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Le soin à l’épreuve du sécuritaire




"Marre… à bout !…

Bouts d’ficelle,…

Sel de la vie,…

Vie de fou,…

 
Fous à lier ?…

Alliés nés !…"

 



"On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent."

 

       Bertolt Brecht

 

Bonjour…

 

Contrairement à ce que le titre de cette intervention pourrait laisser penser, je ne vais pas vous conter à présent une comptine… enfin pas vraiment.

En fait, lorsque @-Marie, notre bien aimée présidente, a commencé à s’inquiéter du retard pris par la réalisation de la plaquette d’invitation à cette journée, je n’avais pas encore trouvé de titre qui me plaise pour mon laïus et j’étais par ailleurs dans des dispositions d’esprit plutôt délétères. Comme une petite fatigue !… : « A bout… le psychiatre de service public !… Marre… de passer son temps à bricoler des projets de soin et des projets institutionnels avec des bouts de ficelle !… Et, comme l’a dit Angelo Poli aux Etats Généraux de la Psychiatrie à Montpellier en juin 2003 : "Si j’aime toujours autant mon métier, je déteste de plus en plus la manière dont on m’oblige à le pratiquer". J’ajouterai pour ce qui me concerne, que même si ce boulot est le sel de ma vie… c’est parfois aussi une vraie vie de fou !… »

Enfin, vous le voyez, je n’avais pas vraiment un moral de vainqueur, mais je vous avouerai qu’assez vite en fait, l’idée d’un titre en forme de comptine s’était très simplement imposé à moi, mais j’hésitais encore un peu …

Je me suis alors penché sur la définition que le dictionnaire Larousse donne du mot "comptine" : "chanson enfantine, récitée pour déterminer, par le compte des syllabes (les bons comptes font paraît-il les bons amis !), celui à qui un rôle spécial sera dévolu dans un jeu". Une comptine sert donc aux futurs bons petits gestionnaires qui sommeillent en chacun de nous, je n’en doute pas, à désigner, à partager, à énumérer et à éliminer.

J’ajoute que, vérification faite, ce recours à la comptine constitue, pour certains, jeux un prélude ritualisé.

Bien que la nostalgie ne soit plus tout à fait ce qu’elle était, c’est en tout cas l’alibi que j’ai trouvé, en prélude à mon intervention, pour vous proposer une version légèrement réactualisée de la célèbre comptine des "Trois p’tits chats, chats, chats…". Mais, rassurez vous, je me garderai bien de désigner, partager, énumérer ou éliminer qui que ce soit !

Quoi que… à y regarder de plus près… Enfin !… :

 

ð  DIAPORAMA : "COMPTINE"

 

Trois p’tits chats, chats, chats…

Chapeau d’paille, paille, paille…

Paillasson, sson, som…

Somnambule, bule, bul…

Bulletin, tin, tin…

Tintamarre, marre, marre…

Marre !… à bout !…, bout, bouts…

Bouts d’ficelle, celle, sel…

Sel de la vie, vie, vie…

Vie de fou, fou, fous…

Fous à lier, à lier, alliés…

Alliés nés, nés, né…

Nettoiera, ra, ra…

Racaille, caille, caille…

Caillassage, sage, sage…

Sagittaire, taire, thér…

Thérapie, pie, pit…

Pittoresque, esque, est-ce que…

Escarmouche, mouche, mouche…

Mouche du côche, côche, cauche…

Cauchemar, mar, marre…

Marabout, bout, bouts…

Bouts d’ficelle, celle, selle…

Selle de ch’val,  ch’val, ch’val…

Ch’val de Troie, troie, trois…

Trois p’tits chats, chats, chats…

 

… A bien y réfléchir, la "dissuasion nucléaire" et ses avatars ne sont-ils pas, en matière de relations internationales, ce que l’on fait de mieux, le nec plus ultra de toute politique sécuritaire ?…

Avant d’entrer dans le vif du sujet (expression un peu maladroite, j’en conviens, dans le contexte du sujet traité aujourd’hui !) j’aimerais préciser un point.

Si le bureau de SERPSY a tenu à souligner d’emblée, que : "Conformément aux engagements pris par les professionnels lors des Etats Généraux de la Psychiatrie, cette journée de formation n’est financée par aucun laboratoire pharmaceutique", il va de soi que les intervenants que vous avez entendus depuis ce matin ont tous accepté de prendre la parole devant vous à titre gracieux. Ce faisant, et je me permets d’insister sur ce point, aucun d’entre eux n’a, par conséquent, respecté ni l’esprit, ni la lettre du Plan de Santé Mentale !

