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Manque pas de culot celui-là !

Le soin en revue


Octobre 98

 

C’est vrai que je ne manque pas de culot. Ecrire sur des revues avec lesquelles on collabore ne peut pas être une démarche impartiale. Je serais donc partial. Prétendre avoir une lecture critique des articles de ses collègues, de ses amis, de la femme qu’on aime, voire de ses propres articles, il faudrait être dissocié. Je le suis et de toute façon je ne serais pas critique, enfin pas tout le temps. Le but de cette rubrique est de réagir à partir des revues destinées aux soignants, de prolonger la réflexion qu’elles cherchent à instaurer, et donc de vous informer à ma façon sur leur contenu. Le but de cette chronique est de titiller votre curiosité, de vous inciter à vous abonner, à lire ces revues en étant partial, de mauvaise foi, ironique, caractériel, professionnel, rêveur. Et si, mes phrases brouillonnes débordent de l’écran, finissent par être imprimées et suscitent débats et réflexions dans votre unité, j’aurais atteint mon but.

Vous l’aurez compris, c’est un " je " qui écrit, c’est un " jeu " autour des idées, des pensées, des théories de soins et des pratiques.

La vie est trop courte pour lire triste.

 

A propos de Vie Sociale et Traitement

 

A tout seigneur, tout honneur. Commençons par le n°59 de Vie Sociale et Traitement. J’ai beaucoup de respect et d’affection pour cette revue qui existe depuis quarante quatre ans. Combien d’infirmiers de secteur psychiatrique se sont abreuvés à cette source tout au long des années sombres où l’on soignait sans rôle propre, sans démarche de soins, sans (j’ose à peine l’écrire) diagnostic infirmier ? Lorsque nous inventions les pratiques de secteur, lorsque dans les hôpitaux de jour nous réfléchissions aux activités et à leur impact, lorsque nous nous interrogions sur la place de l’argent dans la vie de l’institution, qui nous accompagnait ? V.S.T En ces temps obscurs, nul ne parlait encore de Résumé de Soins Infirmiers, on ne savait même pas qu’existerait un jour un outil appelé P.R.N. 80. Et pourtant, ou peut-être parce que ... dans les unités, çà réfléchissait , çà s’engueulait, çà inventait.

Le numéro de juillet/août/septembre 1998 consacre son dossier à Fernand Deligny. Il ne s’agit pas d’un hommage posthume ou d’un quelconque rite funéraire mais de témoigner d’une amitié, d’un compagnonnage avec un homme singulier. Il s’agit d’affirmer la permanence d’une présence. Luc Bériot, Jean-François Gomez et Daniel Terral réagissent chacun avec leur sensibilité, avec leur expérience, avec leur amitié à l’œuvre de Deligny.

Luc Beriot commente quelques formules de " Graine de violence ", l’un des principaux ouvrages de Deligny.

J’en extrairais quelques unes dont chaque soignant devrait faire son profit :

Celui-là est buté, rebelle et paresseux. Il s’évade.

- Tant mieux. Il n’y avait rien à en faire ; les petits cochons le mangeront. "

deux ans après, il vient te voir confortablement vêtu, possesseur d’un vélo acheté sur ses économies, un bon métier en main.

Ne sois pas vexé. La vie a beaucoup plus d’expérience que toi. "

La vie a beaucoup plus d’expérience que toi. A quoi bon commenter ce que chacun de nous devrait savoir. Nous pouvons bien boucler de superbes projets sociaux qui consistent le plus souvent à trouver une petite case où ranger le patient pour qu’il ne pose plus problème. Nous pouvons bien répéter inlassablement les mêmes séquences de prise en charge. Nous pouvons bien rejeter, cadrer, enfermer, traiter, isoler, électrochoquer, neuroleptiser, chroniciser, agir en pure perte parce que ce n’est pas l’acte qui compte. Nous pouvons bien poser des diagnostics infirmiers prélevés dans des manuels pour obsessionnels : la vie a beaucoup plus d’expérience et d’imagination que nous.

Pour nous, prendre un gosse en charge, ce n’est pas en débarrasser la société, le gommer, le résorber, le dociliser, c’est d’abord le révéler et tant pis. "

Idéal impossible à atteindre peut-être, encore que. Les soignants indociles ne produisent pas des patients dociles. A chacun son Annapurna. Tant qu’à être alpiniste, je préfère tenter d’escalader les 14 K l’un après l’autre, plutôt que des murs d’escalade livrés clés en main par " Le vieux campeur ".

