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               Rien

               Rien ou comment  tenter de garder ce qui nous est précieux

               Rien à dire, rien à lire, rien à perdre

               Toulouse or not Toulouse 

 

                   Une histoire que j’ai déjà failli vous raconter un vendredi 13

 

Comme une scie découpant l’atmosphère je me souviens de la voix de Chantal, de cet instant où elle nous fit la leçon, le récit de sa vie. Une  histoire à remettre les pendules à l’heure, celles des soignants, celle des soignés, nous rappelant que pour être thérapeutique il est important de respecter le tact.

 

Tremblotante de vérité, je me souviens de la voix de Chantal, consciente toujours et ses yeux le précisaient, de la portée, de l’importance des mots livrés.

 

Des mots rythmés par les saccades d’une douleur qui aura décidé de s’amplifier jusqu’à l’insuportabilité, jusqu’à certainement, inexorablement, ses derniers temps.

 

Des mots simples, militants, comme celui que son timbre magnifiait et qui  la symbolise tant.

 

A chaque fois que je l’entends ou le prononce, je pense à elle.

 

Précieux, un mot nous rappelant que tout ce qui brille n’est pas or.

 

Plus qu'un dicton, un slogan nous invitant à mieux regarder autour de nous.

 

Dehors, dedans, soulevons les paillassons, balayons les idées reçues, combattons la transparence avant de nous apercevoir que nous avons perdu par négligence notre bien le plus précieux autrement dit le plus précieux du bien, un ensemble, un assemblage de petits riens qui les uns au bout des autres constituent le soin.

 

Précieux, un mot nous rappelant que tout ce qui brille n’est pas or.

 

Plus qu’un dicton, un slogan comme valorisation de  l’activité psychiatrique demandée par notre technocratie :

 

  A    Pé  ou VAP !Valorisons notre activité psychiatrique.

VAP ! Vaporisons de notre art ce qui est le plus précieux.

VAP ! Acceptons l’idée d’être dans les VAP !

VAP ! Une légèreté indispensable  à la compréhension de soi.

VAP ! Une légèreté indispensable  à la valorisation du soin.

VAP ! Une légèreté indispensable à l’automatisation de l’écriture.

               Grâce à SERPSY on peut écrire et c'est déjà bien.

 

Grâce à SERPSY on peut écrire et c'est déjà bien. Ou comment cette petite phrase affirmative est venue me sauver le jour où en panne d’inspiration je me décidais enfin à écrire pour ne rien dire, ou plus exactement préparer l’intervention d’aujourd’hui traitant non pas de rien quelle réduction ? ! Mais des petits riens dans toute leur grandeur.

 

Grâce à SERPSY on peut écrire et c'est déjà bien. Une phrase étape entre fin et début. Fin d’errances délétères sur notre forum invitant au début, à l’espoir, à la découverte d’esprits se voulant plus construit, plus urbain et donc plus à même à développer les discussions au lieu de les détruire.

 

Grâce à SERPSY on peut écrire et c'est déjà bien. Une phrase adoucissant la révolte. Une phrase simple. Une phrase sans tambour ni trompette nous aidant à oublier la tempête.

 

SERPSY, au-delà d’une association, c’est un site Internet qui en son sein a un cœur qui bat, un truc qui fait boum boum boum. Un forum, le forum qui si on cherche à l’ouvrir aujourd’hui renvoie au message suivant :

«  La page est introuvable. Il est possible que la page recherchée ait été supprimée, que son nom ait changé ou qu'elle ne soit pas disponible pour le moment. »

 

Supprimée ? Pas encore. Renommée ? Pourquoi pas? Indisponible pour le moment ? C’est et nous sommes plusieurs à l’espérer, vraisemblablement  le cas.

 

Pas encore tournée donc, la page est en suspend. Espace d’échange le forum devenait terrain de duel, sauf cette phrase lui prêtant avenir.

 

Grâce à SERPSY on peut écrire et c'est déjà bien. Quelques mots laissés  là sur le forum comme un château de sable sur la plage.

 

Ne le répétez pas, c’est un secret. Les châteaux de sable ne sont pas éphémères, la marée les adopte au zénith pour loger les sirènes. Tout ce qui a été construit l’est pour l’éternité, nos sœurs les étoiles sont là et témoignent. Elles éclairent notre doute naissant avec la nuit, elles se moquent de l’ennui.

 

Grâce à SERPSY on peut écrire et c'est déjà bien. Quelques mots laissés  là sur le forum à l’origine des quelques autres qui vont suivre.

 

Rien, non rien de rien va falloir que je vous parle de rien. En vérité va falloir que je vous parle de tout et de rien. Des petits riens qui font que tout est grand.

 

Rien, rien, rien va falloir que je vous parle de ce que savent le mieux faire les psys.

