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                                                                  A PROPOS DU BURN-OUT        

 

 

 

 

"Quand le boulot  te travaille "

 

         C'est une réflexion personnelle après une mauvaise nuit ponctuée de cauchemars dont il ne reste plus rien, aucun souvenir. Rien de grave en fait. Seulement des équivalents d'angoisse névrotique dont le quantum pulsionnel a attiré tous les contenus manifestes et latents du rêve dans les oubliettes de l'inconscient : autant dire que la censure a bien fait son BOULOT, en séparant avec ses petites pincettes les affects des représentations, puis en jetant ces dernières au refoulé comme l'on jette de la couenne de jambon au molosse. Le TRAVAIL du rêve, il n'y a que ça de vrai pour récupérer. Bref, une mauvaise nuit qui à elle seule constitue une révision de métapsychologie freudienne version Madrange et qui surtout permet le défouloir d'un stress accumulé. Les congés sont aussi fait pour "ça"...

 

         Mais là n'est pas mon propos, c'était une digression obsessionnelle venant dissimuler comme derrière un paravent le principal : mes associations à partir de ma  réflexion de : "quand le boulot te travaille". Les voici donc, en tant qu'elles dévoileraient le contenu latent du rêve :

 

(1)  Quand le boulot te travaille // Quand le "ciboulot" te travaille.

 

(2)  "ci" de "ciboulot" = si = tant de.

 

(3)   "travaille" // "travail", du latin trepalium, instrument de torture. Le trepalium était un instrument de torture qu'utilisaient les romains, une sorte de lance à trois pieux avec laquelle ils "trituraient" les entrailles de leurs victimes... je vous épargne la suite et vous laisse augurer de ce qu'il peut en être parfois du "travail" de nos jours !

 

(4)   Le "ciboulot" se rapporte à l'esprit de l'homme qui élabore et prépare l'action, l'intervention par la parole dans le domaine public. Le "travail" se rapporte au corps de l'animal laborans qui sue sang et eau, s'épuise dans le labeur industriel d'une, et pour une société fondée sur un système de type capitaliste (Hannah ARENDT - Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy, 1961, The Human Condition 1958).

 

(5)   Tout ce qui précède a abouti chez moi à une reformulation, c'est à dire en une dernière association utilisant les mots et leurs définitions en tant qu'occurences signifiantes, comme dans une métaphore filée :

 

"Quand le boulot te travaille, c'est que l'on torture ton ciboulot et tes entrailles".

 

         Je m'explique : le ciboulot en question (1) est bien sûr celui du psychologue, mais pas seulement. Car la fonction du psychologue n'est indissociable ni de l'être qui exerce son art, ni du sujet qui travaille pour (3) et qui est tenu, avec d'autres, dans la sujétion d'une souveraine nécéssité de soins de tout un peuple sectorisé (2). Cela revient à dire - c'est une suggestion - qu'il advient que le sujet soit travaillé par (torturé).  Oui, évidement, je suis traversé par l'angoisse comme le dirait un analyste, je suis soumis au stress, versus les agents stresseurs en uniformes, comme le dirait un técésyste. On le serait à moins, avec la charge de travail qui est la mienne. Et les dommages collatéraux n'atteignent pas qu'un pur esprit avec du vide en dessous, mais se fraye un chemin jusqu'au corps en passant par les émotions, les affects. De là à penser qu'elles le dissèquent, je n'irais pas jusque là, mais le trepalium n'est pas loin. Je dirais plutôt que l'angoisse peut être le meilleur ami de l'homme, lorsqu'on l'accepte et que l'on en fait un guide auquel on aurait mis une muselière.

 

         Reste à savoir où l'on fixe ses propres limites, son endurance de "Psycho-Zorro" (Cyrulnik) menacé par le trepalium. Pour ma part la limite, la mesure s'impose d'elle même, dans ces moments d'angoisse qui surgissent lors du repos du guerrier. Ces cauchemars m'ont suffisament enseignés (ensaignés ?). Et je pense que cette mesure est constituée entre autre du sens critique, dans le fait pour un professionnel de la santé d'avoir encore la capacité d'avoir "conscience de". Dans sa capacité aussi de remettre en cause sa pratique, en proportion de ce qui lui est imposé, quand bien même cette imposition serait objectivement injuste et démesurée (ex : 1 psychologue de secteur pour plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Et je n'ose évoquer le nombre de psychiatres PH : tragique).

 

         De là vient mon recours au temps "Fir" et au travail en équipe de secteur de psychiatrie. Sans oublier, encore et toujours, la nécéssaire capacité pour tout psychologue, de se défier des mirages des chefs de sévices, qui peuvent abuser le maquisard perdu dans le désert du manque de moyens. Je cite cependant, pour nuancer tout ce qui est délibérément exagéré ici, une de nos collèges lorsqu'elle disait à propos de l'un d'eux, qu'il "n'est chef que d'un tout petit royaume". Et je rajouterais que ce royaume pourrait bien être celui de sa propre peur, autour de laquelle s'érigerait depuis des décénnies la forteresse d'un pouvoir gagné péniblement par l'autoritarisme, par la  puissance (l'impuissance ?) d'un discours d'ordre et de bluff autour d'une soi-disante épée administrative de Damoclès, bref : le phallus par excès devant l'angoisse de castration. La peur d'un homme... (manipulateur ou manipulé ?).

