Le soin en psychiatrie est fait de multiples petits riens, dont
aucun n’est pris en compte comme acte thérapeutique dans les nomenclatures des « soins
psychiatriques certifiés conformes ». Mais il est vrai que ces « je
ne sais quoi », ces « presque rien » ne sont
pas réellement des actes mais plutôt des postures soignantes qui constituent un
certain « savoir y faire avec la folie » difficile à normer.
Ce moindre du soin, c'est le ciment qui donne de la tenue à
la relation soignant-soigné. Il dessine une carte du tendre que nous vous
invitons à parcourir avec nous :... le temps d’un sourire, le clin d’œil
de la Joconde, le prêt d’un livre ou d’un CD, une carte déposée dans une boîte
aux lettres, une prise de tension pour rassurer…
Autant de petites attentions qu’il est impossible de
cartographier parce qu’elles naissent d’un quotidien par nature imprévisible,
mais qui ont en commun de considérer le patient en tant que Sujet et
non comme un objet de soin. Elles permettent de voir en cet autre la personne
qu’il est, et non pas uniquement le malade dont le comportement fait symptôme.
Elles viennent soulager les tensions d’une prise en charge et arrivent
parfois comme une cerise sur le gâteau…
Ne suffit-il pas, souvent, d’un sourire, d’un pas de côté,
d’un paradoxe, pour désamorcer une escalade en miroir qui
mènerait alors fatalement à l'incompréhension, au rejet, à la contention et à
la chambre d’isolement ?
Ce moindre du soin, c’est l’art d’être là, tout à
côté ou juste assez loin, pour accompagner, soutenir, contenir. C’est
l’art de raccommoder, de repriser ou de
redonner de la tenue au tissu du quotidien sur lequel s’ancre le sujet social
et psychique. C’est l’art de réinstaurer une
continuité et une cohésion à la suite du jour et des jours. C’est l’art, enfin, de permettre, que d’un sol souvent mouvant, germent
des projets personnels, un souci de soi ou même ces petits riens qui rendent
unique chaque vie. Tout un art qui repose sur ces savoir-faire précieux, ces
savoir-dire discrets, tellement discrets qu’ils restent
invisibles à des yeux inexpérimentés.
Mais la réalité est têtue. Nous sommes parfois tellement
pris dans le rythme d’un quotidien infernal, marqué trop souvent par le manque
de personnel, d’écoute et de réflexion clinique, que nous ne savons plus
susciter ces moments de grâce.
Comment maintenir en nous, vivace, cette capacité à
construire ces brefs instants, ces petits échanges ? Comment rester ces soignants créatifs et suffisamment fantaisistes,
capables de mettre de la vie dans leur art et de l'art dans les soins ?
Trois "petits riens", c’est le programme que nous
vous proposons aujourd’hui, autant dire "trois fois rien"... Et, si
vous le voulez bien, fidèles à notre réputation, nous allons, ensemble, prendre
le temps de peigner la girafe, enfiler des perles, fabriquer de l’huile de
coude…
Ensemble, nous allons déplier ce qui est
habituellement caché derrière la notion fourre-tout de "ressenti",
pour essayer de décrypter ces ambiances subtilement soignantes et infiniment
apaisantes, pour tenter de décrire l’indescriptible en cherchant les mots vrais
à mettre sur tous ces "petits riens" qui font la richesse du soin.
Partageons nos histoires, mettons les bout à bout, trempons
les dans l’huile, trempons les dans l’eau...