiers mais vous n’êtes plus infirmières ! J’avais bien cru repérer quelque chose de cet ordre lors de la naissance de mes enfants.

Remarquez, certains établissements ont compris, ils ont carrément supprimé les infirmières en maternité. Et après tout pourquoi pas ? Remplaçons les infirmières par des maternologues, des adolescentologues, et des retraitologues, et j’en passe. Il n’y aura plus de problème de Diplôme d’Etat.

Evidemment, tout ce que j’ai lu n’a fait que renforcer ma colère. " Mères traquées et trahies " montre comment les infirmières expertes ont trahi la cause des femmes, comment elles sont sourdes à la souffrance de ces mères qui ne sauraient faire naître " psychiquement " leur enfant. Laurence Carlier aborde la difficulté de parler la maternité. L’article n’aborde pas la question centrale : comment des femmes peuvent-elles ne pas entendre d’autres femmes ? Pour permettre à une femme enceinte de parler, pas besoin d’être professionnelle, il suffit de se souvenir de son propre vécu de femme, de ses doutes, de ses peurs. Est-ce justement la professionnalité des infirmières qui les rend sourde, comme une insupportable proximité ? Mais laissons là la colère, et lisons. J.M. Delassus, maternologue distingué, qui développe longuement des notions connues depuis belle lurette par tous les psychanalystes, notamment par Lebovici et Diatkine. Peu importe. Il est important qu’elles soient rappelées. Peut-être les infirmières en feront-elles quelque chose ?

Un numéro passionnant en ce qu’il nous rappelle nos origines et qu’il montre qu’à ne plus se préoccuper de prendre soin, d’écouter les infirmières abandonnent à d’autres ce qui fait l’intérêt de leur profession et la rend unique. Mais après tout lorsque l’on met un enfant au monde, lorsque l’on a peur d’avoir porté un monstre, lorsque l’on revit sa propre naissance il vaut mieux avoir affaire à une maternologue qu’à une infirmière incapable d’accompagner ses doutes.

" ENFANCES & PSY "

Toujours dans le registre des enfants et des adolescents, signalons " Enfances & psy ", une remarquable revue. Le numéro 1 remonte maintenant à Octobre 1997. Il traitait de " Questions d’origines ". Après avoir analysé sciences et mythes, la revue interrogeait leur impact aux différents âges de l’enfance et de l’adolescence dans divers contextes : famille, Maternité, Protection maternelle et infantile, CMP, etc. Le numéro deux se demandait " Qu’est-ce que bien traiter ? ". Le numéro trois se préoccupait de la différence sexuelle : " Initialement inscrite dans le corps, anticipée par les parents, la différence sexuelle s’exprime dans bien des domaines : les comportements, les activités ludiques et culturelles, la réalisation sociale et bien sûr, dans l’intimité de la psyché, dans la relation à soi-même et aux autres. Comment l’identité sexuelle, au delà de l’inné, s’affirme-t-elle ? Quel rôle joue-t-elle ? Comment évolue-t-elle  de la petite enfance à l’adolescence ? Comment prévenir et traiter ses troubles ? Les éclairages des psychanalystes, biologistes, sociologues, philosophes en complément des démarches et réflexions des praticiens de l’enfance.

La revue est résolument pluridisciplinaire (au sens vrai du terme).

D’autres numéros traitent de " L’enfant écartelé ", de " Douleur, souffrances ", de " Cultures, médiations " (passionnant vraiment, avec cette question centrale : Comment les pratiques thérapeutiques, sociales éducatives ou pédagogiques peuvent-elles utiliser les médiations culturelles pour aider les enfants et les jeunes à devenir sujets, riches d’une culture partageable avec d’autres ?).

A lire, à dévorer, à reposer, à réfléchir, à relire, à citer.

Dominique Friard.


nous contacter:serpsy@serpsy.org