 

         Et j'hésite encore, devant ces figures quasi mythiques, entre adopter une posture paranoïaque ou me laisser aller dans un éprouvé de compassion : car qui tient cette épée de Damoclès ? le chef épris de pouvoir ou pris, enmuré dans son non-pouvoir, ou bien la Grande Direction de l'Ordre Public, donneuse d'ordres de rentabilité, de salubrité publique ? qui guide le poignet de l'autre ? et le soin dans tout ça ? l'humain ?

 

         Ce qui me semble incontournable, c'est la nécéssité, l'anankê du "pardon" pour rompre la spirale de la haine - plus facile à dire qu'à faire, certes (cf. A. Arendt, op. cit., pp 301-310 et suivantes) : j'assiste en effet, depuis mes premières armes en psychiatrie il y a 17 ans où j'étais alors "ASH" - observateur au CHS de ***, à un bras de fer, pour ne pas dire à une guerre, entre le Soin dans ses directives nécéssaires et la Direction des soins : de Bonnafé à Baillon, que reste t-il de nos désirs d'une Santé Mentale ? Allo ? allo ?!.. allo !!!!... (à l'eau ?)... Y a t-il un pilote à Matignon ?

 

         J'en rajouterais bien encore de la psychanalyse et de la philo et de l'étymologie et de la littérature, exprès. Car je reviens en ce moment, plus que jamais, à ces champs que je n'ai jamais vraiment quitté. Il me permettent, d'une part, une certaine liberté de penser et de concevoir les phénomènes, y compris celui de ma  fatigue, de ma lassitude psychique inévitable à l'issue d'un cycle de plusieurs mois de consultations effrénées. D'autre part, ces champs m'ouvrent l'esprit et m'évitent de penser en rond lorque je prends la mesure de ma condition d' animal laborans (4). Un animal, certes, mais pas un esclave au service de sa propre inconscience.

 

         Alors je vous parle. Je vous parle du haut de mes 1m70, au faît de ma gloriole d'animal laborans, conscient de ma condition d'homme moderne à laquelle je ne me soumets pas mais que j'accepte : la résistance se fait de l'intérieur, souvenez-vous. Et au risque d'en décevoir beaucoup, l'inconscient n'est pas tout. Ce n'est pas une porte close à tout jamais, une cave souterraine à laquelle n'accèderaient que des champions de la réminiscence ayant paressé des années durant sur un fauteuil ou un divan, devant ou derrière leur pitance (n'y voyez aucune injure, c'est un clin d'oeil de la part d'un psychologue qui est passé par Paris 7 et sur le divan, en actuelle carrière en psychiatrie...).

 

         Non. Mon "moi" parle à ce que je crois ignorer, "ça" m'écoute lorsque je lui dis :  "quand le boulot te travaille, c'est que l'on torture ton ciboulot et tes entrailles". C'est une question de sur - vie intrapsychique et de liberté de pensée retrouvée, que de se dire qu'ici, "entraille" rime avec travail (5), que d'écouter son ciboulot qui vous met en garde qu'un trepalium pourait vous épuiser jusqu'au plus profond de vous-même, dans le bouillon sulfureux de votre intime marmite remplie à rabord d'un ragoût peu ragoûtant, fait de pulsions innavouables et de représentants-représentations en tous genres (lisez ou relisez Le livre du ça de GRODDECK, chez Tel de Gallimard).     

        

         Qu'en est-il du BURN OUT dans tout ça ? eh bien justement,  je vous en parle ici, moi le franc-tireur, le franc-parleur qui vous dit que c'est lorsque l'on ne peut pas en entendre parler sans se fâcher, lorque l'on ne peut plus se dire que là, vraiment, il faut prendre des vacances, que l'on a même plus CONSCIENCE d'être confronté à ses limites (encore faut-il les avoir éprouvées), c'est dans cette phase critique où l'on a déjà la tête dans le mur qu'il faut se dire STOP ! quitte à être secouru, pour vous extirper de votre ciboulot trop mûr, par la pince-monseigneur de votre camarade de tranchée qui est arrivé à la rescousse, souvent trop tard et avec bien du mal, car le trop d'amour de notre profession rend aveugle. A moins que ce ne soit la Judith qui ait administrativement règlé votre problème en le tranchant net, avec son épée de Damoclès...