Au travers du  parcours patient de quelques textes d’histoire-géo répondant au passage et en partie  à la question :   « Dis-moi papa c’était comment le secteur ? »

Psygoodies

 

Vous les psys vous en connaissez un rayon pour  couper les cheveux en quatre.

 

Et ça cause et ça pause, souvent pour ne pas dire tout le temps !

 

Zalez pas me croire, ya des gens qui disent ça de nous. Si, si. Mais où ils vont chercher ça ? A croire qu’ils ont connu Francine.

 

Vous vous souvenez ? Francine. Même le ZZ TOP la connaît.

 

Francine,  cette infirmière qui  avait fait repeindre toute une pièce du fin fond du service en rose, installé un fauteuil de coiffeur chiné je ne sais plus où et troqué quelques ciseaux et peignes ou brosse contre des seringues en verre.

 

Aujourd’hui on dirait que c’est asilaire, qu’on revient à l’hôpital village, de toute façon on aurait pas le temps vu qu’on est en pause, souvent pour ne pas dire tout le temps et qu’on cause, de quoi d’ailleurs ?

 

De Francine et du temps qui passe et que des tuteurs comme ça, ya des berges qu‘on en a plus.

 

Et que ça sentait bon dans son salon. Et pourtant ça pu l’odeur des couleurs, de la mise en plis mais ça sentait bon quand même, on y était bien, ça ne sentait justement plus l’asile, ça ne ressemblait déjà plus à l’asile.

 

Francine, vous vous souvenez ?

 

Elle était aidée par Madame Josette, une apprentie en quelque sorte, elle rangeait les revues, faisait les shampoings, la conversation avec les clients, passait là un moment, passait là son temps, sa vie, ce qu’il lui en restait.

 

Deux fois par an, descente groupée à Paris avec tous ceux qui voulaient, pouvaient y aller.

 

Achat de diverses babioles, colliers et autres boucles d’oreille, des trucs de nana quoi….Oups ! J’oublie les portefeuilles, les peignes et la gomina, yavais aussi  des vrais trucs de mec !

 

Couper les cheveux en quatre oui mais artistiquement s’il vous plait.

 

Il en jetait le salon.

 

C’est pas compliqué, t’était à l’asile, t’ouvrait une porte et tu te voyais transporté ailleurs.

 

D’un seul coup, voilà qu’on te vouvoyait, qu’on te demandait ce que tu voulais, être beau ou belle bien sûr.

 

On te faisait asseoir, patienter quelques instants.

 

Puis venait le shampoing. Tonique. ( Je sais, j’y ai encore droit…). C’est que ça s'entretien le cuir chevelu.

 

Quelques coups de ciseau, le bruit de la tondeuse à main, clic, clic, clic et  on te tendait le miroir.

 

Pour voir devant et puis derrière ta tête.

 

C’est rigolo de voir derrière sa tête, non ?

 

Un petit coup de balayette, un souffle de sèche cheveux et terminé.

 

Ya plus qu’à payer.

 

Parce qu’il fallait payer. Tout de suite ou bien plus tard. Il faut toujours payer.

 

Tu rouvrais la porte et t’en prenais plein la figure.

 

Tu regardais derrière toi, derrière ta tête, cet autre monde, chaleureux comme un sèche cheveux.

 

Dure de regarder de nouveau les choses en face après un tel instant.

 

T’étais revenu à l’asile et tu te disais : si je veux pas tourner dingue, ya pas faut que je me tire.

 

Que je me tire sans  revenir trop  tôt au pavillon des entrants.

 

Sauf si, sauf si ya plus personne pour arroser les tomates.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

               Graine de secteur

 

 

Le pavillon des entrants était de plein pied.

 

Si les portes de devant étaient fermées, celles de derrière s’ouvraient sur un petit parc où patients et soignants avaient créé un jardin potager.

 

Tomates, radis, salades, quelques fraises, un bouquet de fleurs, rien de bien compliqué.

 

Pas besoin de s’inscrire, pas besoin de contrat, chacun venant quotidiennement ou non, suivant sa propre envie et les possibilités du moment participer au bon développement des fruits et légumes, au maintien de l’endroit.

 

Quoi qu’il arrive le jardin était toujours entretenu, défendu, reconnu.

 

Un jardin ça créé du lien. Entre celui ou celle qui bine, celui  ou celle qui ratisse, arrose ou simplement regarde et  commente.

 

Un jardin ça passe le temps. Ça arrête le temps. Ça fait prendre conscience de ce  temps.

 

Un jardin permet de  discuter du temps en pesant les mots. Sans   paroles en l’air, surtout que d’en l’air c’est de là que vient la pluie. La pluie est nécessaire. L’eau c’est la vie. Un jardin aussi.