 

En effet (et si je lis bien !), je trouve à la page 6 que : "La coordination des secteurs de psychiatrie, des hôpitaux généraux, et lorsqu’ils existent, des établissements de santé privés à but lucratif… peut relever de modalités de concertation au sein de territoires de proximité. Sur le plan des outils, elle peut également faire l'objet d'une formalisation au sein des réseaux de santé…" et d’enfoncer le clou page 16 , en réaffirmant que les : "… principes de proximité et de continuité des soins et de maintien du patient dans son environnement,… l’intensification de la diversification des modes de prise en charge au profit des alternatives à l’hospitalisation et des actions en amont et en aval de l’hospitalisation afin de favoriser une offre de soins publique et privée (à but lucratif et non lucratif) diversifiée, graduée et coordonnée et d’assurer une répartition optimale des équipements sur l’ensemble du territoire en adéquation aux besoins de la population."

Vous avez bien entendu, il est ici question de "favoriser une offre de soins privée à but lucratif", en se fixant, de surcroît, un but d’une noblesse incontestable, puisque "Cet objectif vise également la poursuite de la diversification." Ainsi que le "maintien du patient dans son environnement"…

 

"Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût…" proclament à l’envie nos éconocrates préférés lorsqu’ils justifient doctement la "croissance négative" de nos budgets, tout en "oubliant" le fait que la sécurité de nos patients (et celle des soignants que nous sommes) est la première à faire les frais de cette politique de pénurie programmée. Ce sophisme pervers en forme de slogan publicitaire, qui se joue des mots bien plus qu'il ne joue avec eux, semble pourtant faire florès chez certaines fourmis gestionnaires qui calculent avec gourmandise le coût de cette santé abstraite là, mais il irrite par contre vivement, celles et ceux (incorrigibles cigales ?) qui, au côté des patients et au quotidien, en apprécient tout le prix…

Cela étant, en nous répétant d’un côté, que le secteur privé à but lucratif a toute sa place dans leur système de santé et, de l’autre, que "La santé a un coût…", c’est le coup de pied de l’âne qu’ils nous donnent, car cette santé là permet malgré tout à certains de dégager apparemment quelques profits !

 

Quoi qu’il en soit, j’ignore comment toutes celles et ceux qui m’ont précédé à cette tribune et qui ont animé les différents ateliers bouclent leurs fins de mois, mais, pour ma part, étant un peu gêné aux entournures ces derniers temps et sans perdre de vue l’engagement de SERPSY, ni le respect dû à l’esprit et à la lettre du Plan de Santé Mentale, je vous propose sans plus attendre une petite page de publicité :

 

ð  (Jingle Pub A2…)

 

Je tiens à remercier à présent Monsieur Gérard Boivin, actuel P.D.G. des Fromageries Bel S.A.…





Etonnant, non ?… Rassurez-vous, je n’ai pas choisi mes sponsors au hasard !

 

Bien sûr j’ai déjà eu l’occasion de vous dire que, dans le plus pur respect du Plan de Santé Mentale présenté par notre ami P.D.B., je ne voyais pourquoi je n’aurais pas le droit moi aussi à une petite part du fromage.

J’ajouterai que nos rapports annuels de Secteur, aussi bien que les documents comptables émanant de nos diverses tutelles ont, depuis longtemps, pour présenter leurs chiffres, sacrifié à la mode des courbes, des histogrammes et, surtout, des fromages en tous genres (entre 350 et 400 variétés différentes en France, soit selon le proverbe, un fromage par jour de l’année !)

 

ð  DIAPORAMA : "PUB 1" (début : )

 

Mais là n’est pas la question… En effet, je n’oublie pas que c’est à Léon Bel, le patriarche fondateur de cette "belle" entreprise, que l’on doit, la première campagne de prévention de grande envergure concernant la maladie de la vache folle.

Vous ne me croyez pas ? ! Jugez vous-même ! Dès 1921 (la même année que la découverte de l’Insuline), c’est lui qui mit en garde ses concitoyens contre les méfaits du redoutable animal, en faisant recouvrir les murs de nos belles cités d’affiches en couleur représentant le faciès inquiétant d’une vache hilare, affublée de boucles d’oreille ridicules (portrait robot dû au talent de Benjamin Rabier), animal terrifiant surnommé pour la circonstance : "La Vache qui rit" (en référence bien sûr à la terrible chevauchée des Vachekyries !)

Certains esprits chagrins ne manquèrent alors pas de reprocher à Léon Bel d’avoir profité de l’occasion pour vendre, au passage, quelques boites de fromage… Mais que ce bienfaiteur de l’humanité ait cherché à rentrer dans ses frais n’est-il pas tout à fait compréhensible ? !… Les gens sont parfois très injustes avec les bienfaiteurs de l’humanité, même lorsque ces derniers veillent sur leur sécurité en matière sanitaire !

Ainsi calomnié, meurtri, Léon Bel, après un léger moment d’abattement, continua néanmoins avec courage de se faire du beurre en vendant son fromage… et on oublia malheureusement pour un temps la maladie de la vache folle.

 

ð  DIAPORAMA : "PUB 1" (suite : ƒ)

 

Mais, poursuivant avec passion la mission de ce philanthrope méconnu, les successeurs de Monsieur Bel ont su depuis manifester, eux aussi, leurs préoccupations en matière de santé publique en lançant, dès 1952 (la même année que la découverte du Largactil®), le Babybel®, "le bon petit fromage qui se sent bien partout…". Petit fromage devenu rapidement grand, en s’imposant, mine de rien, grâce à son petit condom de cire rouge. Personne ne s’y était trompé, le message subliminal était ici trop évident : "Sortez couverts", sécurité oblige.





