Pratiques N° 24
Les cahiers de la médecine utopique

Le métier de médecin généraliste
entre plaisir et difficultés
entre rève et cauchemars
entre individuel et collectif

Curatif ou Palliatif ?

Non, les conditions de vie individuelle des médecins ne sont pas aussi misérabilistes que certains syndicats médicaux corporatistes voudraient le faire croire ; les moments de bonheur dans notre métier ne manquent pas.

Les raisons d'être en colère sont, elles, par contre, nombreuses. Elles dépassent les revendications catégorielles des médecins. Comment revendiquer de meilleures conditions de rémunération, d'horaires, d'organisation, sans tenir compte de l'état ultra-libéral de la société ? L'accès aux soins est de plus en plus difficile pour les personnes les plus démunies ou avec des revenues modestes : remise en cause à nouveau du dispositif de l'Aide Médicale d'Etat dans les dernières propositions de ce gouvernement, augmentation massive des cotisations par les assurances complémentaires santé, projet de démantellement de l'hôpital public au profit du privé dans le plan Hôpital 2007. il est intolérable de voir, de plus en plus souvent, dans nos cabinets, des patients avec des pathologies directement liées à la dégradation de leurs conditions de vie ou de travail. La seule réponse que nous avons est une prescription de médicaments et d'arrêt de travail.

Nous sommes dans le soin palliatif de la société, là où nous devrions collectivement élaborer des soins curatifs, cela veut dire construire des réseaux s'attaquant aux fondements de la dégradation de la santé les gens. Cela veut dire mettre l'individu au centre de la finalité de l'entreprise, du quartier. Cela veut dire que le médecin ne sera plus le pivot du système de distribution des soins, mais deviendra un acteur parmi d'autres dans des réseaux de santé pluridisciplinaires.

Cette construction ne peut s'élaborer qu'avec d'autres professionnels de santé et avec les autres acteurs de la vie sociale. Le Forum Social Européen, en novembre dernier, où le syndicat de la médecine générale a été particulièrement actif, fut l'occasion de rencontrer un réseau international de résistance à la marchandisation de la santé. L'enjeu de cette lutte est de développer suffisamment collectivement et solidairement les aspects positifs de notre métier pour l'indispensable construction d'un système de santé alternatif.

Jean Louis Gross