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La maison du Docteur BLANCHE


Histoire d'un asile
et de ses pensionnaires
de Nerval à Maupassant


Laure Murat

J.C. Lattès
mai 2001

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La maison du docteur Blanche


Au côté de la psychiatrie publique existait également en 1820 des établissements privés qui accueillaient les malades mentaux. Parmi ceux ci, dès 1821, le docteur Esprit Blanche ouvrait sa maison de santé à Montmartre. Ces maisons garantissaient une plus grande disponibilité des médecins, mais aussi le calme et la discrétion. (quoi que !... presque deux cents ans après, nous pouvons tout connaître des dossiers médicaux de l'époque !) Seul inconvénient, ces maisons étaient très chères. Mais le Docteur Blanche; conscient de son rôle social prodiguait également des soins sans rémunération aux habitants les plus démunis.

La singularité notable dans l'organisation de la maison de santé de Montmartre tient à la présence de madame Blanche. Bien qu'épouse traditionnelle, elle introduit une forme inattendu d'altérité faite de souplesse et de douceur. La vie de la maison était rythmée selon le fonctionnement d'un pensionnat de collège.

La psychopharmacologie est quasi nulle : bromure et chloral ne seront utilisés qu'à partir de 1851 et 1869. Il n'existe alors que quelques remèdes naturels. On tente néanmoins de nombreuses expériences : le fou est le cobaye par exellence.
Les traitements vedettes, outre l'hydrothérapie en pleine vogue sont les sangsues, les vomitifs, les saignées et l'huile de ricin ! Faire sortir tout ce qui est mauvais...
Reste la part psychologique du traitement auquel le docteur Blanche attache une grande importance. Il recommande le travail en atelier et s'efforce de développer une thérapeutique fondée sur la parole et la bienveillance.

Il déménage sa maison de santé à Passy et pratiquement dans le même temps, il meurt en 1952 et c'est son fils Emile qui prend sa suite.
Cette année marque aussi la naissance de la Société Médicale Psychologique et une première revue psychiatrique voit le jour.

Outre l'histoire familiale de la famille Blanche, l'auteur nous invite à une promenade historique où l'on se rend compte de l'évolution des traitements de la folie, des pratiques en rapport avec les lois et les événements politiques.

Elle a pu prendre connaissance des papiers personnels de cette famille, des milliers de lettres échangées entre les médecins, leurs proches, leurs malades et leurs familles. Croisé avec les différents registres, cela nous permet de suivre la vie quotidienne de la maison de santé qui a accueilli les plus grandes personnalités de son temps : Alfred de Vigny, Hector Berlioz, Eugène Delacroix, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Edouard Manet, Auguste Renoir, Edgard Degas, Marie D'Algoult, La comtesse de Castiglione, Gérard de Nerval, Guy de Maupassant, Jules Vernes et bien d'autres....
Grâce à cette découverte d'archives exceptionnelles qui détaillent des milliers de diagnostics, Laure Murat peut nous raconter l'histoire de ce lieu, maillon essentiel dans l'étude des rapports entre folie et création.

Un chapitre s'intéresse à la folie au féminin. Le docteur Blanche n'a pas brillé par son avant-gardisme. Pour un aliéniste, interner une femme qui a de l'argent, c'est uniquement vouloir le bien de la dame qui évidemment se trompe de route et pas du tout pour faire régner l'ordre et s'associer à l'autorité paternelle.

L'oeuvre des deux docteurs Blanche se retrouve toutefois toute entière dans leur établissement et dans leur choix de "prendre le temps".
Par comparaison : à Bicètre, un psychiatre passait 18 minutes par an par patients ! Les docteurs Blanche passaient le temps à s'assoir au bord du lit de leurs malades.
Le destin n'a pas voulu qu'Emile voit les débuts de la psychanalyse, sa mort à précédé de peu la révolution freudienne et la découverte de l'inconscient.

@Marie Leyreloup