Mentale Machine
Daniel Simonnet
Editions l'Harmattan
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"Mentale machine" : non ce n'est pas le nom d'un groupe de rock... non ce n'est pas un texte rap, encore que... Ce n'est pas non plus un recueil de contrepétries, même si les lecteurs du Canard enchainé peuvent y trouver du grain à moudre... Avec des résonances à la Boby Lapointe, des affinités avec L.F. Céline, tant pour les rythmes que pour les ambiances plutôt glauques pour ne pas dire noires..., il ne s'agit pourtant ni de chansons, ni de roman. Vous donnez votre langue au chat , je vous donne quelques pistes.
Le livre, puisqu'il s'agit d'un livre publié récemment, porte le sous-titre poème, et la quatrième de couverture nous parle "d'essai poétique et de documentaire imaginaire" où "l'auteur nous propose sa vision de la folie". L'auteur : Daniel Simonnet. Profession : infirmier en psychiatrie engagé dans la création vidéo. Poète à ses heures, amoureux de la langue et de ses rythmes : "Lumières des étoiles amourantes..." c'est trop beau, non ? poème donc, en forme de soliloque, ce texte original et courageux - lorsque l'on sait que le barreur est un soignant - nous raconte des morceaux de vie en faisant exploser la langue qui se désarticule pour se glisser dans des sons et des sens nouveaux, une langue qui s'emballe, s'envole, fuse, transfuse, jongle, dérive...
Dans la tension et l'exaltation qui animent le malheureux locuteur ( qui s'adresse à un "docteur" toujours muet, sinon absent ), on pourra reconnaitre les signes de la folie, mais surtout une tentative désespérée de se rassembler, de se faire entendre, de retrouver des images, souvenirs déformés d'un temps révolu, de balancer tout le paquet, jusqu'à l'épuisement.
Epuisement du sens par une course effrénée des mots qui toujours se dérobent et mutent dans une langue qui ne "tient" pas, et toujours se défait. Epuisement des sens, de la souffrance, des maux, portés jusqu'à l'incandescence. Le voyage est parfois fatiguant ( j'ai dû m'arrêter plusieurs fois ) mais pour qui aime les mots et se sent proche de la folie ( la sienne comme celle des autres ) la traversée est passionnante.
Michèle Drancourt.