 

A chaque nouvel arrivant, à celui encore aujourd’hui nommé  «entrant », nous présentions le service, nous présentions le jardin.

 

Souvent à ce moment quelque chose se passait. Quelque chose autour de cet espace commun, entretenu et enrichi par tous. « Bonsoir docteur ». « L’entrant ? ». « Il vous attend dans le jardin ». « Il arrose !».

 

Les pavillons des entrants devraient tous ressembler à des jardins.

 

Mieux, il ne devrait plus y avoir de pavillons mais seulement des jardins où nous pourrions planter tomates, radis, salades, quelques fraises, un bouquet de fleurs, rien de bien compliqué.

 

Des espaces communautaires entretenus et enrichis pour et par tous suivant les possibilités du moment de chacun.

 

Des espaces comme aiment à les parcourir Fabienne et les patients, pardon , les usagers, les personnes fréquentant le CATTP.

 

 

               Sur le chemin de l’école

 

 « Deux fois par semaine, Fabienne, infirmière au CATTP, emmène les patients en randonnée. »

 

Quel mal m ‘a pris le jour où j’ai voulu raconter  cette histoire qui ne m’appartient pas …

 

L’infirmière en question, à qui appartient cette histoire, Fabienne, l’infirmière en question me reprend rapidement : « mais c’est pas comme ça que cela se passe ! ! ! ».

 

« Deux fois par semaine, les personnes fréquentant le CATTP programment une randonnée sur les magnifiques  chemins du Pays. »

 

C’est au décours d’une de  ces sorties que nous nous sommes retrouvés sur le chemin de l’école emprunté par Marie lorsqu’elle était petite.

 

« Les arbres sont toujours là, plus grands bien sûr mais moi aussi j’ai grandi, vieilli.  Je ferme les yeux, je respire un bon coup, ces odeurs, elles me saoulent. J’ai l’impression d’entendre le rire de mes copines quand nous faisions des concours de cloche-pied en récitant :  s’il a une barbe blanche et des habits rouges, sûr tu le reconnaîtras… s’il a des bottes noires et une ceinture noire, sûr tu le reconnaîtras… c’est le Père Noël ! »

 

Elle se souvient, elle tourne à droite juste après le grand  chêne, toujours là lui aussi. Elle va voir les ânes pour leur donner un peu de l’herbe de l’autre côté de la clôture…ils sont toujours là, à l’attendre.

 

Pierre nous montre une plante.

 

 « C’est du lin sauvage, c’est vivace. Dans le temps les grands-mères l’utilisaient rance pour faire des cataplasmes ».

 

Il est fier, tout le monde l’écoute, toute connaissance est une réponse à une question, c’est dans quel jeu déjà ?

 

Une fois par semaine, nous retournons sur le chemin de l’école.

 

C’est décidé, une fois par semaine, tour à tour chacun d’entre nous emmène les autres sur le chemin de son école. C’est notre but. Découvrir la nature à cloche-pied, en jouant à saute-mouton, en passant du coq à l’âne, de l’âne au coquelicot. Retracer ensemble le chemin de l’autre, partager un moment ses repères avec lui.

 

Durant l’hiver il fallait amener son bois.

 

Le bois qui alimente le poêle. Le poêle qui réchauffe toute la classe. Ces odeurs d’encre et de feu, si je ferme les yeux…je regarde tomber la neige derrière la fenêtre. J’entends l’hiver de Vivaldi, ploum, ploum, ploum…et je m’évapore vers l’infini. Toc,toc,toc les coups de  règle de l’instituteur sur ma table me ramènent au présent.

 

Remonter le temps ensemble.

 

Guidé par des mémoires d’enfant, nous remontons  les chemins de l’école, nous remontons le temps. Nous partageons un peu d’eau, du pain, du jambon et surtout une chose qui réchauffe aussi bien que le vieux poêle, notre émotion.

 

Je ne sais pas s’il y a autant de perceptions d’espace, de temps ou des instants partagés que de chemins vers l’école par contre je suis sûr que soigner commence par partager l’émotion.

 

 

 

Va bien falloir conclure !

 

               Non je ne regrette rien

               ( ou mot de la fin… de cette intervention)

 

Rien, rien de rien nous n’avons rien à regretter.

 

Tout, tout, tout ( zavez eu peur là, non ?).

 

Tout, tout, tout. Il va nous falloir tout partager. Ça urge !  Chacun à sa façon.

 

A partir des mots d’un autre. Écrits, vus, bien ou mal entendus.

 

A partir  de ce que l’on fait même si ce n’est pas spécialement explicable.

 

A partir de ce que l’on veut et donc même si ça ne ressemble à rien.

 

L’essentiel est de communiquer jusqu’à ce que traduction s’ensuive.

 

L’essentiel est de prendre soin jusqu’à ce que mieux être s’ensuive.

 

Pour nous tous.