 

ð  DIAPORAMA : "PUB 1" (fin : )

 

Le message fût, comme vous venez de le voir, encore plus manifeste avec le lancement du Mini Babybel® en 1978. Selon les promoteurs de ce petit dernier, "le plaisir de Mini Babybel® commence dès son ouverture. Sa languette permet de séparer la cire en deux parties, puis le fromage se découvre, dans toute son appétissante rondeur” . Tout un programme !…

Vous n’en faites ensuite qu’une seule bouchée, pour le plus grand plaisir de vos papilles de jeunes loups de la psychiatrie et sans aucun risque de contamination ! Il ne vous reste plus qu’à plier la petite languette, délicatement, comme ceci, autour de votre petit doigt, et de l’épingler au revers de votre veste.

Vous participez alors, de surcroît, et sans débourser un kopek de plus, à la campagne de prévention contre le SIDA avec le logo de A.I.D.S. C’est fou, non ? !…

J’en profite pour dire que cette sécurité là n’a vraiment pas de prix !… et que ce week-end sera consacré au "Sidaction".

 

ð  (Jingle Pub A2…)

 

"La Marotte et le Bâton"

 





Plus sérieusement à présent.

Vous l’avez sans doute aussi remarqué, c'est quelquefois par un curieux retour de langage, que certains mots tombés en désuétude, nous reviennent de là où on ne les attendait pas. Ainsi, le mot "racaille", prononcé par la bouche méprisante du "ci-devant" sinistre de l’intérieur (dont l’entourage s’est d’ailleurs empressé de nous expliquer que ce mot avait trouvé ses lettres de noblesse sous la plume d’André Gide et d’Albert Camus (mazette !…) et que sous sa forme vulgaire : "caillera", ce mot était couramment utilisé par ceux-la mêmes à qui il les avait adressés !…), ainsi donc le mot "racaille" a-t-il récemment mis le feu à des banlieues en proie à un mal aussi complexe que démagogiquement médiatisé et dans lesquelles des sujets que guette l'exclusion, traitent aussi régulièrement, et indifféremment, de "bouffon" celui qu'ils apostrophent.

Ayant à la fois l’honneur et la rude tâche de présenter l’avant dernier exposé de cette très riche journée de travail et vous ayant de surcroît infligé un long préambule, j'espère simplement que celles et ceux d'entre vous dont la glycémie atteindrait des niveaux préoccupants, n'entendront pas dans ce bouffon là, une injonction qui les pousserait à s'exclure prématurément de cette assemblée, afin d'aller goûter.

 

En fait, si le mot bouffon date du 16ème siècle, c'est environ un siècle plus tôt que le personnage avait fait son entrée sur la scène de notre imaginaire. Et cette image, c'est aux gravures d'Albrecht Dürer qui illustrent "La Nef des fous" [1], poème satirique de Sebastian Brandt, que nous la devons.

Dans cet ouvrage "édifiant", paru en 1494 en plein carnaval, le moraliste joue les trouble-fête. Il utilise en fait la folie pour dénoncer les turpitudes de la vie terrestre (d’une manière au demeurant plutôt réactionnaire !), à travers une galerie de portraits décrivant les différents types de pé(ê)cheurs embarqués à bord de son très singulier esquif.

Ajoutons que l’intégrisme de cette œuvre culmine dans le rejet radical, par l’auteur, de toute autonomie du savoir humain et que La Nef des fous peut finalement se résumer à une longue exhortation à un retour vers Dieu au prix d’une recherche constante de purification, seule expiation susceptible, aux yeux de l’auteur, de nous permettre d’attendre sereinement la mort charnelle.

 

Coiffé d'un coqueluchon à oreilles d'âne orné de grelots, et portant à la main une marotte, équivalent dérisoire du sceptre, le fol devient alors le miroir de la condition humaine.

Jusqu'à cette époque en effet, "la fête des Fous", dont la variante la plus connue était "la fête de l'âne", était célébrée entre Noël et l'Epiphanie.

Avec une exubérance dionysiaque, elle mettait en scène une dénonciation de tous les pouvoirs et en premier lieu, du pouvoir ecclésiastique, lequel condamnait bien sur sans appel cette folie simulée, mais vénérait dans le même temps la folie véritable et particulièrement celle du simple d'esprit (crétin ne vient-il pas de chrétien, et benêt de benedictus ?)

C’est donc vers la fin du moyen âge, avec la disparition de la lèpre du monde occidental et dans un curieux retournement des choses, que le concept de folie, jusqu'alors porteur de valeurs plutôt positives, va désormais rendre compte du désordre du monde.

L’homme à la marotte est assimilé au démon, en lui se déchaînent les pulsions dévastatrices de l'inconscient et, dans ce même mouvement, la Folie, nouvelle incarnation du Mal, finit par être identifiée à la mort.

