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TOUJOURS MIEUX COLLABORER POUR LE PATIENT

 

 

            Depuis plusieurs années maintenant, nous savons que la qualité d’une prise en soins, pour un patient, passe par une approche holistique. La prise en compte de cette globalité, est devenue une nécessité, d’autant plus en psychiatrie. En effet, dans une immense majorité des cas, les problématiques des sujets qui s’adressent ou qui sont adressés aux soignants psychiatriques revêtent un aspect multidimensionnelle (médical – social – psychologique – somatique – culturel – familial – historique etc …).

 

            Par voie de conséquence, cela induit le fait que plusieurs types de professionnels interviennent autour et pour le patient, dans la globalité d’une même prise en soins. Ces professionnels, qu’ils soient médical, paramédical, administratif, technique, social, médico-social … mobilisent donc des compétences différentes, mais complémentaires, allant dans le même but : l’amélioration de la condition du sujet souffrant.

 

            C’est bien l’unification et la cohérence de ces différences, nécessaires les unes aux autres, au sein de ce qu’il est convenu de nommer une équipe pluridisciplinaire, qui sont censées constituer les bases, les fondations de cette qualité de prise en soins que nous appelons tous de nos vœux.

 

            Dans toutes organisations humaines non totalitaires, il est bien normal de ne pas toujours penser comme son voisin, de ne pas avoir le même point de vue. C’est justement cette différence de point de vue qui permet un meilleur regard, plus panoramique, vis-à-vis du sujet patient.

           

            C’est de la juste confrontation, au travers du débat,  que naissent les meilleures idées. Confrontation qui doit s’effectuer dans le respect le plus total de l’autre dans sa différence, sur le principe de l'impératif éthique compris dans la notion de « face à face » développée par Emmanuel LEVINAS, afin d’ouvrir sur une réelle collaboration. En effet, le débat n’équivaut pas et ne doit pas (il s'agit bien d'un impératif catégorique au sens kantien) correspondre à la remise en cause des individus en tant que personnes singulières, dans leur intégrité propre. Nous pouvons donc dire que l’alliance de nos différences, dans un respect mutuel, fera les valeurs de nos idées.

 

            En fait, nous n’avons pas le choix, nous sommes obligés de travailler ensemble et nous affirmons que, dans notre contexte, personne ne peut et ne doit travailler seul. Ceci dépasse notre liberté et nous engage dans une responsabilité.

 

            Une institution de soins comme l’hôpital public ne doit pas être une entreprise avec des corporations de dominateurs et de dominés. Nous ne devrions pas avoir à subir le diktat des critères uniquement comptable et de rentabilité dans la gestion des services de soins. Les Hôpitaux ne devraient pas être assimilés à des entreprises en concurrence et ne devraient pas avoir à intégrer la loi du marché. Il s’agit, entre autres, de femmes et d’hommes au service du patient, l’accompagnant tous les jours, 24 heures sur 24.

 

            Le sens et les valeurs du travail soignant doivent être partagés par le collectif de travail, permettant ainsi de construire la confiance et de tisser la coopération. Une approche strictement individuelle ouvrirait très rapidement sur le constat d’une pluralité de conceptions. En restant en l’état, c’est-à-dire sans liant et de manière complètement désorganisée, cela poserait immanquablement un problème, du fait de l’absence de cohérence dans les prises en soins, mettant directement à mal une bonne qualité de ces mêmes soins.

           

            C’est la raison pour laquelle en rester à une situation dans laquelle chacun agirait à sa guise serait fortement préjudiciable non seulement aux patients, mais aussi aux professionnels de santé (car pouvant entraîner démotivation, usure professionnelle et bien d’autres problèmes plus graves encore).

 

            Les résultats de certaines recherches qui ont étudié les caractéristiques des hôpitaux dits « attractifs » montrent que nous retrouvons une combinaison de plusieurs attributs particuliers dont notamment : « un environnement de collaboration professionnelle entre infirmier(e)s et médecins se traduisant par un respect mutuel des connaissances et des compétences, ainsi que la poursuite d’un objectif commun : dispenser ensemble des soins de qualité ».

 

            D’autre part, nous savons que la violence psychologique entre personnel peut prendre, actuellement, des formes plus inquiétantes liées à la dureté des relations dans des milieux de plus en plus contraignants. Les relations sociales dans les équipes représentent une part importante de la charge psychique à « gérer » pour les soignants et l’ensemble du personnel déjà cité. Il est maintenant clairement admis que la non reconnaissance, par les médecins par exemple, du travail effectué par les soignants est une source de démotivation, de perte d’intérêt et d’incohérences. Nous pouvons généraliser cela et dire que l’absence de reconnaissance, d’où qu’elle vienne et quel que soit le statut de la personne qui en est victime, engendre les mêmes phénomènes. Cette absence de reconnaissance peut être dégradante et destructrice pour les soignants qui peuvent perdre le sens de leur travail et réagir souvent violemment face à la négation de leur engagement. En un mot, ne parlons pas toujours que des « 3 trains qui n’arrivent pas à l’heure », mais parlons aussi, et largement, des 97 autres qui eux arrivent à l’heure (ce qui, bien sur, ne doit pas nous empêcher de nous interroger à propos de ceux qui « n’arrivent pas à l’heure »).

