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Les séjours sociothérapiques
Un guide d'accompagnement du psychotique

Pignol (P), Brilland (J.Y), Philippot (M) Gaëtan Morin Editeur Coll. Des pensées et des actes en santé mentale





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Les séjours sociothérapiques

Un guide d'accompagnement du psychotique

Pignol (P), Brilland (J.Y), Philippot (M)

Gaëtan Morin Editeur

Coll. Des pensées et des actes en santé mentale


Enfin !

La dictature du " tout est thérapeutique ", la conception du soin ineffable qu'il ne serait possible ni de décrire, ni de théoriser est en train de vivre ses derniers instants. Nous sommes entrés dans l'ère de la clinique infirmière. Après la collection " Souffrance psychique et soins " (Editions hospitalières), une nouvelle collection vient de naître " Des pensées et des actes en santé mentale "(Gaëtan Morin Editeur). Premier ouvrage, premier dépoussiérage salutaire.

Il ne suffit pas de sortir de l'hôpital, de déplacer un nombre plus ou moins important de patients psychotiques au bord de la mer ou à la montagne pour qu'ils aillent mieux !

Finis les séjours " thérapeutiques " rituels, reconduits d'une année sur l'autre sans véritable questionnement, finis les séjours " sports " où plus d'une centaine de patients se trouvaient rassemblés sous le regard plus ou moins bienveillant de moniteurs de sport-gardiens-infirmiers.

De la clinique avant toute chose.

Le premier mérite de ce livre est d'affirmer haut et fort que si les séjours sont thérapeutiques, il est essentiel d'expliciter pourquoi et comment ils le sont, " que le terme de thérapie ne soit pas qu'un simple habillage, voire une caution facile, justifiant des pratiques restant fondamentalement de loisir ".

Un séjour sociothérapique " consiste pour l'essentiel en l'action collective d'un groupe de soignants sur un groupe de patients. Encore faut-il que le groupe de soignants se soit constitué en tant que tel, qu'il ait un projet précis, travaillé, qu'il se soit organisé et ce non pas uniquement sur la bonne volonté et l'intérêt de chacun. C'est à ce prix qu'il peut devenir thérapeutique. " Le séjour " a la valeur d'une mise en situation, d'une expérience en " vraie grandeur " … Il offre un ensemble de mises en situation, d'occasions d'approcher la pathologie sous l'angle des conséquences qu'elle a sur la vie quotidienne dans ses multiples et complexes dimensions de relation à autrui, aux objets, à l'espace, au temps et au corps ".

Etayé sur plus de quinze ans de pratique, le travail approfondi réalisé par les auteurs de l'ouvrage caractérise la réflexion infirmière : " Tirer la leçon des échecs rencontrés, systématiser les innovations positives, telles sont les règles qu'ils se sont données dans un va-et-vient constant entre théorisation et pratique, sans lequel toute expérience soignante risque à plus ou moins long terme de s'épuiser ". Qu'il s'agisse de séjours thérapeutiques, de groupes mémoire, de musicothérapie, de groupe lecture, de toilette ou de chambre d'isolement la méthodologie est la même.

La réflexion part de la pratique pour retourner à la pratique.

De ce point de vue, cet ouvrage est tout à fait réussi. L'infirmier novice y trouvera comment préparer un séjour et le conduire, comment analyser les difficultés rencontrées et y répondre de façon appropriée, comment enfin inscrire le séjour dans la dynamique des soins. De nombreux exemples cliniques illustrent les différentes réponses apportées, et permettent à chacun de suivre son chemin : celui proposé par les auteurs ou le sien propre. Plus qu'un guide (ce qu'il est en partie) ce livre éclaire le chemin. L'infirmier expérimenté trouvera un écho de ses propres questionnements : quels sont les aléas de la relation lorsque l'institution n'est plus là pour cadrer, quel niveau d'implication ? Quels sont les principaux risques de dérive ? Peut-on repérer des éléments propres à une clinique des patients en séjour ? Quelle place donner au quotidien ? Est-ce une médiation ? Est-ce une situation artificielle qui permet de retrouver un certain nombre de gestes oubliés ou inconnus avec un niveau d'angoisse supportable ? Est-ce une façon sophistiquée de permettre aux patients schizophrènes de mieux percevoir et analyser le contexte de certains actes relationnels et quotidiens qu'ils n'appréhendent pas ? Comment évaluer le séjour ? Comment restituer l'expérience ?

Ne vous laissez pas arrêter par la table des matières, si la troisième partie s'intitule " Le protocole et les stratégies d'accompagnement " elle n'est en aucun cas l'énoncé de règles rigides qu'il faudrait à tout prix respecter. " Il importe … de connaître et maîtriser les principaux paramètres d'un séjour afin de pouvoir repérer ceux qui sont les plus problématiques pour tel patient ou groupe de patients d'un côté, ceux qui au contraire semblent les plus positifs et mobilisables de l'autre, ceux enfin qu'il peut être nécessaire de moduler, de modifier, voire de créer. " Il s'agit alors davantage de fournir un cadre sécurisant qui contient en lui-même différentes possibilité d'aménagements que d'élaborer un protocole pur et dur auquel chacun, soignant comme soigné, devrait se plier.

L'infirmier trouvera enfin dans ce livre des arguments cliniques opposables à des gestionnaires qui ne perçoivent pas toujours l'intérêt thérapeutique et financier de ces séjours. Ces arguments bénéficient alors de l'autorité de la chose écrite.

J'ai donc lu, relu, annoté. J'ai comparé l'expérience des auteurs avec la mienne. J'avais la sensation de marcher en pays de connaissance. Je retrouvais des rues que j'avais parcourues, des paysages familiers. J'ai parfois souligné rageusement des points avec lesquels j'étais en désaccord. Ces points de désaccord n'enlèvent rien à la qualité de l'ouvrage. Nos pratiques sont différentes : l'essentiel des séjours que j'ai animés l'ont été à partir d'un hôpital de jour parisien, les patients que j'accompagne n'ont pas les mêmes sources de difficultés. Nous n'avons pas non plus les mêmes références théoriques. Il n'empêche que l'ensemble est cohérent, qu'il invite à la réflexion, qu'il donne envie d'aller plus loin.

Alors, au travail !


Dominique FRIARD

Infirmier de SECTEUR Psychiatrique qui ne supporte pas qu'on le nomme Infirmier Psychiatrique.

Paru dans le N° 59 de Vie Sociale et Traitement (VST)

nous contacter:serpsy@serpsy.org