 

Michel Foucault écrit a ce propos, dans son "Histoire de la folie à l’âge classique", que "l’anéantissement de la mort n’est plus rien puisqu’il était déjà tout, puisque la vie n'était elle-même que fatuité, paroles vaines, fracas de grelots et de marottes. La tête est déjà vide, qui deviendra crâne. La folie, c'est le déjà-là de la mort". Et il poursuit en soulignant le fait, que l'expérience de la folie est, de ce point de vue, en rigoureuse continuité avec celle de la lèpre, le rituel d'exclusion du lépreux comme celui du fou consistant en effet à poser que, vivant, le sujet ainsi désigné présentifie déjà la mort.

 

Certes le SIDA est venu depuis quelques années remplir cette fonction de présentification de la mort. Ce que n'a d’ailleurs pas manqué d'exprimer d'une manière infâme, et avec son sens habituel de la nuance, notre Arturo-Ui national, lorsqu'il a proposé, ni plus ni moins, qu'on enferme les "Sidlaïques" dans des "Sidatoriums".

Mais cette sinistre pandémie est-elle pour autant parvenue a déposséder le fou de ce capuchon à grelots en forme de suaire, et de cette marotte en forme de faux, qui le caractérisaient il n’y a pas si longtemps encore ?

 

Un numéro de l’Information psychiatrique paru il y a quelques années, est fort opportunément venu rappeler de quelle manière l’élaboration des techniques permettant l’euthanasie des malades mentaux, avait permis à l’état nazi de préparer l’holocauste, dès 1939.

Et qui pourrait affirmer aujourd’hui que ce lien de la folie et de la mort ne subsiste pas, quelque part, tapi dans le tréfonds de nos consciences. Qui pourrait nier surtout que "Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde" ?

 

Sommes-nous finalement tellement éloignés de cette conception moyenâgeuse dans laquelle les aliénés passaient, tels un grelot, pour avoir la tête vide, avec à l'intérieur, juste "la pierre de folie". Cette pierre, que certains charlatans (précurseurs de nos savants neurochirurgiens lobectomiseurs), prétendaient d’ailleurs extraire en pratiquant une incision au milieu du front.

 

Pour provocante qu'elles soient, ces questions méritent à mon sens d'être soulevées, car la notion même de Malade difficile me semble, hors les murs de l’institution psychiatrique en tout cas, n'être toujours qu'un aimable pléonasme.

Et, dans une société où la crise contribue chaque jour un peu plus à diminuer notre seuil de tolérance à la souffrance de l'autre, ces mêmes Malades difficiles pourraient bien être devenus, dans nos institutions, et par une sorte de contagion malsaine, l'objet d'une ségrégation comparable en tout point à celle que nous dénonçons au quotidien et qui est à l’œuvre dans les processus d’exclusion de trop de nos patients de leur milieu d’origine.

II me paraît fondamental, dans la manière même dont nous posons ces problèmes, que nous puissions nous interroger sur le rôle joué dans nos pratiques, par le contexte socio-économique actuel, ainsi que par la pression insidieusement croissante d'une idéologie sécuritaire de plus en plus prégnante, dont il paraîtrait bien téméraire d'affirmer que les soignants que nous sommes y sont totalement insensibles.

II ne me semble d'ailleurs pas déplacé d'affirmer que certains effets peuvent déjà en être repérés à différents niveaux de notre dispositif de santé.

 

Vous allez penser que je saute du coq à l’âne, mais, toujours à propos de violence… comment réagissez-vous, lorsqu’un écran publicitaire vient interrompre le cours du programme de télévision que vous aviez choisi de regarder ? Je trouve ça, personnellement, très violent !… Pourtant, nous sommes apparemment un certain nombre à supporter ces nombreuses incivilités que nos chaînes (les bien nommées !) de télévision préférées et leurs responsables nous imposent et justifient même en déclarant avec impudence !… que c’est là le prix à payer et que c’est d’ailleurs principalement avec ce "… temps de cerveau humain disponible" que nous mettons gracieusement à leur disposition, qu’ils font du profit !…

Circulez, il n’y a rien à voir !…

 

ð  (Jingle Pub A2…)

 

Je tiens à remercier ici tout particulièrement Monsieur Jeffrey A. Joerres, P.D.G. de MANPOWER Inc., leader mondial du travail temporaire et précurseur en matière de travail de réseau, puisque : "MANPOWER est organisé sous la forme d’un réseau de plus de 1.000 agences" et que son slogan est "Réussir ensemble"





Comme vous le voyez, le secteur privé à but lucratif : c’est pas de la gnognote !

 

Au demeurant, le logo de cet organisme charitable (je parle toujours de MANPOWER bien entendu), représente, vous l’avez encore sûrement en mémoire, un homme entièrement nu, pourvu de quatre bras et de quatre jambes, mais écartelé entre un cercle et un carré.