Aère et nettoie : la méchanceté est un microbe qui prolifie dans l’ombre, le désordre et la saleté.

L’eau, le feu, l’air et la lumière : de quoi faire dans notre métier, des miracles. "

Ce qui vaut pour les lieux, vaut encore plus pour la pensée, pour nos réflexes quasi-conditionnés de soignants adeptes de l’automatisation mentale. Aérons nos idées, nettoyons notre regard de toutes ces théories fumeuses qui l’obscurcissent et qui nous rendent aveugles, que nos certitudes soient lavées au battoir et à la cendre, qu’elles soient brûlées sur le bûcher des vanités, qu’elles soient giflées, transpercées, emportées par le vent puis doucement séchées, et réchauffées à la lumière de Sisteron.

Arrange-toi pour qu’ils aient toujours cette sensation de choix, hors de laquelle il n’est pas de bonne volonté possible. "

N’essaient surtout pas de savoir ce qu’ils disent de toi entre eux. Ont-ils envie de se mettre en route quand ils te voient arriver ? Voilà ton travail. "

Soigner en psychiatrie ce n’est peut-être que cela, donner à ceux qui souffrent le désir de se mettre en route. Et çà, çà ne se décrète pas.

Jean-François Gomez décrit l’homme, l’imprécateur féroce, l’auteur de ce que je présente comme des aphorismes.

L’homme et le lieu où il se tenait.

Terribles Cévennes, patrie des hommes purs, des femmes à la foi d’airain, " résister " était leur devise. Dragonnades, galères, maisons détruites pierre par pierre, rien ne découragea leur foi. Puissions-nous avoir la même.

Je ne résiste pas au plaisir de citer Gomez.

Voix de cet homme qui, dans ce lieu qu’on nomma " le désert ", s’empara de tout ce qui peut faire trace d’une histoire lointaine, tel qui ramasse un fossile sans valeur. Discours de peu pour des gens de peu, dans ce pays déserté par les hommes. Le four à pain, les châtaignes, la rivière, la présence de ce paysage somptueux, de ces saisons qui disent enfin leur nom, le silence, ce silence qui donne à chaque chose une vie, aboiement de chien, visite d’une brebis égarée, passage d’un voisin ou d’un promeneur. ...

Et ce faisant, comme lorsqu’on entend certains chants qui nous font tressaillir jusqu’au fond de l’âme, nous avons appris à reconsidérer ce que Deligny appelait " le moindre geste ". La guérilla menée par cet homme était là, dans cette façon de nous pousser à faire silence et à regarder l’essentiel. "

Puissions-nous, nous aussi, être attentifs au " moindre geste ", apprendre à faire silence pour écouter, pour percevoir ce que le mouvement du monde, l’agitation du quotidien masquent. Puissions-nous avoir la même exigence, la même foi, le même esprit de résistance. Soyons des guérilleros !

Daniel Terral nous invite à redécouvrir Deligny, " homme en effet curieux. Curieux de ce qu’il en est de l’humain, du " profondément humain. Et curieux parce qu’étrange Fernard Deligny. "

Il est vrai que j’écris comme je parle, écrivait/parlait Deligny, je veux dire qu’il y va du même élan, du même rôle ; aider les autres à ne pas se fier -exclusivement- au dit- à l’écrit. ...

Décrier les tournures du dire ? Dire c’est utiliser des tournures : reste que ces tournures laissent passer, à travers leurs mailles, le réel. Les mots nous dictent ce qu’il faut voir, percevoir. ...

Il ne s’agit pas de réparer le dommage, de le rapetasser ; il s’agit de dire qu’il y a dommage ; ce que j’essaie de dire. "

Deligny poursuit Terral " a toujours revendiqué de proposer un attirail personnel. Il faut dès lors savoir qu’équipe, équipage, attirail, voire accoutrement sont de même nature. Et voilà bien quelle est l’invite première de ce Deligny là : se saisir des mots et en explorer -épuiser- le champ sémantique. Qu’est-ce qui voisine donc avec ce à quoi l’on croit tout d’abord avoir affaire ? "

Fernand Deligny n’était pas médecin. Il fut d’abord instituteur avant de se consacrer à la rééducation et à la délinquance, puis à la folie. S’il faut aux infirmiers des modèles de référence, des maîtres à suivre, Deligny m’apparaît tout à fait fréquentable. Bien qu’il n’eut certainement pas aimé être considéré comme un maître. Il aurait encore moins aimé les diagnostics infirmiers et les théories qui les sous-tendent.

