Histoire de relire les classiques, Gentis a écrit ce livre en 1977. A cette époque, il disait en avoir marre de l'asile. Il disait aussi que les psychiatres découvraient les "portes ouvertes", le rôle capital des infirmiers auprès des malades, l'influence de l'institution sur les patients. Et pourtant, ce sont des faits qui déjà avaient été découverts. La psy bien souvent fait des retours en arrière.
C'est un drôle de petit livre, militant, engagé, en colère !!
Gentis est en colère contre l'asile, contre les psychiatres, contre la société.
Il ne supporte pas que l'on généralise en disant "le malade mental" comme si l'on pouvait dire "le malade somatique". "On dit les fous, comme on dit les nègres, les bougnoules, les portugais. Il pense que pas mal de personne en France serait prête à faire liquider par des moyens doux les 80 000 malades mentaux. Le propos est violent mais validé par ce qui s'est passé en Allemagne juste avant la deuxième guerre mondiale.
Je vous livre les propos de Gentis : " L'asile est une mosaïque de petits fiefs, un poudingue de féodalités. C'est tellement con et tellement mal foutu que chacun se croit seul au monde, et que le premier type a qui vous confiez un semblant d'autorité, il croit que c'est arrivé et le voilà qui se met à gouverner, à légiférer et à emmerder le voisin. ... Vous pouvez avoir 100 pavillons dans un hôpital, vous aurez 100 baronnies, pas une de moins et le chef du pavillon, sur pied de guerre et se gaussant du pavillon voisin.... Silence, routine, immobilité, c'est la devise de l'asile, il vise en douce l'éternité... La chronicité, l'asilisation, il faut en avoir mesuré le poids, la force d'inertie, lorsqu'on ne se satisfait plus de voir des centaines de malades encore jeunes engoncés dans une existence rétrécie, sans autre avenir que la répétition assidue...une vie durant. Il faut s'y coltiner pour y croire, la résistance au changement est résistance active, puissante, dynamique...
Pour pouvoir changer l'asile dit Gentis, cela va prendre du temps, et il faudra être nombreux à le vouloir, car il ne suffit pas de dire " il faut fermer les asiles" ou "allons soigner la maladie mentale dans les hôpitaux généraux". Il faut bien sûr penser à liquider l'HP mais ce n'est pas cela qui va régler le problème, on aura vite fait de re-créer l'asile ailleurs "en famille ou à l'hôpital de toute le monde ou dans le secteur privé si ça rapporte suffisament ou dans la communauté comme disent les anglais"
Il va falloir que la société s'organise pour que ça continue d'une façon ou d'une autre et s'il faut soigner la folie sans asile, il faut d'abord soigner la société.