C’est "L’homme de Vitruve", dessin de Léonard de Vinci plus connu sous le nom de "L’homme parfait".

Le message subliminal que MANPOWER cherche manifestement à faire passer avec ce logo (mais à en croire le Da Vinci Code, il n’est pas le seul à flirter avec le subliminal…), est à l’évidence que cet homme parfait est tout simplement sur le point de résoudre la quadrature du cercle !… Rien de moins !…

Message reçu cinq sur cinq par nos gestionnaires !… Ils peuvent enfin faire entrer toutes les missions de service public dévolues au Secteur, dans les toutes petites enveloppes budgétaires généreusement octroyées à la psychiatrie.

 

Ils en avaient rêvé, MANPOWER l’a fait !

 

Je m’explique. Depuis quelques années, MANPOWER ne fait, ni plus ni moins, que vendre à nos bien aimés directeurs du temps d’infirmier disponible.

Notez que, dans le même esprit, j’aurais pu tout aussi bien m’adresser à Coca-Cola pour sponsoriser cette intervention. Mais vous comprendrez, que j’aie préféré m’en abstenir, après la récente déclaration de l’"empaffé" de première, haut responsable de notre P.A.F. hexagonal,[2] qui a dit tout haut (lui aussi !),ce que beaucoup de nos "manager" pensent tout bas. Je n’en dirai pas plus. A bon entendeur, salut !…

 

ð  DIAPORAMA : "PUB 2"

 

Consommés de manière immodérée, Les chiffres finissent par tuer le désir…

 

ð  (Jingle Pub A2…)

 

Mais revenons à nos moutons (si j’ose dire !).

Avant d’être interrompu par cet écran publicitaire vachement intrusif, j’évoquais beaucoup plus gravement la pression insidieusement croissante d'une idéologie sécuritaire de plus en plus prégnante et je me demandais en particulier si nous autres soignants y étions véritablement totalement insensibles… Certains effets d’une sorte de "contamination" ne seraient-ils pas en effet déjà repérables à différents niveaux de notre dispositif de santé ?

 

Ce problème fort préoccupant étant posé, il reste que ce phénomène n’est pas nouveau. Le dire ne résout certes rien à cette affaire, mais il me parait tout de même préférable de le savoir.

C'est en fait une dizaine d'années seulement avant la loi du 30 juin 1838, que le premier, Georget élève d’Esquirol, demande "la création d’asiles spéciaux pour les aliénés criminels". Notons qu'il revendique dans le même temps l'irresponsabilité pénale du "fou-homicide", considérant qu’"il est un malade avant d’être un criminel".

Après bien des aléas, cette idée sera reprise à la fin du 19ème siècle par Henri Colin. Celui-ci, après avoir milité pour un asile spécial apte à recevoir "les aliénés criminels et les criminels aliénés", propose de créer parallèlement des quartiers spéciaux annexés aux asiles. Ces services, dans lesquels seraient réaffirmées des valeurs telles que la discipline et le travail, permettraient d'accueillir une autre catégorie de patients, que nous appellerions sans doute aujourd’hui Malades difficiles, mais qu'il nommait, lui "aliénés vicieux, difficiles, récidivistes, habitués et exploiteurs d’asile".

Le but de ces structures consistait selon leur concepteur, à :

- enlever à l’hôpital un élément de trouble et de désordre... ;

- éviter les révoltes et les évasions ;

- organiser le travail avec méthode.

 

La dimension thérapeutique ne semblant pas être une caractéristique majeure de ce projet, je me permettrai de faire preuve d'un très mauvais esprit, en ajoutant que cette proposition n'a de mon point de vue rien à envier à celle qu'aurait pu faire un de nos tenants actuels de l'Ordre Nouveau, et qu'en particulier le troisième point, n'est pas sans m'évoquer l'inscription "Arbeit macht frei", qui figurait au fronton des camps de concentration, durant la dernière guerre mondiale.

Précisons qu'il sera donné suite à cette demande, mais que l'Administration réunira les deux propositions d'Henri Colin en une seule, pour créer finalement un "Service d'aliénés vicieux apte à recueillir les aliénés criminels et les criminels aliénés, internés dans les asiles de la Seine".

Cette décision sera prise en dehors de tout cadre légal, et en dehors de toute concertation avec la commission de surveillance des asiles publics du département de la Seine !

Mais afin de voir aboutir son projet, Henri Colin se résignera à accepter ce regroupement, en même temps qu'il acceptera le poste de Médecin chef des asiles de la Seine, chargé de l'organisation d'un quartier d'aliénés vicieux.

 

Plus près de nous, la circulaire du 5 juin 1950 relative aux Services pour malades mentaux-difficiles, nous donne une définition des termes Malades difficiles, en précisant qu'ils recouvrent trois catégories distinctes de patients :

- les malades agités perturbant les services ;

les déséquilibrés anti-sociaux, difficilement supportés par les autres malades ;

les grands déséquilibrés anti-sociaux, généralement médico-légaux, pouvant   présenter des réactions criminelles préméditées et complotées.