Mais laissons là, V.S.T avant d’y revenir plus tard.

 

Santé Mentale

 

Trois ans déjà ! C’est en Octobre 1995 que paraissait le premier numéro de Santé Mentale. Je me souviens encore de la mine gourmande de Marc Livet m’annonçant au Salon Infirmier la naissance prochaine d’une revue qui dépoussiérerait nos habitudes de lecture. Santé mentale serait une revue destinée aux équipes soignantes en psychiatrie. Elle s’adresserait à ceux qui n’aiment pas les longs textes, l’aspect " sérieux " de " Soins psychiatrie ", elle amènerait d’autres soignants à la lecture de revues professionnelles.

Trois ans ont passé. Le petit nouveau a su s’imposer. Marc Livet a quitté la revue pour d’autres accouchements, d’autres fonds baptismaux. Je ne suis pas inquiet, il nous fera de beaux bébés.

Si Deligny est mort, Noël, n’est pas mort, lui. Et il a bien du mérite. Aline, Marie-Charlotte, Monsieur Brûlé, le vieux Pino ne sont pas morts non plus. Ils résistent, comme résistaient les camisards dans les Cévennes, comme résistait Deligny, comme résiste Dominique Niel. Son texte prépublié sur notre site est un brûlot, une bombe lâchée par un guérillero comme mon cœur les aime. Elle reste anonyme, mais bientôt infirmiers pervers, bientôt médecins incompétents, nous écrirons au grand jour.

Continuez, profitez, mais sachez que vous n’êtes plus en sécurité, que même dans le plus lointain des pavillons chroniques du plus isolé des H.P. la relève se prépare. Vos pratiques seront partout dénoncées : les mises en chambre d’isolement à la tête du client, ce seau hygiénique que le patient doit vider avant d’être autorisé à prendre son petit déjeuner, ces patients abandonnés à leur sort attendant qu’un médecin daigne les voir, ce médecin et cet infirmier qui échangent des coups au cours d’un entretien familial. Nous n’accepterons plus d’être complice de ce terrorisme du quotidien.

Au secours !

On arrive Dominique ! Et la beauté terrible de ton texte nous incitera à mener une guérilla sans merci contre ces services misérables et honteux.

Quand je vous disais que je serais partial !

Le dossier du numéro 30 de Santé Mentale est consacré à l’hygiène en psychiatrie.

Soins psychiatrie

Soins psychiatrie aussi a son histoire. Si cette histoire n’est pas aussi riche que celle de V.S.T., si elle est moins ancienne, Soins psychiatrie n’en est pas moins la première revue dont les articles sont dans leur très grande majorité rédigés par des soignants. Revue classique, dont les textes et les dossiers sont denses, Soins psychiatrie se mérite.

Je n’en dirais pas plus, notre webmaster vénéré y tient la rubrique " Surf en soins infirmiers " et je connais trop le rédacteur en chef-adjoint pour être totalement honnête sur ce sujet.

Le dossier du n°198 (Juillet/Août 1998) a pour thème " Accueil et crise ". Je n’en parlerais pas ici parce que rien dans ce thème aujourd’hui ne me gratouille. Ce qui me gratouille par contre, c’est l’hygiène, la toilette. C’est un peu normal, mon dernier bain date un peu.

La toilette est devenu un sujet à la mode : Santé Mentale n°30 (septembre 98), V.S .T. n°59 (juillet/août/septembre 98), La revue de L’aide-soignante n°3 (mars 98), Soins psychiatrie n°195 (mars 1998).

