Soins Psychiques et précarités Jean Pierre Martin Editions Eres 2011 |
20
ans d’exercice auprès des précaires, 20 ans de réflexions, d’interventions en
colloques, 20 ans d’un travail militant d’une pratique désaliéniste dans la
psychiatrie publique. Après « psychiatrie dans la ville » Jean Pierre
Martin nous propose une prolongation de ces réflexions, une mise au point sur
deux questions sociétales qui sont l’exclusion et la santé mentale. Deux
questions qui d’ailleurs s’alimentent l’une et l’autre et viennent percuter une
réalité sécuritaire qui donne des frissons aux tenants d’une psychiatrie
ouverte et respectueuse des droits fondamentaux.
Après
une introduction historique de la lutte contre la pauvreté depuis le Moyen Age,
l’émergence de la notion de précarité et des inégalités sociales, Jean Pierre
Martin va nous poser la question : Sommes nous des réaffiliateurs ou des
normalisateurs ? D’où l’importance d’une réflexion éthique sur le rôle de
la psychiatrie, sur sa place dans une politique de « santé mentale ».
La
précarité de ce livre concerne les sans domicile fixe, mais il ne néglige pas
ce qui devient une réalité massive : l’errance dans l’habitat précaire.
L’expérience
du dénuement absolu est la recherche d’un lieu où l’intimité permet d’être un
moment à l’abri des regards. La
conservation des effets personnels est une lutte au quotidien.
Les
femmes sans abri sont souvent discrètes, elles demandent souvent une alliance
qu’une institution. Elles préfèrent être reconnue dans leur mode d’être plutôt
que l’accès à une prestation. Les enfants sont également de plus en plus
nombreux à être victimes du mal logement et de l’errance avec leurs parents.
Et
la psy là dehors ? Jean Pierre Martin nous propose un regard de
« l’aller vers » et de l’accompagnement, un regard sur sa pratique de
psychiatre de secteur en évolution, mais également sur son expérience d’équipe
psy précarité.
L’aller
vers se traduit par « un décentrement par rapport au dispositif
psychiatrique, avec la mobilisation des infirmiers en première ligne. Ceux-ci
mobilisent un autre regard sur la souffrance et participent de l’élaboration
clinique. Il se construit un travail de
lien avec les intervenants de terrain, en interface avec des tiers, et des
pratiques de groupes de parole, où les psy interviennent parmi d’autres sous le
regard des autres ». Jean Pierre fait comprendre aux lecteurs l’importance
de ne pas transformer l’errance en un nouveau trouble du comportement. Cela
donnerait des réponses normatives mais également le risque de soins imposés.
« Ces
pratiques de l’aller vers sont celles d’une psychiatrie critique qui tente de
penser son action comme un moment d’inscription dans la démocratie, face à des
situations de violence sociale et sociétale, au cœur de la précarisation et de
e qui exclut. »
Jean-Pierre Martin est psychiatre
de service public, chef de service d'un secteur du centre de Paris. Il a
travaillé de nombreuses années dans le nord de