 

En fait, et bien que cette circulaire précise que, seuls les patients appartenant à la troisième catégorie, relevaient des Services pour malades difficiles, ces services spécialisés ne recevront principalement que ceux des deux premières catégories qui, selon le législateur, ne demandent pourtant simplement qu'"un effort particulièrement attentionné d'organisation du service dans tous ses détails, ainsi que l'affectation d'un personnel qualifié plus nombreux que dans un service ordinaire et ce davantage pour la deuxième que pour la première catégorie". Notons au passage, l'effort souhaité en matière d'effectif infirmier, qui a fait dire à Georges Daumezon "La société ne consent de sacrifices que pour se protéger".

 

Plus récemment enfin, l'arrêté du 14 octobre 1986 fixant le règlement intérieur des Unités pour malades difficiles, précise que relèvent de ces unités, les patients qui présentent "pour autrui un danger tel qu'ils nécessitent des protocoles thérapeutiques intensifs adaptés et des mesures de sûreté particulières", et le législateur de préciser : "L'état dangereux majeur, certain ou imminent" qu'ils manifestent rend "incompatible leur maintien dans une unité d'hospitalisation habilitée à recevoir" des malades placés dans le cadre de la loi du 27 juin 1990.

 

On le voit, bien que la dimension soignante de ces structures ne soit plus occultée, les volontés ayant présidé à l'élaboration de ces textes semblent, s'appuyer d'avantage sur un souci de défense sociale, que relever de préoccupations de santé publique. L'aspect répressif prime la vocation thérapeutique, le bâton l'emporte toujours sur le caducée.

Et, sous couvert de libéralisation des hôpitaux psychiatriques, une politique d'exclusion des Malades difficiles se perpétue, dont nous sommes les complices. Ce serait "le prix à payer", disent ceux d'entre nous qui l'assument sans trop d'états d'âme.

Mais, le docteur Cujo n'écrivait-il pas en introduction de son article de l'E.M.C sur les Etablissements spécialisés pour malades difficiles, je cite : "Ici, aucun apport technique particulier, aucune disposition législative nouvelle, ne réduisent ou ne subdivisent un domaine qui ne connaît qu'une réponse : l'exclusion". Suivent quelques appellations de ces services, qui au fil du temps et des idéologies, se sont vus qualifier de "Asile de sûreté", puis de "Services de sûreté et de défense sociale", en passant par "Services de force, de discipline, ou encore de criminels", trouvant même en 1904, quelqu'un pour les appeler "Asiles de désinfection" (sinistre prémonition !).

 

Le temps passe et le primat du répressif sur le thérapeutique dicte encore les choix de nos politiques. La seule et véritable innovation apportée par la loi du 27 juin 1990, ne consiste-t-elle pas dans le fait que l'on n'a retenu cette fois pour principe fondamental, que la protection du citoyen contre une hospitalisation sous contrainte, abusive, quand la loi du 30 juin 1838 se fixait quand même pour objet, à l'époque, d'organiser la prise en charge du malade mental ?

D'où vient cette défiance des pouvoirs administratif, judiciaire, et politique, à l'égard de l'autorité médicale que, dans ce domaine en tout cas, nous incarnons, si ce n'est, dans un mouvement occulte de déni de la folie que nous connaissons bien, de nous contester notre légitimité de praticiens, c'est à dire en fait notre compétence professionnelle. (Et les échos que nous avons, concernant la révision de la loi de 1990 ne sont pas faits pour nous rassurer dans ce domaine !)

Et que dire alors, du pouvoir que s'arrogent certains de nos bien-aimés maîtres des universités parisiennes, donneurs de leçons et promoteurs d'une psychiatrie aristocratique. A les entendre parfois, nous ne mériterions guère mieux que des bonnets d'âne, et serions tout juste bons à héberger ces "aliénés vicieux" décrits par Henri Colin, qu'ils veulent bien nous adresser. Alors, qu'au prix d'une perversion radicale de leur mission de service public, ils imposent qu'aucun de leurs services de psychiatrie de l'Assistance Publique de Paris intra-muros n'accueille de patients hospitalisés aux termes de la loi du 27 juin 1990 !

Peut-être se demanderaient-ils si, dans le contexte socio-économique actuel, et pour les spécialistes que nous restons malgré tout, cette notion de Malade difficile, n'a pas finalement trouvé tout simplement une reformulation politiquement correcte dans l'expression Impasse thérapeutique.

 

Cela dit, cette question me semble effectivement devoir être posée, d'autant qu'avec cette seconde locution apparaît le risque (la situation étant ici préférée au sujet en souffrance), de ne retenir que les aspects théoriques de ces prises en charge difficiles, en occultant les problèmes éthiques qu'elles posent avec acuité.

Quoi qu'il en soit, il se pourrait bien que soit finalement suggérée l'idée, qu’il n’y a en fait de Malade difficile, et a fortiori d’Impasse thérapeutique, que pour les Diafoirus que nous sommes aux yeux de certains administratifs. Un ancien Directeur des Hôpitaux [3] ne s'est-il pas autorisé à dire lors d'un colloque, il y a une dizaine d’années, que nos collègues généralistes étaient tout autant capables que nous, d'assumer toutes les prises en charge que nous effectuons au quotidien !

