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Institutions
revue de psychothérapie institutionnelle

Sommaire du numéro 25

Editorial

Editorial
Le club, un lieu commun
Valérie Geandrot

Les rendez-vous

La borde Ivoire
Le centre de santé Victor Houali : de la Borde à la Côte d'Ivoire Frédérique Drogoul Philippe Bichon

L'espace, possibilité de l'interprétation
Myriam Andraus Guattari

Comment Dominique, schizophrène, soigne Claude, schizophrène
Danielle Roulot

La rencontre à Venise
C. G.

De l'importance des associations et des clubs en psychiatrie
Michel lecarpentier

A propos des clubs et des tartes aux citrons
Philippe Bichon
Christophe Naud

La patience du tissage et la surprise de la rencontre
Hélène Chaigneau
Lucien Bonnafé
jean Oury

Clubs et citoyens
Christine Gaillard
Michel Henin
Serge Drylewicz

Le club au quotidien, contre vents et marées...
Jean-Claude-Sécheresse

Du Club sans club ?
Dominique Friard

Parole et secret
jean-Michel Abt

Histoire

L'hôpital, de Pinel à la psychothérapie institutionnelle
Catherine Mazières

Livre & pedagogie institutionnelle
Texte libre à propos d'un " memento de pédagogie institutionnelle "
Jean Oury


Editorial

Le club, un lieu commun.

 

Valérie Geandrot - Paris

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Il y a le lieu que l'on emprunte par paresse, sans y être. Pour ne pas y être, justement. Pour éviter, en passant par là, de se prononcer. Une manière de se fondre dans la parole commune pour éviter d'avoir la sienne. Ce lieu sédimente les évitements. Et dans cet espace verbal toujours réemprunté chacun retrouve l'autre dans une même fuite de la présence au monde. Là s'élève une cathédrale de vide, un monument érigée à l'absence. Aussi, lorsque les mots atteignent la quintessence de leur inanité, ils prennent le digne nom de lieu commun. Un espace où le mot mille fois répété découvre l'absence commune. Commune et banale. Car c'est aussi le lieu de la banalité où, par effacement progressif d'un arrière fond, plus rien n'est là qui ferait sens. Espace de l'apparaître pur du mot ; équilibre étonnant de la plus grande présence du mot et de la plus absolue perte de sens. Où sont ceux qui passent par là ? Qui parle ? Où est celui qui comprend le langage de l'absence ? Où sont-ils tous derrière des mots qui ne sont pas les leurs ? Le lieu commun est donc un écran de l'abîme au fond duquel se glissent des ombres sans demeure. Une projection linguistique de l'Hadès mythique.

Une autre figure tentante de l'Hadès : la folie. La déambulation d'une ombre d'individu dans les jardins de la psychose. Apparemment, un corps déserté par son âme. Il est encore question d'une absence. A soi. Les chemins que l'on emprunte dix fois par jour sont autant de voies où promener un corps qui s'agite. Ceux que l'on crée au gré des ses itin-errances, autant de ponts qui vont de soi...à un autre soi. Dans ce chaos d'âmes et de corps lacunaires, le verbe aussi se cherche. Le mot souvent échappe, comme emporté soudain par un esprit vagabond. Lorsqu'il advient enfin, nul ne sait, sous le sens manifeste, de quel monde il revient. On croit comprendre, se figurer...On croit, et heureusement peut-être. Vers qui les mots partiraient-ils si quelques uns ne croyaient pas comprendre ? Une illusion, dont jaillit un dialogue. Enfin... Par delà des significations divergeantes, au-delà des expériences non-communes, une parole se noue, entre l'autre et soi, entre le réel psychotique et la réalité de tous. D'un langage qui n'a de commun que l'apparence naît une communauté de présence.. Peut-être parce que l'écoute s'origine dans le désir d'être avec. Peut-être parce que derrière les mots, quels qu'ils soient, c'est l'autre qu'on sait entendre.

Aussi, aucun lieu commun n'est possible, dans cet espace de dialogue où la présence toujours traverse les mots et les portes. Personne ne peut se glisser dans du déjà-là pour échapper à l'autre. La psychose est là, Cerbère veillant au portail d'un langage authentique. D'une parole difficile mais toujours incarnée. Car si les mots sont des choses, et si ils engagent littéralement celui qui les commet, comment ne pas en prendre soin, comment ne pas les accompagner ? D'où une présence, derrière chaque mot. Loin du lieu commun et de sa vacuité, où nulle rencontre ne se fait plus.

C'est ici que se dévoile l'espace de la communauté. Cet espace précisément, où le désir est là qui, d'une co-présence trace un itinéraire, construit une histoire. Car voilà bien le sens de la communauté, comme catégorie d'abord : c'est l'action réciproque de deux substances existant simultanément. Puis comme réunion d'individus : fondée sur le désir, plus que sur la décision, d'être et de faire ensemble. Présence, désir, et réciprocité... Trois exigences de la communauté, trois moments d'une authentique rencontre.

Mais entre temps, l'impossibilité d'un lieu commun linguistique est devenu la possibilité d'un lieu commun qui soit lieu d'une communauté de présence...


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