Retour aux livres  
  Retour à l'accueil



Lettres mortes
correspondance censurée de la nef des fous

Hôpital de la Volterra 1900-1980



Présentation, traduction et photographies

Patrick Faugeras


Post scriptum de Jean Oury


Encre et Lumière



2007



Lettres mortes
correspondance censurée de la nef des fous



« Le psychiatre italien Franco Basaglia, qui fut l’un des principaux acteurs de la lutte contre l’existence des hôpitaux psychiatriques en Italie, avait coutume de dire que la première chose que l’on rencontre lorsqu’on pénètre dans un asile, ce n’est pas la maladie ou la folie mais la misère."

En 1978, le parlement italien vota la fermeture des asiles la loi 180 ou loi Basaglia. Le contexte politique n'était pas si évident que cela, ce qui n'empêcha pas la réelle fermeture de ces asiles.

L'hôpital psychiatrique de la Volterra se trouve dans une petite ville du nord de la Toscane. Pour les cinéphiles, dans "vague stelle dell'orso" Luchino Visconti dans certains plans, laisse voir cette misère asilaire.
Lors de sa fermeture, on enferma dans des placards des lettres par dizaines. Ces lettres avaient été écrites par des malades, elles ont été alors censurées, retenues, interdites et n'ont jamais atteints leurs destinataires. Elles n'ont alors jamais reçus la réponse tant attendue, tant désirée...

La loi... voulait que tout échange épistolaire soit soumis à la censure médicale et administrative. Personne à ce moment là n'a trouvé cela choquant, ni tragique pour ces centaines de patients. Cela met en lumière le délicat équilibre entre folie, soin et contrôle social.

Les lettres... Patrick Faugeras est allé s'immerger dans les archives. Il a ramené ces lettres, cette correspondance “interceptées, censurées, détournées, perdues, interdites…”. Elles résultent d’un choix tout à fait arbitraire parmi des milliers de documents. Cette correspondance s’étale de l’année de 1900 lors de la création de l’asile, jusqu’aux années 1970, peu avant sa fermeture.

C'est un étonnant mélange de sentiment qui nous envahit à la lecture, de la colère contre l'humain dans ce qu'il a justement de déshumain, une émotion totale et brute devant certains écrits, une certaine tendresse, un sentiment d'injustice, un autre de honte, une sensation d'urgence et un total respect.
Quelle violence a-t'on fait à ces hommes et ses femmes. Quel sentiment de solitude devait les envahir. Quel horreur concentrationnaire, quelles pratiques totalitaires...!!! Ces lettres sont chargées de "folie", elles sont gaies, tristes, bouleversantes. Elles sont d'une construction élégante parfois. Les mots sont chargés, ils nous atteignent, nous rattrapent. Une sensation étonnante de mise en liberté de mots oubliés. Les lettres s'envolent. Patrick Faugeras en a été le passeur. Elles vont trouver des destinataires... enfin !

L’asile de Volterra, cette nef des fous, est aujourd’hui laissé à l’abandon comme le furent naguère la plupart de ses occupants. Et si les traces de la vie que partagèrent, à une certaine époque, plus de 4 800 patients sont encore visibles, comme si les lieux avaient dû être quittés précipitamment, son état actuel semble refléter cette gangrène de la répression asilaire qui ronge depuis toujours tout rapport à la folie.

Patrick Faugeras est psychanalyste, écrivain, traducteur et directeur de collection aux éditions Erès.


La post scriptum est de Jean Oury
"Des milliers de lettres. Et les agents, consciencieux, minutieux, bien ordonnés. De l’écriture redevenue « traces », rangées dans les archives de purgatoire, attendant le destinataire absolu, transcendant : le Dieu inaccessible de la Bureaucratie, le Maître invisible du « Château » pour « philosophasser » (comme le dit Jules Vallès)."

Une bouffée d'émotion pour ce très beau livre

@Marie Leyreloup