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Approchez la distance !
De la distance à la proximité thérapeutique





Voici venu le moment de nous quitter et d'épiloguer

La "distance thérapeutique ", tout au long de cette journée, nous l'avons abordée sous l'angle de la proximité. Nous n'avions pas l'intention d'inventer "un mètre étalon thérapeutique " qui pourrait mesurer la bonne distance. Coluche disait "la bonne hauteur c'est quand les pieds touchent par terre ". Eh oui ! N'y a t il pas en premier lieu une attitude tout simplement de bon sens, de bon sens clinique (1)
Le problème de la distance ou de la proximité thérapeutique n'est cependant pas qu'une affaire de langage. (2)
Les 15.000 personnes décédées cet été durant la canicule ne l'ont pas été de trop de proximité mais bien de trop de distance. (3)
Nous pourrions avancer que toute distance n'est qu'illusion. Si nous prenons en considération que la distance dans le soin, c'est le fait d'être simultanément acteur et observateur de la situation de soin. (4)

La proximité, dans le domaine de la santé en général, fait de moins en moins commerce, à l'ère de la Web-Chirurgie, le Web-DSM a lui aussi son avenir. Ecrivez-moi vos symptômes, je vous fixerai une ordonnance, paiement sécurisé, remboursement automatisé. (5)

Si l'on cherche constamment à maintenir la distance, si le soin ne s'envisage que sous la forme de la distance, c'est le lien à l'autre que l'on afflige, que l'on attaque.

La distance, les distances tout comme les relations ne sont pas figées mais elles évoluent en parallèle. Entrer en relation avec une personne qui souffre dans ses pensées, c'est un travail d'approche progressif, une mise en confiance, un apprivoisement commun.

Nous aurions pu également aborder ce thème sous l'angle de l'engagement.
La question du soin et du thérapeutique c'est avant tout une histoire d'engagement humain. L'engagement est la base de tout travail sur les relations humaines. Et quand nous nous engageons nous prenons obligatoirement des risques.

Et pour s'engager, il faut aussi pouvoir se dégager d'autres engagements. Il faut dégager du temps. Il faut se dégager d'autres soucis et problèmes. Il faut être dégagé pour se permettre de s'engager dans une relation, que celle-ci est un caractère thérapeutique ou pas.

Les limites de l'engagement dans un processus thérapeutique sont intimement liées aux investissements transférentiels, tant du côté des soignants que de celui des soignés.

Nous espérons que d'autres pistes de réflexion viendront encore et toujours titiller nos pratiques, les alimenter, les remettre en question. Que ces échanges se fassent avec le public le plus large possible, usagers, familles, soignants, élus locaux… L'action des soignants en psychiatrie a toute sa dimension dans la prévention. Ce n'est pas une dimension qui est toujours mise en avant mais elle est pourtant fondamentale. Le soin en psychiatrie s'exerce à l'hôpital, mais aussi et surtout dans de nombreuses structures à l'extérieur de l'hôpital, au cœur de la cité et au domicile du patient. Ce sont les liens entre ces lieux, entre ceux qui y travaillent qui créent une unité dans le soin mais c'est aussi le lien qui va faire soin.

Etre soignant en psychiatrie n'est pas un métier anodin, cela suppose une éthique, un positionnement militant quant à la défense des droits de l'homme. Notre travail consiste à nous rapprocher de l'autre, cela suppose que l'on se positionne avant tout comme Homme et que l'on travaille avec son propre engagement humain.
Cela suppose aussi d'être un artisan, qui bricole au quotidien avec ses outils et concepts. Cela suppose qu'il faut rester en position d'apprentissage et d'apprendre aussi et surtout des patients.
Le soignant doit SE forger en tant qu'outil. C'est l'histoire de la rencontre de soi pour découvrir l'autre. (6)
Notre travail est par-dessus tout un travail de lien, de connaissance humaine et professionnelle ; lien de l'Homme avec son histoire, sa famille, sa cité.

Si l'engagement est nécessaire aux soignants en psychiatrie, il est primordial que cet engagement soit effectif pour le patient. En 2002, deux lois en France (janvier 2002 "Action sociale et médico-sociale " et mars 2002 relative aux droits des malades) ont recadré la réglementation en vigueur quant à la participation du patient au dispositif de soins. Il lui a été reconnu une place centrale au cœur de ce dispositif de soin et de prévention. Cette place centrale implique l'information claire due au patient.
Cette réglementation définie également l'usager et son entourage comme co-décideur dans la mise en œuvre de projets ainsi que dans l'analyse des activités des institutions de soins. Il faut donc modifier et développer une logique et un dialogue différents entre les professionnels et les usagers de la santé. Il va falloir "décider Avec " et non plus "décider Pour ". Cependant certains professionnels, tant soignants qu'administratifs, sont réticents et la représentativité des usagers reste en France bien minime. Il semble que ces professionnels se sentent menacés par la présence des usagers dans les processus de décisions, au sein des réunions. Beaucoup ne comprennent pas ce que veut dire d'accueillir à leur bord des usagers comme partenaires.

Et paradoxalement, la société pousse à une vision réductrice de la pathologie mentale. On assiste à un développement où les techniques quantitatives sont privilégiées, tel que l'effet des traitements médicamenteux, les sismothérapies (ou électrochocs), les traitements chirurgicaux (exemple les lobotomies modernes pour les T.O.C). C'est la recherche de gains à court terme. L'idéologie du tout économique prime, nous évoluons dans un mode généralisé d'échanges, de production de vie. L'humain est un outil de production qu'il faut rendre opérationnel au plus vite.

Pourtant il a été démontré que les traitements à long terme permettaient de limiter le passage par les urgences et raréfiaient le recours à l'hospitalisation. La psychiatrie de secteur s'inscrit dans le moyen et long terme, c'est dans cette dimension qu'elle se montre efficace.

Le dispositif de soin très sophistiqué qui correspond à notre philosophie est coûteux en "main d'œuvre très qualifiée", mais aussi dans sa dimension temporelle. Nous devons donc être vigilants à ne pas nous trouver hors jeu de tout avenir.

La régression est déjà bien amorcée, tant sur l'axe économique que sécuritaire. C'est une dérive aveugle qui va nous confronter très rapidement à un glissement de la mission de soin vers celle de contrôle social.

Organiser une journée comme celle-ci, c'est pour nous des mois de préparation. Des mois de doutes, d'interrogations, d'hésitations, de peurs, d'aller-retour…
Mais nous n'allons pas nous contenter d'en rester là, il nous faut encore et encore bâtir notre savoir, nos expériences. Les actes de cette journée seront bientôt mis en ligne sur notre site Internet. Ils permettront à d'autres soignants, soignés, professionnels ou visiteurs de s'en emparer et de continuer la réflexion.
Nous tenons à vous remercier tous de votre présence.
Merci de nous avoir et de vous être laissés approcher.

Notes :

Les phrases proposées ont été relevées sur le forum de serpsy :
1 Olivier Mans
2 Anna (uk)
3 Dominique Friard
4 Jean Vignes
5 Olivier Mans
6Jean Vignes
7 Isabelle Aubard et Anne-Marie Leyreloup



Journée Serpsy, 19 mars 2004.





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