Pratiques N° 17
Les cahiers de la médecine utopique

Quels savoirs pour soigner


Psychopathologie des dernières élections Le scénario redouté dans notre dernier numéro s'est malheureusement réalisé. L'échec est sévère pour nous qui voulions faire de l'avenir de notre système de soins et des questons liées à la santé un enjeu politique important. Ce fut le néant de la discussion en la matière. Beaucoup plus inquiétant est que ce néant du débat politique s'est rétréci (nombre record d'abstentionnistes) et appauvri dans son contenu. Nous avons eu droit à une campagne politique placée sous le sceau des émotions véhiculées et amplifiées par les médias, ce dont se sont servis en retour les partis politiques qui ont conquis le pouvoir. Il s'est agi de cultiver, d'exacerber ce climat d'émotions négatives composées d'un mélange de souffrances présentes, d'inquiétude pour l'avenir, de solitude face aux difficultés de la vie de tous les jours avec la perte de nombreuses valeurs de solidarité (familiales, sociales, professionnelles ou syndicales).

Et dans ces situations de détresse, selon les schémas psychologiques immémoriaux, on cherche le Coupable, c'est à dire l'Autre, le voisin de pallier pour peu qu'il ait la peau un pue foncée ou le jeune du coin qui fait peur parce qu'il est jeune. A ce petit jeu, l'extrême droite a été la plus forte et la plus habile, car son discours qui transpire de "la haine de l'Autre" est apaisant psycho-sociologiquement (1).
On est en colère et comme cette colère n'est ni analysée ni prise en compte dans une rationalité politique, on se venge de son malheur et de son mal-être contre la classe politique en n'allant pas voter ou bien en votant Le Pen, père fouettard qui lui, le tortionnaire patenté, apparaît au moins compétent pour assouvir ce besoin de vengeance contre "le mauvais sort". Heureusement, du fait de réflexe républicain, la diable est rentré dans sa boîte, mais pour combien de temps, car tous ls ingrédients sont encore là pour qu'il rejaillisse à la moindre occasion.

Il faut mettre en avant la question de l'intérêt général en médecine comme ailleurs, celui qui transcende en le dépassant chacun de nos intérêts particuliers, de sorte que les institutions qui ont en charge les principales missions d'ordre public puissent s'améliorer dans le sens du mieux pour l'ensemble de la population.
Le corollaire est le nécessaire examen de conscience pour nous tous qui croyons à l'utilité du combat collectif. Cela suppose de nouvelles façons d'articuler le faire, le dire et nos manières d'être au politique.
Un rude défi qui met en question nos propres modes de fonctionnement en tant que syndicats, partis politiques ou autres associations.

C'est à ce prix que notre démocratie représentative, qui sort très affaiblie de ces dernières élections, s'en trouvera ragaillardie.

Patrick Muller
Médecin Généraliste