Et je me suis même laissé dire, que le tout premier directeur de l'Agence régionale d'Ile-de-France n'avait pas la Foi. Je veux dire, qu'il aurait laissé entendre à des collègues venus le voir peu de temps après sa nomination, qu'il doutait de l'existence même de la maladie mentale, ne l'ayant pas lui-même rencontrée !

 

Mais ce procès qui nous est fait, ne date pas d'hier. Une gravure du 16ème siècle, due à Lucas de Leyde, représentait déjà un chirurgien, tenant à la main un bistouri orné d'un grelot, et opérant un aliéné. Cette surprenante marotte brandie par l'homme de l'art, n'est-elle pas déjà là pour suggérer, d'une manière volontairement ambiguë, que pour être passé maître dans l'art d'opérer sans faire tinter le grelot, le médecin n'en est pas moins aussi fou que son patient. Et du fou à l'âne, il n'y a qu'un pas. Un pas de danse bien sur, lors de fêtes païennes et paillardes du moyen âge !

 

Vous l'aurez sans doute compris, l'âne est un animal pour lequel j'ai un faible. A vrai dire, cette sympathie remonte à l'époque lointaine où mes petits camarades me lançaient, en guise d'injure, l'apostrophe la plus brève que mon patronyme leur inspirât. Alors, ainsi poussé à mieux connaître ce quadrupède supposé avoir la tête aussi dure que mal faite, j'ai fini par découvrir que, de la mythologie grecque, au nouveau testament, en passant par les contes de fée, il constituait une référence pour mille et une autres choses, et qu'on lui devait en particulier, le tracé de beaucoup de nos routes de montagne.

 

En effet, à l'époque où nos ancêtres, encore confinés dans leurs vallées d'origine, cherchaient en vain à franchir nombre de barres montagneuses, c'est en suivant des ânes  (ou leurs proches parents, mulets ou bardots), qu'ils finirent par découvrir des "passes" leur permettant d'accéder aux vallées voisines.

 

Reconnaissons-le, il s'agissait là, le plus souvent, à nos frontières en tout cas, de l'initiative de contrebandiers… Reconnaissons-le aussi, ces derniers "aidaient" parfois un peu leurs précieux guides, d'une carotte ou d'un bâton…

Mais, quoi qu'il en soit, en inventant une issue aux impasses d'hier, ils permettaient à de nouvelles possibilités de communication d'advenir.

 

Je le confesse, il m'arrive parfois de regretter de n'avoir ni le talent, ni l'audace d'un de ces contrebandiers d'antan. Mais je n'oublie pas que douane et divan ont la même étymologie… et la métaphore trouve ici sa limite, car, si c'est le plus souvent en faisant l'impasse de la douane, que l'on a pu ouvrir de nouvelles voies dans les montagnes de notre beau pays, je doute fort que les thérapeutes que nous sommes, puissent sortir des Impasses thérapeutiques où nous conduisent certains de nos de Malades difficiles, en faisant l'impasse du divan.

 

Alors, partant du postulat selon lequel, mieux on parvient à référer une pratique à une théorie susceptible d'en rendre compte, moins le cadre a besoin de se matérialiser, je veux insister sur la nécessité de poursuivre avec opiniâtreté (j'aurais dû dire entêtement) notre réflexion théorique, clinique et éthique, sur la prise en charge des Malades difficiles.

 

J’avais initialement commencé à travailler cette question, fin 1997, pour le Congrès de l’Association ANCRE-PSY, dont le thème était : "Malades difficiles et impasses thérapeutiques". Mais je me suis permis de reprendre une partie de ce texte aujourd’hui, car il présentait, me semble-t-il, le double intérêt d’être toujours d’une actualité aussi criante et, surtout, d’avoir été pensé en dehors de tout contexte dramatique.

Si nous sommes réunis aujourd’hui, n’est-ce pas en effet en grande partie pour nous interroger sur la manière de poursuivre ce type de réflexion, en l’approfondissant ? Car il y a eu depuis le terrifiant "séisme" du double meurtre du service de psycho-gériatrie du Centre Hospitalier Psychiatrique des Pyrénées, à Pau, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2004, mais aussi, pour mon équipe et moi, la "réplique" fracassante de ce drame dans notre C.M.P., au Centre Jean Moulin à Saint-Maur, à peine trois mois plus tard, en mars 2005…

 

Dans les deux cas ce sont des femmes qui ont été frappées et ce n’est certainement pas indifférent, mais à travers elles c’est aussi l’institution toute entière qui était semble-t-il visée.

 

Alors, rappeler ici, que sont toujours perçus comme violents les patients qui nous menacent, certes, mais qui, ce faisant, menacent avant tout notre identité en tant que sujet, en tant qu'équipe soignante et même en tant qu'institution, m’a paru nécessaire.

