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Approchez la distance !
De la distance à la proximité thérapeutique






Joueur de blouse



On dit bien souvent « l’habit ne fait pas le moine »,

En psychiatrie parfois,  celui-ci nous dédouane.

Et si dans les médias on nous dit « blouses blanches »,

Elles ne donnent surtout pas pour tout, « carte blanche ».

 

« Approchez la distance », voilà une injonction,

Une bonne occasion de se remettre en question.

Ce titre est accrocheur, voire interrogateur,

Mais il renvoie aussi, à tout notre intérieur.

 

Car comment réunir deux mots si opposés,

Dans une relation dite soignant-soigné.

L’équilibre est pour tous, une recherche permanente,

L’atteindre reste une chose, pas du tout évidente.

 

Avouez que dès le départ, tout est un peu faussé.

D’un côté les soignants, de l’autre les soignés.

Nos blouses et nos statuts sont là pour rappeler,

Où se trouvent la science et puis l’autorité.

 

On  revêt donc ces blouses comme si cette carapace,

Pouvait nous protéger de nos peurs, nos angoisses.

Comme si le fait de porter ce signe distinctif,

Devait nous dispenser de rester attentif.

 

Sous prétexte de vouloir, ainsi  se différencier,

Pour autant, certaines bases nous devons respecter.

Combien de fois, il nous arrive de rencontrer,

Sans même prendre la peine , de se présenter.

 

Cette blouse est un peu notre permis de soigner.

Mais  reste trop souvent  ceinture d’ sécurité.

Elle n’est finalement, qu’ vêtement d’identité,

Qu’on devrait n’utiliser, que comme un laisser-parler.

 

Respectez vos distances, il peut venir un choc,

Ne pas aller trop loin, surtout pas d’équivoque.

Comme si ce bout de tissu devait nous protéger,

D’une sortie de route, d’un dérapage  non-contrôlé.

 

Pourquoi ne pas oser dire, qu’elles sont aussi pouvoir,

Quand on écoute parfois certains cris de couloir.

Elles devraient nous permettre des abus de «pour voir»,

Pour que tous nos patients retrouvent un peu l’espoir.

 

C’est vrai que quelquefois, on  impose la loi,

Par le biais de « cachets », très souvent faisant foi.

Ils nous conduisent alors, dans des chambres d’isolement,

Pour des soins de proximité tout en restant dix, et tant !

 

Pour toutes ces vies, stoppées sur une aire d’auto-doute,

Qui ont besoin d’aide, pour continuer leur route,

Parce que parfois à une, deux ou même à quatre voix,

Ils traversent des mondes que nous ne maîtrisons pas.

 

A force de penser qu’on les connaît très bien,

On finit par oublier qu’il faut tisser du lien.

Et même si son propos souvent, peut dérouter,

Un de nos rôles propres est déjà d’écouter.

 

Quel droit avons-nous donc aussi de tutoyer,

Est–ce réduire la distance, cette  familiarité?

Je suis de ceux qui pensent, que le vouvoiement,

Est marque de respect et non d’éloignement.

 

Mettre de la distance, c’est dire « à tout à l’heure »

Parler proximité , c’est arrêter une heure.

Qui parmi nous est capable d’infirmer,

Que nous avons bien du mal parfois, à préciser.

 

Nous sommes dans la maîtrise du savoir différer,

Cela nous permet ainsi de plus nous préserver.

Et puis ça nous évite, de trop nous engager,

Sans doute par cette crainte de devoir affronter.

 

Parce qu’elle reste bien plus qu’une vraie protection,

Parce qu’elle donne le pouvoir de trop souvent dire non.

Elle devrait être repère,  et source de confiance,

Elle est synonyme trop souvent de puissance.

 

En matière de blouse, nous sommes donc joueurs,

Nous l’utilisons bien  au gré de nos humeurs.

Aller vers le patient n’est pas toujours aisé ,

Mais alors pourquoi, rendre tout compliqué ?

 

Il suffit d’écouter, certainement respecter,

Ce que veut dire souffrance et puis fragilité.

Soigner c’est prendre un train, compartiment douleur,

Aider dans ces voyages, à mettre la vie à l’heure.



Yves-Marie FROT
Journée Serpsy, 19 mars 2004.




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