L'éloge du risque dans le soin psychiatrique
Le constat fait par Marcel Sassolas me semble tout à fait intéressant. Evidemment la psychiatrie est en souffrance et ses acteurs en difficultés, mais n'avons-nous pas dans le passé plus ou moins lointain eut de pareils moments de malaise ? N'y a-t-il pas eu des moments où les difficultés financières, où la pénurie des personnels étaient au-delà de la crise ? Ce que je pense effectivement comme le souligne Sassolas, c'est qu'il y a actuellement un grand danger de résignation et le pire pour les soignants de se laisser aller à la plainte.
C'est vrai que la réalité est loin d'être rose, que le tissu social est bien dégradé, que les conditions de travail, que les exigences administratives font perdre le goût du soin.
Le principe de précaution a d'ailleurs émoussé ce qui faisait que nous supportions les conditions plus que médiocres d'il y a quelques années.
" Affronter le réel, c'est prendre des risques, attitude qui n'est plus aujourd'hui culturellement correcte. "
Prendre des risques c'était notre réponse à la réalité hospitalière. Il y avait toutes sortes de risques, chacun dans des registres différents, mais ils avaient tous un effet antidépresseur !
L'éloge du risque dans le soin psychiatrique que nous propose Sassolas, doit se lire comme un livre jubilatoire (et militant) sur l'esprit critique, l'inventivité, la créativité.
Quinze auteurs nous proposent leurs réflexions sur cette notion de risque à partir de leur pratique.
" Oser le risque c'est créer une alternative à l'angoisse, à la peur, à la panique, aux mesquins pouvoirs réducteurs, c'est rendre possible l'espace du soin, le choix propre de son destin. "
Nous ne sommes pas dans la cocothérapie mais bien dans ce qu'il y a de plus original et de plus libre. C'est bien pour cela que le risque dérange…
" Entre flambée sécuritaire et inflation des procédures administratives (et juridiques) l'époque est ostensiblement placée sous le signe de la sécurité. Ce mouvement conduit à des dérives, notamment l'inflation des procédures (…). Une part donc importante du travail institutionnel consiste dès lors à se défendre, face à ce qui est éprouvé comme pouvant entraîner des conflits ou comporter des menaces diverses (…) "
Investissement, désinvestissement…
A lire sous la plume de Georges Gaillard via Piera Aulagnier les agissements de la pulsion de mort dans l'institution.
Y a-t-il une place pour l'innovation se demande J. Hochmann si la prise de risque est sanctionnée ? Devons nous nous contenter de suivre à la lettre les protocoles et autres modèles ? Quid de la création d'équipe qui permet de remettre " en route les potentialités créatives des patients "
Oui, il y a encore des possibles, les nombreux exemples proposés ci et là nous permettent de le penser.
Et terminer par le texte de J. P Martin qui pense qu'il est possible d'inverser la tendance. La réponse passant par une coopération élargie avec les différents partenaires extérieurs de la psychiatrie. La notion d'interface chère à JP Martin est ici repositionnée quelque soit la structure où cela se met en place.
" La prise de risque est donc le moteur du travail clinique psychosocial et rejoint la politique dans son intégration à la vie des quartiers et des communes et son refus des exclusions et de leur versant sécuritaire. "
Très joli titre, les articles sont de qualité... qu'attendons-nous pour prendre le risque de soigner ?