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Approchez la distance !
De la distance à la proximité thérapeutique
Bonjour
Je suis ravie de vous accueillir et d'ouvrir aujourd'hui les troisièmes journées de l'association serpsy.
Serpsy veut dire Soins Etudes et Recherches en Psychiatrie. C'est une association qui va bientôt fêter ses six ans. En fait d'association c'est plutôt un espace de réflexion dont la vitrine est le site du même nom et également nos journées.
Le thème de la journée d'aujourd'hui nous a été grandement inspirée par le forum de serpsy et par les demandes régulières et de plus en plus nombreuses d'étudiants, de nouveaux professionnels ou d'usagers autour de questionnement sur la " distance thérapeutique ".
De quelle distance parlons-nous quand on parle de distance thérapeutique, Y a t'il une distance qu'on puisse appeler thérapeutique.
Mais d'abord, qu'est ce que la distance ?
Si on se réfère au dictionnaire de la langue française, distance nous renvoie à une dimension spatiale, il recouvre une notion d'écart, d'intervalle dans l'espace, au propre mais aussi au figuré, à propos du degré de séparation entre deux personnes.
Un anthropologue américain Edward Hall a fait une recherche sur la façon dont l'homme utilise l'espace : l'espace qu'il maintient entre lui et les autres, et celui qu'il construit autour de soi, à la maison ou au travail. Il a repéré un certain nombre de distance chez tout être vivant, je vous en cite quelques unes.
- La distance publique mode lointain (7,50m ou davantage) C’est celle des personnages officiels.(politiques, acteurs, etc…)
Si l’homme est entouré de "bulles " invisibles dont les dimensions sont mesurables, l’architecture apparaît alors sous un angle radicalement différent. On peut alors concevoir que les hommes soient brimés par les espaces où ils sont contraints de vivre et de travailler. (stress, irritabilité)
- La distance publique qui oscille de 3,60m à 7,50m . C'est la distance située hors du cercle où l'individu est directement concerné. Elle peut déclencher une forme de fuite. La personne compte moins que son discours. Les gestes sont amplifiés et ralentis, la parole est articulée.
- La distance sociale mode lointain (2,10m à 3,60m) on prend du recul, on toise, on jauge. La dimension des mobiliers des personnalités importantes correspond à cette distance sociale. L’attention est retenue par les yeux et la bouche de l’interlocuteur. La voix est sensiblement plus haute. Cette distance peut servir à isoler ou séparer les individus.
- La distance sociale (1,20m à 2,10m) La frontière entre le mode proche de la distance sociale et le mode lointain de la distance personnelle marque la limite du pouvoir sur autrui. Les détails intimes ne sont pas perceptibles, les contacts sont devenus impossibles. Sur un mode proche on débat de sujets impersonnels.
- La distance personnelle
Elle désigne la distance minimum acceptable par chaque individu. On peut l'imaginer comme une petite sphère protectrice ou bulle qu'un organisme créerait autour de lui pour s'isoler des autres. L'interlocuteur est tenu à distance . On ne constate pas de déformation des traits de l'autre. Les détails de l'autre sont visibles (grain de peau, rides, couleur des yeux…) Les contacts de peau sont moindres et chaleur et odeur ne sont pas perceptibles.
-La distance intime
A cette distance, la présence de l'autre s'impose et peut devenir envahissante par son impact sur le système perceptif. (vision, odeur, chaleur du corps, rythme respiratoire, souffle de son haleine, constituent les signes irréfutables d'une relation d'engagement avec un autre corps.)
Cette distance est celle de l'acte sexuel et de la lutte, celle à laquelle on réconforte et on protège. Le contact physique ou son imminence vraisemblable domine la conscience des partenaires. L'emploi des récepteurs à distance est réduit. Dans cette phase, le contact est de peau à peau.
A ce terme de distance s'est rajouté l'adjectif thérapeutique.
Le terme distance peut évoquer éloignement, protection, défense. Celui de thérapeutique qui signifie "qui prend soin de" nous enjoint d'aller vers le patient. Et c'est bien de cela qu'il s'agit, de cet incessant va et vient entre éloignement et rapprochement.
La distance ne peut être fixe, elle est en perpétuelle évolution. Elle doit être auto évaluée et réajustée sans cesse en fonction de la dynamique de la relation tant au niveau des messages conceptuels qu'au niveau des messages affectifs.
Les sentiments réciproques des interlocuteurs à l'égard l'un de l'autre, au moment analysé, constituent un facteur décisif dans la détermination de leur distance.
Avoir la bonne distance n'est décidément pas chose aisée, il nous sera toujours impossible de la protocoliser.
En préparant cette journée, Marie Laurène m'a soufflé que le protocole peut pourtant, dans son aspect rituel organiser et régler la distance, elle me parlait justement du protocole en vigueur lors de réception d'un chef d'Etat, C'est vrai qu'il s'agit un peu de ça, régler la bonne distance pour qu'il n'y ait pas d'incident diplomatique.
Je pourrai continuer aussi en évoquant la peur, la crainte d'être envahi, d'être dépassé par une relation ou au contraire de la routine de la fossilisation pour éviter qu'il ne se passe rien…
Mais je vais laisser la parole à Monsieur Marc Windisch, psychiatre Chef de service du secteur 10 de Paris et Président d'honneur de serpsy.
Journée Serpsy, 19 mars 2004.