Comme m’a semblé nécessaire aussi de redire que cette confrontation à la violence de l’autre génère, le plus souvent, au sein de nos équipes des conflits dans lesquels s'affrontent invariablement des désirs archaïques de fusion et d'exclusion. Nous sommes en effet toutes et tous pris dans des jeux contre-transférentiels qui nous amènent, soit à banaliser la situation, à sous-évaluer donc le potentiel de dangerosité du patient (confirmant alors celui-ci dans sa toute-puissance), soit au contraire à sur-évaluer sa dangerosité. Attitude qui conduit alors invariablement au rejet, voire même à l’exclusion du patient de l’institution, dans une stigmatisation symétrique de celle que nous dénonçons régulièrement dans la société civile.

 

Dans un cas comme dans l'autre, étant disqualifiés en tant qu’acteur d’une institution soignante, nous ne pensons plus la violence de l’autre qu’à travers ce qu'elle induit en nous et il nous devient alors extrêmement difficile de retrouver la "distance" indispensable à une élaboration critique de la situation clinique à laquelle nous nous trouvons confrontés.

Seule une telle "élaboration critique" est pourtant susceptible de conduire à l’invention d’une stratégie thérapeutique efficace.

 

Un drame, comme celui que nous avons traversé ce vendredi 11 mars 2005, a constitué une telle effraction, un acte "fou" posé avec une telle obscénité, qu’il a immédiatement produit au sein de notre équipe un effet de sidération de la pensée et est resté, dans un premier temps, "impensable", au sens premier du mot.

 

La vie ayant depuis repris ses droits, et je remercie Jeanine de nous avoir fait l’inestimable cadeau de rester en vie, nous nous devons à présent de retrouver cette exigence fondamentale qui est de prendre le temps d’élaborer plus encore autour de ceux de nos patients, qui ne parviennent que très difficilement à exister autrement qu’en "agissant" leur violence.

Il s’agit là d’un pari difficile car le risque est permanent d’opposer au sentiment de toute puissance qui les habite, l’illusion d’une toute puissance de la pensée qui nous permettrait d’avoir réponse à tout. Et il faut nous garder de voir ce désir de guérir qui nous anime (différent du désir de soigner), se muer en folie de guérir. Cette dernière pousse en effet régulièrement certains d’entre nous à recourir à des solutions extrêmes quand le patient a l’audace de se montrer résistant aux thérapeutiques habituelles. C’est ainsi que l’on a vu ressurgir récemment l’utilisation de la neurochirurgie dans le traitement de certaines pathologies psychiatriques.

 

Alors, pour conclure cette intervention qu’en raison même de la gravité du sujet je souhaitais aussi rigoureuse que possible, mais ne reniant rien de mes états d'âme et malgré tout "atypique", j’insisterai sur le fait que l'amélioration des conditions de prise en charge de nos Malades difficiles suppose d'éviter deux écueils : le déni du problème et la tentation sécuritaire.

En effet, nous sommes plus que jamais confrontés dans notre pratique quotidienne, en partie à cause d’un contexte économique particulièrement délétère mais en partie seulement, à une logique qui met de plus en plus durement le Soin à l’épreuve du Sécuritaire et il nous faut résolument tout mettre en œuvre si nous voulons que nos institutions ne sécrètent pas à leur tour leurs propres exclus.

 

Enfin, et pour contribuer de manière plus efficace encore à l'éradication d'une logique totalitaire dans laquelle l'exclusion des malades mentaux sert d'alibi à un renforcement archaïque de la cohésion sociale, il nous faut continuer de dénoncer avec force le mythe d’une "Violence" qui, par essence, serait psychiatrique, et qui, de fait, est médiatisée comme telle, jusqu’à la nausée.

Une "Violence" que les Malades difficiles incarnent mieux que tout autre !

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[1] "Das Narrenschiff" est une oeuvre majeure de la fin du XVème siècle, écrite en dialecte alsacien et publiée à Bâle en 1494. Cette navigation de la folie vise en fait l'homme enfermé dans le péché, celui qui, ayant perdu le sens des vraies valeurs, est abandonné à un destin aveugle parce qu'oublieux de la Parole divine. Comme le montre Foucault, ces nefs qui transportaient les fous en dehors des villes et les soumettaient ainsi à un proto-contrôle social ont effectivement existé.

[2] Monsieur Patrick Lelay, pour le nommer, PDG de TF1, qui s’est autorisé à dire dans une interview de septembre 2004 : "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible…"

[3] Monsieur Jean de Kervasdoué a été Directeur des hôpitaux au ministère de la Santé de 1981 à 1986. Il est depuis 1986 Président directeur général de la Compagnie française de gestion de services de santé : SANESCO. Ce Monsieur, qui ne ménage pas ses critiques vis à vis du monde hospitalier, est un précurseur puisqu’il a permis à une société privée de voler au secours du système hospitalier public. Il a oublié au passage que c’est aux politiques de décider et non aux économistes.