Le point commun entre tous ces articles est que la toilette cesse d’être abordée uniquement sous un angle technique ou hygiénique. Les aspects psychologiques, relationnels, sociaux, anthropologiques sont de plus en plus souvent pris en compte. Le lavage n’est plus un soin qu’on inflige mais tend à un être un moment d’échange autour du corps. Le point commun entre tous ces textes est Marie Rajablat. Attention, je vais être partial. Lorsque Marie écrit sur la toilette, elle n’écrit pas à partir des souvenirs plus ou moins lointains d’une réalité qu’elle n’entreverrait que dans les livres. Lorsque Marie réfléchit sur la toilette, sa réflexion renvoie directement à une pratique. Elle ne laisse à personne le soin d’accompagner Alice ou Noa dans la salle de bains de l’unité. Chaque toilette l’engage elle et engage la relation qu’elle établit avec Alice ou Noa. Autour de chaque toilette, elle sait susciter tout un paysage de sensations, d’odeurs, de gestes qui parlent à chacun un langage proche parce que c’est le langage et les sensations du quotidien. Marie ne se contente pas de décrire, elle prend aussi le risque de théoriser. Elle a ainsi puissamment contribué à modifier nos représentations du premier des soins.

Pour l’ANAES, Marie Rajablat n’est pas une soignante. Ses textes magnifiques n’existent pas. La reconnaissance de ses pairs non plus. Pour être visiteur de l’ANAES, dans la catégorie soignant il faut être directeur de services de soins infirmiers, infirmier général, cadre-infirmier supérieur. Le bon soignant pour l’ANAES, c’est celui qui ne soigne pas, c’est celui qui n’a pas pris en charge un patient depuis dix ans. Ce lapsus montre bien que l’accréditation n’est mue que par un souci économique. Je préviens le visiteur " soignant " de l’ANAES qui viendra à Laragne, qu’il ne me parle pas de toilette, de chambre d’isolement, ou d’un quelconque écrit, je lui demanderais depuis combien de temps il n’a pas lavé un patient, à quand remonte sa dernière expérience de l’isolement. Je lui demanderais les références de ses écrits théoriques sur la question. Et si ces réponses ne sont que langue de bois, je le mettrais dehors. Alors quand les technocrates de l’ANAES viendront à l’unité " Le Provence " à Laragne (05) pour nous expliquer selon quels critères il faut isoler les patients, je ne les accréditerais pas, je ne leur reconnaîtrais aucune légitimité. Et je ne serais pas le seul.

Je ne nous laisserais pas insulter par l’ANAES. Considérer que les cadres, quel que soit leur grade sont des soignants, c’est injurier, insulter, vomir notre travail quotidien. Les soignants ne peuvent être représentés que par des soignants. Le discours des cadres qui consiste à dire : " Nous sommes cadres, mais nous sommes infirmiers avant tout " est un trompe-couillon. Assumez d’être cadres. Si vous vouliez rester infirmiers, fallait pas demander à être cadres. Nous n’avons pas besoin de soignants autoproclamés, nous avons besoin de cadres qui fassent leur travail de cadres sans états d’âmes et de soignants qui soignent. Un tel discours est d’autant plus malhonnête que dans les Ecoles des cadres de Santé, les enseignants, passent leur temps à seriner aux étudiants cadres qu’ils ne sont plus soignants.

C’est au pied du mur que se reconnaît le maçon, c’est dans la proximité, dans la relation au patient que se reconnaît le soignant. Lorsque je passe le gant de toilette dans le dos de M. Aramis, lorsque je mêle lavage et massage pour contribuer à le relaxer, lorsque je décalotte le plus délicatement possible son sexe (comme si c’était le mien), lorsqu’un moment après, je le vois en entretien infirmier, lorsqu’un temps après, à l’écart des patients, je prends de la distance pour écrire, pour élaborer à partir de la multitude d’échanges qui compose une journée, lorsque je réactualise la démarche de soins de M. Aramis, lorsqu’en réunion clinique, je réfléchis avec mes collègues autour de sa prise en charge, lorsqu’en supervision, j’essaie d’avancer autour des enjeux de la relation qui s’est établie entre nous, lorsque dans mon bureau, je rassemble différents écrits, concernant différents patients pour théoriser autour de ma pratique et publier, je suis pleinement, totalement, passionnément soignant. Ce mélange de proximité et de distance, ce plaisir de pensée autour du soin, cette nécessité d’écrire, d’élaborer, de transmettre, c’est cela être soignant.

