Journal d’une infirmière en psychiatrie Blandine Ponet Editions Eres 2011 |
Leçon
de choses… tient ? Il y avait longtemps que je n’avais pas entendu ces
mots. Leçon de choses… ça rappelle inévitablement l’enfance et l’éducation.
La
leçon de choses devait nous permettre d’acquérir l’intelligence d’une idée
abstraite via un objet concret. (je dis devais… il y a longtemps que j’ai
quitté les bancs de l’école)
C’est
aussi l’éducation des sens, comment s’éveiller au monde par le moyen de nos
cinq sens : voir, toucher, observer, discerner les qualités des objets…
Il
faut que le « maitre » guide l’enfant, qu’il l’habitue à se servir de
ses sens, à observer. Il faut qu’ensuite, il soit à même de reconnaitre les
objets et leurs propriétés.
Le
« maitre » doit faire des expériences et y faire participer l’élève.
Au
départ l’enfant va être guidé, il faut donc une règle, une discipline. Puis il
s’agit de s’en dégager pour que l’enfant saisisse ce qui est essentiel. Ce qui
n’est pas toujours le plus apparent… D’ailleurs, ça l’est rarement…
Leçon de choses et folie….
Après m’être arrêté longuement sur le titre qui m’a
vraiment transporté loin, j’ai continué la lecture…
Comment
faire pour qu’un livre vous capte ? Parfois c’est simple comme un bonjour
le matin !
Celui-ci
commence par parler de lieux qui me sont chers ! Le portet d’Aspet, le
Somport, le col du port… marques fortes de liens, d’amitiés, de nature. Le Port
dit Blandine c’est le seuil, le franchissement. Ceux-ci sont le lien entre la
France et l’Espagne, parfois ils sont sur la frontière.
En
fait, la frontière dont Blandine veut parler, c’est celle qu’il y a entre
soignant et soignés. Soignants Soignés, Portants Portés. Proximité du contact,
s’appuyer sur l’autre, en être porté, inversion du lien : qui porte
qui ?
Leçon
de choses, se poser pour réfléchir, prendre du temps… écouter ses sens et en
saisir quelque chose.
La
suite… c’est autour des patients que cela se passe.
Parler
d’eux, écrire d’eux, à propos d’eux, pour eux, contre eux. Ecrire pour sentir
la beauté à côté du terrible.
Les
mots du papier dit-elle, séparent, les mots du papier réunissent.
La suite, c’est Charles, Joséphine, Micha,
et tous les autres…
La
suite, ce sont des récits de vie, des rencontres, des moments partagés.
Blandine
donne son regard sur la psychose, sur la clinique, sur le quotidien. Elle nous
propose des outils pour penser la folie.
Le
travail en psychiatrie nécessite une belle dose d’inventivité, de chaleur, de
prise de risque. Cela demande aussi des équipes motivés, investies et défendant
un certain cadre de soins. Celui-ci est attaqué en permanence au nom de raisons
budgétaire souvent peu efficaces.
Et il est question de reconnaissance... De cette reconnaissance qui dit Blandine, ne se fonde qu'en pratique et qui est issue d'une relation singulière portée par un collectif. La reconnaissance serait alors une des formes d'expression de la singularité au sein du collectif, parce qu'elle touche à l'ancrage de la personne parmi les autres. Ce qui servirait à établir ou rétablir le lien où celui ci a été mis en cause à la fois par la maladie et par la réponse psychiatrique à la maladie.
« Tout
l’art des soignants est d’arriver à construire un lien, faire vivre autre chose
que l’étiquette « psychiatrie » ou « malade », faire sentir
un peu de vivant. »
Etre infirmier(e) c'est être au centre de deux choses contradictoires et balancer sans cesse de l'une à l'autre. En se posant tout le temps la question du "qu'est ce que je fais là, dans cette relation..." "Qu'est ce qui est thérapeutique dans le travail que l'on fait" ?
Blandine Ponet exerce
comme infirmière dans un hôpital psychiatrique. Titulaire d'un DESS de
psychopathologie clinique, elle anime des ateliers de lecture de poésie
à la médiathèque de Toulouse. Elle est membre du comité de rédaction d'Empan.
Elle a publié L'Ordinaire
de la folie, une infirmière engagée en psychiatrie (Érès, 2006).