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Asile ?
Sous la direction de Patrick Chemla
Editions érès, La CRIEE 1999

Réunis par l'association La CRIEE de Reims à l'occasion de leurs VIèmes rencontres de juin 1998, des psychanalystes, psychiatres, psychologues, infirmiers interrogent leurs pratiques et essaient de réfléchir à ce paradoxe qui fait de l'asile à la fois le lieu qui protège et accueille mais aussi le lieu qui enferme. " Asile " serait au cœur d'une aporie, d'une tension irréductible entre l'hospitalité et l'hostilité, entre ce qui constitue l'abri, le " chez soi ", l'accueil de l'étranger et le repli, l'enfermement, l'exclusion. Ce lieu qu'une génération de psychiatres a voulu vider dans les années 70, certains le revendiquent actuellement comme un intérieur possible aux " enfermés dehors ".

Déplier le paradoxe de l'asile, c'était pour les journées de Reims tenter de relancer des enjeux fondateurs qui se sont considérablement transformés. La disparition des hôpitaux psychiatriques est promue par l'Etat, au nom d'impératifs économiques, mais aussi d'un nouveau tournant vers la médecine et l'hôpital général. Pour Dimitri Karavokyros, le retour actuel de l'asile à l'hôpital général renforce la médicalisation des troubles relationnels et sociaux et les enjeux économiques vont déterminer pour l'essentiel l'avenir. Ne serait-ce pas là un moyen pernicieux de détourner certains idéaux anti-asilaires ?

Le fou disait Elie Wiesel est celui qui s'est exilé de son corps. Il s'est aussi exilé de sa généalogie et du langage. Pour accueillir l'étranger, il faut que nous soyons à la fois rassurés de notre identité et suffisamment prêts à nous ouvrir à l'étrange. Accueillir et laisser de la place à l'Autre.

A cette exclusion répond le besoin d'inclusion. Quel est le lieu référent des moments aigus sinon l'asile, l'abri. Il faut qu'existe ce lieu, cet intérieur pour les " enfermés dehors ". L'asile n'est pas seulement un lieu d'hospitalité, mais pour Daniel Destombes, c'est un lieu inviolable : c'est non seulement un lieu d'accueil mais c'est surtout un lieu où l'accueilli est garanti d'y être en sécurité, à l'abri d'une intrusion extérieure.

Donner asile mais aussi permettre un chemin. Myriam Ziri nous dit qu'offrir un dedans -ne pas laisser dehors- permet d'aller vers ce dehors en l'apprivoisant, à condition qu'il n'y ait pas tentative de rétention.

Un des auteurs déplore que la société ait emblématisé le terme " d'exclu " pour les étrangers du dedans, les " sans " emplois, " sans " logement mais aussi les jeunes des banlieues.

La logique libérale, les restrictions budgétaires s'accompagnent de la remise en cause des dispositifs de protection sanitaire et sociale les plus coûteux, les moins rentables et les moins populaires. Evidemment la psychiatrie, la santé mentale en font parties.

L'expérience analytique s'avère donc essentielle pour penser le " chez soi " de l'autre, le lieu de l'autre à condition d'éviter qu'un savoir trop bien établi n'obture par avance toute question et ne méconnaisse les autres registres (politiques, philosophiques, culturels) qui traversent et bordent les " pratiques de la folie ".

Anne Marie Leyreloup


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