Les schizophrènes
Roger Gentis
Editions Erès
Collection "Trame"
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Les schizophrènes
Cet ouvrage, depuis longtemps introuvable, est un "classique" paru aux éditions du Scarabée en 1969. Il a pour ambition d'être essentiellement pratique en apportant des éléments concrets pour aider ceux, professionnels mais aussi familles, qui soignent et accompagnent au quotidien des personnes schizophrènes. "C'est une question très ardue, car ces malades sont fort difficiles à comprendre, ils sont souvent extrêmement compliqués et déconcertants, et leur traitement est une des tâches les plus dures et les plus ingrates qui soient en psychiatrie."
Les éditions Erès nous offre la réédition de la toute première version de ce livre consacré aux schizophrènes. C'est Pierre Delion qui propose dans la préface un commentaire qui met en avant combien ce livre est d'actualité.
Le texte à l'origine était destiné aux infirmiers psychiatriques, mais il est à conseiller à toutes personnes amenées à s'occuper de schizophrène.
Roger Gentis s'est formé avec François Tosquelles à St Alban, puis lui a succédé. Il a travaillé aussi avec Jean Oury, Horace Torrubia et a participé à la création de la psychiatrie de secteur.
Gentis commence son ouvrage par les préjugés à liquider. Le premier est " Le plus grave et le plus nuisible des préjugés, c'est que le schizophrène n'est pas guérissable " Ce préjugé dit Gentis, a été pendant longtemps partagé et renforcé par les psychiatres qui étaient obnubilés par ce qu'ils voyaient de l'asile et ne réalisaient pas que si tant de patients devenaient chroniques c'était avant tout parce que l'asile était mal organisé.
Le second préjugé serait de penser que les patients ont perdu toute affectivité, qu'ils sont devenus indifférents ou inaffectifs. En acceptant l'illusion de leur " vide affectif ", on jetait un voile sur leur angoisse profonde et sur les raisons de cette angoisse. Cette angoisse qui d'ailleurs peut aussi profondément angoisser ceux qui les approchent et les entraîner dans des réactions de défense.
Le troisième préjugé est de penser que la schizophrénie est une maladie bien définie, bien caractérisée, qui a sa place dans la panoplie des maladies mentales. La seule chose qui les définit c'est l'asile, c'est le seul lieu où ils sont semblables. A par les schizophrènes asilaires, chaque fois que l'on rencontre un schizophrène, à chaque fois, il faut réinventer le soin. Il va falloir s'adapter à lui, improviser, inventer parfois même une nouvelle méthode, une nouvelle façon de faire.
Pour nous donner une idée de l'angoisse schizophrénique, Gentis nous fait remonter à l'origine même de l'individu. Il prend soin de nous faire voyager autour de la construction de l'appareil psychique de l'enfant. Ce qui est sûr dit-il, c'est que le malade édifie sa personnalité et organise son existence de façon à étouffer le plus possible son angoisse.
Il va s'agir pour Gentis, de prendre en charge l'angoisse de façon à re-mobiliser le patient dans une trajectoire de guérison mais non pas de stabilisation.
Un autre chapitre nous propose une lecture de l'histoire de la maladie, dont l'évolution se fait par poussées plus ou moins aiguës séparées par des périodes de stabilisation. Il s'agit toujours de la lutte du patient, son combat intérieur contre son angoisse schizophrénique.
La chronicité du schizophrène que l'on perçoit à l'hôpital ou même à son domicile est " aussi celle de tout le personnel qui l'entoure et celle de toute la structure de l'hôpital ". Ce qui crée la chronicité serait une espèce de complicité entre le patient et son milieu. La vie asilaire permet l'élimination de l'angoisse schizophrénique mais le prix à payer est trop lourd.
Le dernier chapitre nous emmène dans le soin, le traitement du schizophrène. L'idéal : dépistage précoce, bonne information du public, disparition des préjugés, des craintes et des superstitions qui entourent la psychiatrie.
Gentis se projète dans l'avenir et pense qu'il y sera possible de faire de la prévention de la schizophrénie en dépistant très tôt ce qui permettrait une entrée en soin rapide et efficace.
Entre autre et pour anecdote (petite pointe d'humour à destination des hospitaliers ), Gentis signale que beaucoup de gens " sont entretenus dans un état d'anxiété chronique par une organisation entièrement fondée sur le contrôle tatillon, la défiance généralisée et la sanction morale inhérente à la notation " Problème de mettre les agents en position infantile qui entraîne l'inertie que chacun dénonce par ailleurs.
Gentis pense qu'on ne peut pas soigner correctement si on ne réalise pas une hygiène élémentaire du milieu de base, c'est à dire création de lieu de parole, des endroits, des circonstances où ce qui était informulés peut-être dit.
Il ajoute que si on n'arrive pas à établir ce climat d'ensemble, il faut une atmosphère qui permette à chacun quelque soit sa place et son statut de pouvoir dire vraiment ce qu'il ressent, ce qu'il pense.
Petit livre, certes, mais vraiment pertinent et toujours d'actualité…
@Marie Leyreloup