Lorsque Myriam Burdillat, décrit dans Soins psychiatrie, la dernière toilette de Melle F, je retrouve cette même exigence. Je retrouve l’attention portée aux " petits riens " du soin, aux " moindres gestes " chers à Deligny. Quel technocrate du soin aurait pu écrire :

Je faisais sa toilette à mains nues pour éviter les douleurs provoquées par le frottement du gant. Je pouvais sentir sous mes doigts ces myriades de métastases échappées de cette maladie qui l’emportait et lire sur son visage l’intensité de la douleur qui la rongeait. " ?

Quel nursocrate aurait écrit :

Mes gestes étaient les mêmes que lors de son vivant, peut-être un peu plus hésitants, mais tout aussi attentionnés, toujours par peur de lui faire mal. " ?

Ce n’est pas lorsqu’elle accomplit cette ultime toilette que Myriam réalise que Melle F. est morte, c’est lorsqu’elle l’habille, c’est lorsqu’elle est confrontée à la rigidité du corps.

" Soins psychiatrie " et " L’aide-Soignante " ont en commun ce souci des moindres gestes, l’attention portée sur le " je " du soignant, sur les émotions que la toilette mobilise. C’est à partir de ce " je " que nous pouvons théoriser, c’est parce que " je " me pose en tant que personne que " je " peux être attentif à l’autre et que je peux prendre de la distance pour penser. Il y a un langage cadre, langage sans verbe, sans adjectif, fait d’une succession d’items, séparés par des virgules et des tirets. La complexité en est le plus souvent absente. Que communique-t-il ce langage " cadre " ? La langue des aides-soignantes du quatorzième secteur communique des sensations, de la vie, des doutes, une foule de questions qui sont les questions que chaque " un " de nous se pose lorsqu’il approche le corps nu d’un patient. Ce langage vivant est à des années lumière du verbiage utilisé par les tenants du diagnostic infirmier. Dans " L’aide-soignante ", à partir de ces questions, Martine Duroux va poser des références théoriques, insister sur le sens du toucher, sur le rôle de la peau dans la constitution du moi, permettre aux aides-soignantes de se familiariser avec les théories de Didier Anzieu.

" Soins psychiatrie " a fait appel aux mêmes auteurs et poursuit cette exploration de la zone frontalière entre l’autre et soi que permet la toilette. Une équipe de Maison Blanche rend compte d’une recherche-action sur la toilette en psychiatrie. Ruth Mailhé rappelle opportunément que la toilette n’est la priorité ni des infirmiers ni des aides-soignants mais que les ergothérapeutes ont eux aussi à assumer les toilettes en tant qu’elles permettent d’aider des patients à retrouver leur autonomie que ce soit en adaptant les salles de bains ou en travaillant sur les gestes à accomplir. Sa description de la dernière née des baignoires lave-vaisselle qui permettent de laver les patients sans les toucher est assez réjouissante. Autre façon d’aborder la question : celle autorisée par le diagnostic infirmier d’Incapacité d’effectuer ses soins d’hygiène. Nous sommes dans ce texte très loin des évidences énoncées par la NANDA. L’essentiel affirme l’auteur " n’est pas que Michel soit propre mais qu’il puisse abandonner ses couches de vêtement sans se sentir envahi, morcelé, anéanti. La notation " a pris une douche " n’est donc absolument pas pertinente ; elle ne renseigne sur absolument rien. Elle se réfère à un acte pur alors qu’elle devrait rapporter un ressenti, une série d’interactions entre le soignant et le soigné. "

Annick Leboudec prend le contre-pied de tout le monde en affirmant que là où il y a de l’hygiène, il peut y avoir du plaisir. " Un pou, une puce sur un tabouret jouaient aux cartes et se disputaient " où comment associer humour, décontraction, plaisir et toilette.

Annick Leboudec nous fournit une transition avec la revue " Santé Mentale " qui traite de l’hygiène.

M. Eveillard, pharmacien biologiste, assistant spécialiste en microbiologie et hygiène situe la question des infections nosocomiales en psychiatrie. Il décrit ainsi les structures de lutte contre les maladies nosocomiales, l’histoire des Clins, et les pratiques d’hygiène en psychiatrie telles qu’elles apparaissent dans une enquête réalisée par le Clin Paris-Nord.

