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Infirmier de secteur psychiatrique

"Plaidoyer pour un métier peu ordinaire"


Franck FABIEN

Publibook

Infirmier de secteur psychiatrique "Plaidoyer pour un métier peu ordinaire"

Franck Fabien

Pourquoi Franck FABIEN tient-il absolument à nous intéresser à un métier en voie de disparition?

Au fur et à mesure que nous avançons dans l'ère de la communication, les grandes solitudes s'installent. Solitude des grands espaces urbains où les repères, facteurs de lien sont en pleine recomposition. Plus la population se regroupe et moins elle communique.

Solitude des espaces ruraux, espaces vieillissants qui devraient nous interpeller lorsque nous constatons le nombre extrêmement important de suicides des personnes âgées dans des campagnes désertifiées.

Grandes solitudes des hors circuits (sans emploi, sans loisir), des hors nonnes (loin des modèles façonnés par les médias), des déracinés (sans repère culturel).

Tout ce qui faisait lien dans la période précédente, y compris au plan institutionnel, s'effrite inexorablement. Le rapport à l'autre s'inscrit de moins en moins dans un projet collectif. De nouvelles règles s'imposent, maïs elles ne sont pas connues, et sûrement inaccessibles à un grand nombre.

Nous construisons une société qui se veut soft dans son énoncé, dans ces apparences, mais qui en fait devient de plus en plus exigeante (malheur à celui qui ne peut pas suivre) et dont le rapport à l'altérité s'inscrit dans la dénégation quand ce n'est pas dans le rejet. La charité bisness prenant en charge les grandes causes médiatiques, maïs pour les autres I

Face à la complexité et à l'accélération croissante, pour certains la dépression devient inévitable. Mais faut-il savoir la reconnaître, quant elle ne se masque pas de pratiques addictives (certaines très chics car dans l'air du temps mais toujours très chocs pour ces corps qui s'abîment). Mais faut-il avoir le temps pour l'entendre alors que le temps nous presse.

Cette dépression, qui s'appelle " burn out ", quand elle touche ses professions intermédiaires (professions dont la crise est patente) qui justement ont pour fonction de maintenir (à bout de bras) le lien social.

Mais compte tenu de la suppression du diplôme et de la courbe démographique des infirmiers actuellement en poste, il n'y aura bientôt plus d'infirmiers psychiatriques pour prendre en charge (prendre soin) de la maladie mentale. Rassurons-nous, il y aura toujours des personnes dans une grande souffrance psychique et qui auront besoin de soins. Et nous pouvons légitimement nous demander comment et par qui ils seront accueillis et accompagnés ?

Le mérite des infirmiers psychiatriques, loin des caricatures, sur le terrain, au plus près de la détresse, souvent sans filet, c'est d'avoir largement contribué au désenclavement de la psychiatrie.
Il a fallu se battre dans les institutions, il a fallu apprendre à exister dans la cité. Parcours laborieux, semé d'embûches, lutte de tous les instants contre les inerties, contre les préjugés (soignants/soignés psychiatriques même combat), prises de risques régulières, confrontation permanente à la symptomatologie psychiatrique, voilà ce qu'était le lot quotidien de ces travailleurs de la santé mentale.

Tout ce mouvement nous le devons à l'alliance combinée d'infirmiers et de psychiatres, plus particulièrement cette génération pétrie d'humanisme, qui fondait son exercice sur un postulat très simple le patient est avant tout un sujet.

Aujourd'hui, nulle figure emblématique, le plus souvent des " fonctionnaires" de la prescription naviguant à vue entre échelles et protocoles L'arsenal techno-bureaucratique dessine les contours de la psychiatrie de demain. Pauvreté de la réflexion, mise à distance de la clinique, pragmatisme athéorique comme référence, primauté culturelle anglo-saxonne. Au nom de l'individualisation, systématisation des traitements, au nom de la prise en charge globale, spécialisation et multiplication des interventions.

Dans ce monde post moderne, nous n'aurions plus besoin des empêcheurs de tourner en rond.

Alors pourquoi Franck FABIEN tient il absolument à nous intéresser à un métier en voie de disparition?

Tout simplement car il s'agit d'un métier d'avenir. Il est à construire sur les acquis de ceux qui ont permis que le métier se légitime, ceux qui nous ont fait sortir de l'image d'Epinal du gardien de fou chère à la tradition populaire. Franck FABIEN, fait partie de ceux là, militant de la première heure, non pas du corporatisme infirmier, mais de la cause des patients, c'est-à-dire, potentiellement de vous, de moi.

Dominique LETOURNEAU
Infirmier de secteur psychiatrique
Directeur de l'Ecole Supérieure Montsouris
Maître de conférences des universités


nous contacter:serpsy@serpsy.org