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La dépression


Dominique Barbier

Odile Jacob

Santé au quotidien
2003

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La dépression


Quelques chiffres

D’après l’O.M.S., l’incidence mondiale de la dépression se situerait à 3% de la population générale, ce qui correspond à environ 100 millions d’individus.

Ce chiffre semble manifestement sous-évalué, dans la mesure où certains auteurs estiment à près de 15% l’incidence de la dépression dans notre pays, par exemple.

En ce qui concerne le passage à l’acte suicidaire des personnes âgées, il est plus violent et plus dangereux que celui des adultes jeunes. La volonté d’en finir s’exprime avec beaucoup plus d’évidence.

Ce qui explique que le taux de suicide des personnes âgées est deux fois plus élevé que dans la population générale. A noter bien entendu les équivalents suicidaires qui consistent à se laisser mourir par perte de combativité, ce qui caractérise en quelque sorte le classique syndrome de glissement.

On ne peut pas négliger la dépression du sujet âgé et les problèmes qu’elle pose à cause de la diminution de la qualité de vie du patient et parce qu’elle est à l’origine de nombreux suicides. Mais il est presque impossible de donner une présentation systématisée de la dépression du vieillard, tant les formes sont variables dans leur symptomatologie et la gravité de l’affection. Par ailleurs, le diagnostic est fréquemment rendu difficile par les formes trompeuses.

la prévalence annuelle des épisodes dépressifs majeurs dans la population générale était en France de 9%. Ces chiffres augmentent et varient en fonction de la durée considérée et du sexe. Ainsi, sur la vie entière, elle passe à plus de 10% chez les hommes et plus de 20% chez les femmes. On considère qu’en France plus d’un individu sur 7 est déprimé.

Il apparaît donc difficile de considérer la dépression comme une réaction normale aux difficultés de l'existence ou comme une sorte de "faiblesse morale", condamnable parce qu'elle illustrerait une défaillance de la volonté.Même s’il existe une sorte de suspicion vis-à-vis des chiffres, parce qu’on supposerait qu'ils grossissent artificiellement les besoins en santé publique, qu’ils mélangeraient dépression vraie, réaction de tristesse normale aux événements de vie (qui contre-indique une quelconque médicalisation) et troubles de l'insertion sociale (qui impliquent une solution politique ou sociale).

La dépression en chiffres

C'est pour pallier à cet écueil que la Banque Mondiale, avec le concours de l'O.M.S., a initié, en 1992, une étude clinique et prospective au niveau mondial sur les maladies. Le but était de disposer d'informations fiables sur les affections non mortelles, d'en déterminer les critères épidémiologiques et d'estimer, d'un point de vue quantitatif, la charge globale de ces maladies.

Les résultats ont surpris les chercheurs eux-mêmes en remettant en cause bien des idées reçues! En effet, la dépression est actuellement dans le monde la quatrième cause mondiale de handicap, avant mêmes les maladies cardiaques.

Dans les pays développés, elle vient au deuxième rang, tout de suite après les maladies cardiaques ischémiques (infarctus et angor) et précède les atteintes cérébrales vasculaires.

Qui plus est, les projections sur les 25 ans à venir laissent apparaître que vers les années 2020, la dépression sera la deuxième cause mondiale de handicap, qu'elle aura la toute première place dans les pays émergeants, alors qu'elle sera au troisième rang dans les pays développés.

C'est dire l'importance de la dépression, qui constitue, la formule est à la mode, un problème majeur de santé publique.

Depuis 1995, la plupart des scientifiques considèrent que :

Plus d’un patient sur deux risque une récurrence dans son existence.

Plus d’ un déprimé sur deux risque une récidive dans les deux ans qui suivent un premier accès

Plus de 10% d’entre eux passera d’un trouble unipolaire dépressif à une récidive maniaque et évoluera vers des troubles bipolaires.

On dénombre chaque année en France près de 12.000 décès par suicide sur 150.000 tentatives, soit 1 tentative toutes les 4 mn et 1 suicide toutes les 40 mn.

Ce qui correspond à un taux brut de mortalité de 20 pour 100.000 habitants. Mais les épidémiologistes considèrent que ces chiffres sont sous-évalués d'environ 20%. En tout cas, depuis 1983, ils dépassent les décès par accident de la route, qui est voisin de 8.000/an, pour notre pays.

