Quand en 1992 mon guide, mon frère, mon soutien est mort happé par un virus ravageur, j'ai rangé dans les fonds de mon bureau tout nos livres en essayant de ne plus les voir. Et ce matin, alors que je remets de l'ordre dans mon antre pour m'aider à remettre de l'ordre dans mes pensées, je tombe sur tous nos vieux bouquins. A l'intérieur des feuillets noircis, des images, des mots et parfois même quelques notes.

Cela m'a donné envie en ce début 2003 de relire nos archives, nos vieux livres et de faire partager nos vieilles émotions. Le premier est un gros pavé de 1984 : un livre de Hans Prinzhorn 1886-1933 qui avait fait des études de l'histoire de l'art, de philo et de chant puis qui a entrepris des études de médecine. Il a travaillé en psychiatrie à Heidelberg ou il a rassemblé 5 000 oeuvres de malades mentaux.
Cet ouvrage constitue l'étude d'ensemble de ce qu'on appelle "la collection Prinzhorn". Les dessins et illustrations proviennent de la collection Prinzhorn réunie à la clinique d'Heidelberg.

C'est une réédition du livre de 1922 qui a connu dès sa sortie un succès important qui a nécessité une réédition dès l'année suivante. Le livre a touché autant les psychiatres, psychologues que les amateurs d'art. Il imposa aux professionnels de la psychiatrie la prise de conscience qu'existait une production plastique même si la plupart continuèrent à n'avoir pour elle qu'un intérêt très limité. Les artistes comme Marx Ernst, Paul Klee entre autres ont salué les créateurs anonymes qui étaient derrière les murs de l'asile

Patrick a toujours été passionné par l'art et la psychiatrie, son mémoire de fin d'étude d'infirmier était un superbe travail sur l'art thérapie. Pas trop étonnant dans sa bibliothèque que ce livre... J'avoue que je n'étais pas aussi passionnée... J'ai toutefois eu droit (parfois malgré moi) à de multiples lectures destinées à m'ouvrir l'esprit à l'art et la production artistique de certains patients.

L'intervention de Prinzhorn est reconnue comme décisive quant à la reconnaissance de cet art. Il nous invitait à confronter sans préjugé la production de certains malades et les oeuvres marquantes de la modernité dans les beaux arts. Cela permettait aussi de consacrer aux images des fous l'attention stylistique la plus intuitive. Il se gardait aussi d'arguer du caractère émouvant des images pour nier la maladie quand toute l'histoire de l'artiste schizophrène atteste de la souffrance.

Prinzhorn entreprend de consacrer à la production plastique des "fous" l'attention stylistique la plus minutieuse et il mis en exergue ce qu'il nomme un pouvoir de Gestaltung, de mise en forme, sorte de poussée vitale de l'expression. L'oeuvre de Prinzhorn marque la fin d'une exclusion.

Malgré le temps passé, ce livre garde encore intact son pouvoir de révélation et d'émerveillement.
A lire par toutes les personnes passionnées d'art thérapie...