 

            Cependant, dans chaque prise en soins, avec tout ce qu’elle représente de particulier et d’unique, il est nécessaire, à certains moments, de prendre des décisions. Nous souhaitons que ces décisions soient prises de la manière la plus collégiale et la plus participative possible. Décisions qui peuvent prendre la forme de prescriptions médicales demandant à être appliquées toujours avec humanité.

 

            En effet, il doit y avoir le temps du débat et de la discussion, mais il doit aussi y avoir, impérativement, le temps de la prise de décision, le temps de son application, sans oublier le temps de l'évaluation qui permet, éventuellement, d'amener des modifications ou pas afin d'adapter la stratégie thérapeutique si le besoin s'en fait sentir. Nous appliquons tous, quotidiennement, des décisions prises par nous-mêmes et par d’autres. Ceci parce que nous avons tous un « rôle propre » dont nous sommes responsables dans sa mise en œuvre, et un « rôle par délégation » qui nous demande d’effectuer certaines mises en œuvre et d'appliquer certaines décisions qui ne sont pas les nôtres.

 

            C’est précisément à l’aide de la coopération que tout cela peut exister ensemble dans un même ensemble : le service aux patients qui ne doivent jamais quitter le centre de nos pensées. Coopération dans laquelle chacun doit occuper la juste place qui est la sienne, que cela soit dans une dimension hiérarchique ou fonctionnelle, car même si ce sont des fonctions différentes, elles mettent en jeu, à leurs manières, la notion de coopération.

            Mais, tout cela doit aussi passer par une incontournable remise en question de certains de nos choix. C’est un passage obligé pour une juste évaluation, toujours vers le sens d’une volonté de progression. Mais ce retour sur les pratiques, si essentiel qu’il soit, ne doit pas être « à sens unique », nous devons tous nous y engager, quelle que soit notre place dans l’hôpital. Nous devons nous y engager selon le précepte du vieil adage qui nous encourage à la prudence en nous parlant de la paille dans l’œil du voisin que nous verrions mieux que la poutre qui se trouve dans le nôtre …

 

            Dans ce cadre là, il n'y a pas que les professionnels qui doivent effectuer un retour sur leurs pratiques. En effet, l'institution hospitalière elle même doit s'inscrire dans ce mouvement en réhabilitant une notion un peu trop oubliée, à savoir la psychothérapie institutionnelle qui, justement, permet à une institution de s'interroger sur ses pratiques. Car, ne l'oublions pas, l'institution elle même peut être thérapeutique ou non. Avec la psychothérapie institutionnelle la notion de travail en coopération au sein d'une équipe pluridisciplinaire prend tout son sens. Alors, cela doit permettre à une équipe, à un collectif, à une institution de fonctionner de manière plus harmonieuse, donc plus soignante. Il s'agit bien d'une pratique qui recherche, avant tout, pour le préserver, le coté humain de la relation.

N’en doutons pas, il s’agit, là encore, d’un gage d’amélioration de la qualité des soins.

 

            Nous devons tous nous retrouver autour du projet thérapeutique personnalisé pour le patient, mettant nos différences de point de vue au service de l’enrichissement du débat plutôt qu’à son appauvrissement pour, in fine, arriver à une synthèse cohérente.

 

            Pour finir, faisons référence au décret de compétences de la profession d’infirmier qui précise dans son article 1° : « … Ils (les infirmier(e)s) exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé … ».

D’autre part, ce même décret de compétences distingue les trois cas de l’intervention de l’infirmier : le rôle propre, l’intervention sur prescription médicale et l’intervention en collaboration avec le médecin. Trois cas où la notion de coopération est très forte, même dans le rôle propre, ne serait-ce qu’au travers des « transmissions d’informations ».

 

            Mais, faisons aussi référence au code de déontologie médicale qui stipule dans son article 68, intitulé : « Rapport avec les auxiliaires médicaux » : « Dans l’intérêt des malades, les médecins doivent entretenir de bons rapports avec les membres des professions de santé … ».

 

            Si besoin était, cette brève allusion aux textes qui régissent nos professions, confirme le fait que nous sommes obligés de travailler ensemble. Alors, œuvrons pour transformer cette obligation en une réelle volonté partagée, et que cette volonté se transforme en puissance.

 

            Laissons le dernier mot à Jean de la Fontaine qui nous disait dans sa fable « Le vieillard et ses enfants » :

« Toute puissance est faible à moins que d’être unie ».

 

 

Hervé BOYER

Cadre de santé en psychiatrie

CH RAVENEL




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