Une récente enquête réalisée avant les journées nationales sur le suicide met en évidence que plus d'un tiers des Français ont connu le suicide d'un proche (38%), et pour la moitié, celui d'un membre de leur famille, réparti comme suit: 5% ont connu le suicide d'un membre direct de leur famille (père, mère, sœur, frère ou enfant), 13%, celui d'un autre membre.

Ces chiffres commencent à être connus, dans la mesure où le dépistage et la prise en charge des suicidaires a levé peu à peu le tabou de la honte qui s'attachait à l'acte.

Ainsi, le tribut payé par l’homme à la société industrialisée est-il au minimum d’un déprimé sur 10 (durant la vie entière) avec une récurrence dépressive dans plus de la moitié des cas, elle même à l’origine de 2/3 de décès par suicide. On voit donc que l’aggravation se précipite en quelque sorte, puisque d’une simple dépression l’on passe à une récurrence, puis à une tentative de suicide et enfin au suicide.

Si les récurrences sont fréquentes, elles s’accélèrent. Ce qui signifie que la durée des intervalles libres entre deux épisodes dépressifs diminue en fonction du nombre d’épisodes antérieurs et de la précocité de l’âge d’apparition du premier épisode.

De la même façon, ellesse multiplient. En effet, pour un patient, la probabilité de souffrir d’un nouvel épisode dépressif dépend du nombre d’épisodes dépressifs qu’il a déjà eus. Ainsi, près de 60 % des patients ayant eu un premier épisode risquent d’en avoir un second. Les sujets qui ont déjà eu 2 épisodes ont un risque de 70 % d’en présenter un troisième. Ceux qui ont déjà eu 3 épisodes risquent dans 90 % des cas d’en présenter un quatrième.

Les récurrences surviennent précocement. C’est dans les premières semaines qui suivent l’arrêt prématuré d’un traitement que surviennent le plus fréquemment les rechutes.

Le taux le plus élevé correspond aux huit semaines qui suivent l’arrêt du traitement.

La dépression constitue la deuxième cause de handicap dans les pays développés après les pathologies cardiaques.

Son coût annuel, dans notre pays, est estimé à 8,5 milliards de Francs.

C'est dire l'importance économique de l'amélioration de la prise en charge des patients déprimés.

Une politique de soins de qualité passe d'abord par une meilleure repérage clinique des patients. Afin de favoriser une prise en charge précoce de leur troubles.

La dépression est une affection fréquente. Certains experts considèrent qu’elle toucherait le tiers de la population, au moins une fois dans sa vie, que les épisodes dépressifs majeurs auraient une prévalence supérieure à 15%.

Mais c’est une affection curable. On ne le dira jamais assez !

La thérapeutique médicamenteuse des dépressions a fait bon en avant spectaculaire à partir des années soixante. C’est à cette période qu’ont été découverts les premiers antidépresseurs.

Par la suite ont été mise au point de nouvelles molécules qui ont eu comme avantage d’être plus maniables et d’avoir moins d’effets secondaires fâcheux. Ce qui facilitait encore plus le traitement des dépressions.

En dehors de la psychopharmacologie, il existe des possibilités psychothérapeutiques, que ce soit avec les thérapies cognitivo-comportementales ou interpersonnelles ou avec les psychothérapies d’inspiration psychanalytiques voire même la psychanalyse.

Dans cet ouvrage, nous avons souhaité aborder les aspects cliniques de la dépression au fil des âges en insistant d’un côté sur la prévention qui grâce à une action précoce, évite l’installation d’un tableau dépressif qui nécessitera un traitement plus long et d’un autre côté sur ce qui n’a rien à voir avec la dépression : la fatigue et le deuil.

Après avoir envisagé les symptômes de la dépression et les médicaments antidépresseurs, il était naturel de faire comprendre au lecteur qu’il existe d’autres remèdes que les médicaments. C’est ici que les psychothérapies trouvent leur place. La thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie interpersonnelle, la psychothérapie d’inspiration psychanalytique ou même la psychanalyse.

Si nous avons fait un détour sur les complications de la dépression, c’est pour revenir à notre leitmotif de départ : il y a toujours quelque chose à faire.

Passé le temps de la dépression, il est possible de reformuler un projet pour l’existence, de prendre en main son destin et de retrouver goût à l’existence.

En faisant cette adaptation, nous nous posons aussi la question de l’être. L’homme n’est-il pas un ange déchu qui se souvient des cieux et découvre en lui-même un regard inventé pour une autre lumière ?