Il rappelle opportunément l’existence du " Lien " (mouvement de lutte, d’information, et d’étude des infections nosocomiales) qui s’est donné pour but d’aider les victimes des infections nosocomiales. Rappelons que le téléphone de cette association est le 01 69 07 26 26. Rappelons également l’existence de NOSOBASE® (base de données sur l’hygiène hospitalière) : Minitel : 3617 BDSP, Internet : http:/www.univlyon.fr/LyonSud/nosobase. Le texte écrit par le Dr. Ferrière sur les pathologies mentales et l’hygiène m’a personnellement laissé sur ma fin mais il s’agit d’un texte écrit par un psychiatre qui n’a pas le même rapport à la toilette qu’un infirmier, qu’un aide-soignant ou qu’un ergothérapeute. Guy Mathieu, présente le rôle de l’infirmier hygiéniste sans évacuer que les mesures de prévention de l’infection nosocomiale apparaissent parfois en contradiction avec le soin psychiatrique. Pour répondre aux problèmes d’hygiène des patients psychotiques, des pharmaciens et des infirmiers du Centre Hospitalier de Saint-Egrève (38) ont mis au point un projet éducatif original qui s’articule autour d’un film et d’un module d’apprentissage à l’hygiène. Le film peut être commandé à Mme Pagazani, U.T., Neuro-Rhumato, Département SNC, Tri L2, 15, rue de la Vanne, 92545 Montrouge cedex.

Je ne résiste pas au plaisir de citer Pierre André co-auteur de l’ouvrage Corps et psychiatrie.

Quelle place l’hygiène tient-elle dans la relation soignant/soigné ?

- A travers la toilette se noue un lien. Le contact cutané doit être suffisamment lent, minutieux ; accompagné d’une verbalisation et surtout en aucun cas être érotisé. La grande difficulté, c’est de pouvoir, à travers la toilette, toucher le patient, lui apporter par ce toucher un bien-être, un soulagement, une décontraction musculaire, une relaxation spécifique, tout en faisant attention de ne pas érotiser la relation, l’émoi sexuel pouvant être éveillé autant chez le soignant que chez le soigné. Il est donc nécessaire de respecter un cadre bien défini : chacun sa fonction, chacun son statut. Quel que soit le service, l’infirmier doit rester infirmier et intervenir dans un cadre précis qui respecte à la fois une unité de temps (la durée de la toilette ne peut être ni trop courte, ni trop longue), une unité de lieu (il faut préserver l’intimité du patient), et une unité d’action (le toucher doit concerner uniquement les soins corporels). "

Le dernier texte consacré à la toilette dans V.S.T. est cher à mon cœur. Il a été écrit pour être présenté aux Journées de Saint-Alban. Au fil de l’eau. Il me semble rassembler tout ce qui précède, et le magnifier. Je me souviens encore de cette nuit chez Marie. Rien ne venait, nous tournions en rond. Marie tapotait sur son portable, Anne-Marie s’éparpillait, et moi allongé sur la moquette je vaguais. Aucun fil conducteur ne nous venait. Anne-Marie avait déjà rédigé sa contribution, Marie également, mais rien ne reliait ces histoires entre elles. C’était un de ces moments magiques où le temps s’écoule, où rien ne compte que le bonheur d’être ensemble, de réfléchir de concert. Dieu, que j’étais bien allongé par terre à les écouter toutes deux parler de ces petits riens qui font le soin, évoquer ces anecdotes minuscules qui ne seront jamais publiées. Je me disais que j’avais bien de la chance d’avoir de telles collègues. Et qu’il serait dommage que la destinée nous sépare. Mais qui choisit le destin ? Les Parques ! Les Parques ? N’était-ce pas elles qui disposaient de la vie de chacun. Le temps de sauter sur le dictionnaire et tout s’emboîtait. Eurêka !

D’un texte à l’autre, d’une revue à l’autre s’organisent des réflexions communes, des échanges, des discussions. Chacun s’enrichit des écrits des autres et écrit à son tour. Concurrentes les revues ? Non complémentaires.

Autour de la toilette, s’organise sous nos yeux ce que pourrait être une réflexion soignante. Que ce soit autour du premier et du plus sacré des soins ne peut que nous réjouir.

Au mois prochain !

 

 

Dominique Friard.

 


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