 

         Alors je vous en parle. Croyez-en mon expérience, comme diraient les vieux cons. Conscience est le maître-mot, mais ce n'est pas le mot d'un maître. Le seul maître à bord c'est vous, et j'espère de tout coeur que vous y resterez, avec encore assez de gouvernail pour vous gouverner. C'est qu'on aurait vite fait de dériver sur les flots capricieux de la Santé Publique, telle qu'elle est aujourd'hui et telle qu'elle sera demain. Elle peut être une formidable nounou comme elle peut être la pire et la plus tumulteuse des filles publiques (elle peut même tuer), telle une catin dopée par intraveineuse de PMSI, sournoise dans ses entourloupettes de rapports de super-activité, en veux-tu en voilà, c'est de la bonne.

 

         Alors je leur parle aussi à nos hommes, nos femmes, nos enfants. Les vôtres, au nom de tous les miens. Avons-nous encore de l'énergie et du temps à leur consacrer ? devrons-nous les sacrifier sur l'autel de notre culpabilité de clinicien ou de soignant, qui ne peut laisser entrer dans sa cabane du vouloir-bien-faire toute la misère du monde ?

 

         Alors je vous le dis, à mes risques et périls, que j'ose comparer la Santé Mentale à des cabanes, comparées aux châteaux remplis d'appareils coûteux à rendre immortel, comparées aux polit-bureaux pseudo-hospitaliers munis d'innombrables directions comme autant de tentacules d'un énorme poulpe, qui n'est endormi qu'en apparence, mais qui nous endort. "Cabanes" rime avec pauvreté, et je les entends déjà rire sur la France d'en bas, tous ces technocrates de la cervelle d'en haut. Mais ce qu'ils ne savent pas, eux, derrière le bureau-refuge de leur manque de courage, eux les savants froids qui savent pourtant tout ce qui se trame à l'encontre des "Gens de Peu" (Pierre SANSOT, Puf, 1991), ce qu'ils ne savent pas et ne sauront jamais car ils ont trop peur d'y venir salir leurs beaux souliers, pire, ce qu'ils ont fini par oublier à force de courber l'échine sous le poids du terrorisme de la rentabilité, c'est que ces "Cabanes" sont l'essence même de l'hôpital, de l'hospitalité : il y fait chaud (relisez, dans les Trois contes de Flaubert, "St-Julien l'hospitalier") .

 

         Alors ? du blabla marxiste, christique, analytique, charismatique, psychologistique, philosophique que tout ca ? j'espère bien que vous le penserez et que vous réagirez ensuite ! car il y a un "Hic" dans notre Santé Publique et Mentale.

 

         Et le fait qu'à la question majeure de la SANTE , qui devrait rester la seule préoccupation de nos administrations hospitalières, ait été substituée celle de l'ACTIVITE ; le fait, en somme, que ce qui semblerait la logique d'une Administration au service du Soin s'inverse en une tendance du Soin au service de l'Administration, ce fait, dis-je, ne me semble que la partie immergée d'un iceberg.

 

          "I have a dream"...

          ... je vois la base de l'iceberg qui fond, qui se morfond comme un public en attente d'être entendu, secouru, pendant qu'en haut la pointe de l'élite pyramidale trône, s'exhibe dans les médias et les accréditations, fière d'elle même et dans l'auto-satisfaction d'avoir proposer au peuple français de plus belles vitrines encore que celles de la pyramide du Louvre. Dans ma rêverie imaginante, tel un documentaire de fin d'un monde, je vois le haut ce cet iceberg qui ne fond pas mais qui salement se durcit au contraire, entretenu par les fonds propres de ceux qui oeuvrent en dessous. Mais ce n'est pas un cauchemar, car dans la dernière image du documentaire, je vois ce petit iceberg qui dérive, s'éloigne de tout, dérive sans sa base qui a fondu. Pauvre petit iceberg, petite tête ignorante, imprudente qu'elle a été de se croire enfin délestée d'un corps trop gros, de s'alléger pour aller plus vite et à moindre coût. Pauvre petite cervelle qui fond, qui ne peut plus penser, qui ne peut plus ressentir, qui a oublié l'hospitalare..., et qui ne pourrait même pas imaginer que les naufragés d'en bas ont survécus, puis se sont tranformés en de grandes baleines qui communiquent entre elles, libres, délestées du haut (détestées ?).           

 

         Alors ? j'espère que ces blablas vous changeront des rhétoriques mimant, voire minant l'intérêt public au profit du pouvoir, de celles de nos gouvernants en crise qui parle de la crise comme de couleuvres indigestes à avaler, eux qui vivent dans des palais sans indigence ! combien de BURN-OUT à Matignon et à l'Elysée ? mais de quelle crise parlent-ils ? de celle de nos mondialisateurs économiques et politiques ou de celle d'un PUBLIC indigent, désoeuvré qui attends, qui subit.

 

         Alors ne votez pas pour moi mais optez pour votre intégrité physique et mentale. Tel est mon programme !

Prendre le TEMPS de PENSER : voilà la véritable fortune, aux sens pleins du terme : richesse, avenir et mieux être.

 

         Moi, j'arrête les pendules dès ce soir...

 

 

                                                                                            

                                                                                                                                                                                                                                               

 

                                                                                                Jamel TWO        23/11/2008                  

 


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