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L'ASSOCIATION " ACCUEILS ? "
-9 EMES JOURNEES - MARSEILLE -
15 ET 16 MAI 2003
" SEUILS "
(Sagesse des seuils en psychiatrie)
L'affaire est dans le S.A.C (seuil d'accueil et de crise)
Le 28 Novembre dernier, à l'occasion d'une soirée " accueil " à l'Hôpital Saint-Anne, il nous avait été fait la proposition d'intervenir pour témoigner de notre expérience suite à la fermeture six mois auparavant de notre centre d'accueil et de crise. Cette fermeture, il faut le rappeler ne doit pas faire oublier l'aspect politique et économique de cette décision . En effet, elle ne s'est pas réellement effectuée dans le cadre d'un projet de secteur, mais était la conséquence d'une diminution progressive de moyens infirmiers, dans une période de restriction budgétaire, phénomène plus que d'actualité dans la région Ile de France depuis maintenant plusieurs années.
Notre intervention faisait suite à celle d'une équipe des Yvelines qui, le mois précédent, était venue présenter son projet d'ouverture de centre d'accueil et de crise. Deux projets opposés, deux situations uniques, l'une dans une démarche d'élargissement de son dispositif de soin, l'autre dans une quéte de réorganisation suite à un événement qui à la base n'était pas particulièrement souhaité. Pourtant, ce soir là, notre intervention annonçait déjà sans la savoir le contenu de celle de Marseilles. Oui notre témoignage nous avait permis de partager une situation difficile à gérer depuis de longs mois, de faire le deuil d'un type d'organisation mais c'était aussi pour nous l'occasion d'affronter les différentes pistes de réflexions engagées suite à cette resructuration. Nous sentions déjà malgré une certaine retenue que cette fermeture n'avait pas mis à mal tout le travail du secteur. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Ce changement important dans le dispositif de soin de notre secteur est venu une nouvelle fois mettre en avant plusieurs interrogations.
Devons nous continuer de laisser brader tout un dispositif de soins ayant fait ses preuves depuis des années ? Devons nous attendre qu'on nous impose ce type de bouleversement pour s'interroger un peu plus sur nos pratiques afin de réfléchir au mieux et régulièrement le type d'aide pouvant être offerte à une population de plus en plus demandeuse de nos service ?
Même si la réponse à la première question a son importance mais relève sans doute plus d'un autre débat, il semble fondamental aujourd'hui, qu'anticiper par une réflxion permanente sur nos pratiques de soins ainsi que sur les besoins des patients dont nous avons la charge pourrait nous épargner un témoignage sur la fermeture d'une structure n'importe laquelle soit-elle. Parler de ce qui disparaît ou ferme, reste toujours douloureux, cela remet obligatoirement en question toute une pratique, toute une équipe pluridisciplinaire mais donne surtout l'impression que plus rien ne sera jamais comme avant ou que l'on ne fera jamais mieux. De plus, qu'il est confortable et rassurant de travailler dans une structure qu'elle soit en ville ou à l'hôpital où finalement on a peu souvent l'occasion ou le désir de se remettre en question.
Les lieux sur un secteur ont leur importance, ils sont des repères pour les patients mais peut-être surtout pour nous les soignants. Dans une démarche de prise en charge globale, combien de soignants peuvent affirmer qu'ils travaillent au nom d'un secteur plutôt que d'une unité fonctionnelle ? Nous avons plus souvent l'habitude de parler de " l'intra ", de " l'extra " comme si finalement le tout ne faisait pas qu'un mais deux comme si la disparition de l'un faisait plutôt les affaires de l'autre, surtout en période de pénurie de personnel. Il ne faut pas se voiler la face, un an après, la fermeture du centre d'accueil et de crise s'est faite dans une souffrance importante et encore visible au travers de notre organistion mais également par le biais de nos pratiques.
Pourtant, le temps qui passe et le recul d'un an maintenant sur cet événement ne semble pas donner raison aux inquiétudes passées. Le constat est peut-être terrible mais pour ce qui concerne le fonctionnement du 16ème secteur du Val de Marne, il semblerait malgré tout que la population ne notre secteur se soit adaptée très rapidement à la non existence d'une structure d'accueil et de crise ouverte 24heures sur 24. Plusieurs explications sont possibles : la première serait que mise à part certaines situations particulières, cette structure dans sa globalité ne remplissait pas autant sa mission telle que l'on pouvait l'affirmer, la deuxième, c'est qu'en s'interrogeant régulièrement sur les besoins de la population, nous serions peut-être arrivés à la première explication, la troisième c'est peut-être que la nouvelle organisation proposée même si elle n'est pas parfaite(un an seulement d'existence) correspond au moins autant dans son ensemble aux attentes de la population prise en charge.
La fermeture d'une structure telle qu'un centre d'accueil et de crise n'a donc pas signé pour autant la fin du travail de secteur. D'une manière générale, elle a permis de se repositionner sur ses objectifs de soins et elle permettra peut-être de l'enrichir. Cette nouvelle structure que l'on pourrait appeler centre médico-psychologique élargi a au moins bénéficié d'une chose, celle d'une équipe infirmière composée de la majeure partie de l'ancienne équipe du CAC et de celle du CMP. Une chose est sûre aujourd'hui, nous parlons plus le même language, le travail de lien est plus visible, plus lisible et cette expérience ne peut-être que bénéfique tant pour l'équipe soignante que pour tous les patients dont nous avons la charge. Comment pendant des années avons-nous pu travailler si loin des autres tout en exerçant à la même adresse ? Comment pendant des années avons nous pu partager des réunions dites cliniques sans pouvoir parler de la même façon de patients pourtant pris en charge en commun ?
Loin d'être un réquisitoire contre l'utilité et l'importance d'une structure comme un centre d'accueil, ces propos ont surtout pour but de mettre en avant l'importance du requestionnement, sur nos pratiques mais aussi tout le bénéfice que chacuns, tant les soignants que les patients nous pouvons en tirer dans le quotidien du soin.
Mise à part la perte du dispositif d'hospitalisation, la prise en charge du patient en matière d'accueil et de crise n'a pas fondamentalement changé. S'il est vrai que dans certaines situations bien particulières, le travail d'évaluation de la demande du patient nous à privé de cette possibilité, elle a peut-être remis au centre de notre pratique la notion de l'accueil et de l'orientation. S'il est vrai que les lieux ont leur importance, point de repère pour les patients, la qualité de l'accueil qui leur est fait conditionne la relation de confiance, l'accroche nécessaire pour la suite de leur prise en charge. Cet accueil reste le point de départ de toute forme d'aide ou de soutien qui peut être proposé par la suite.
Depuis cette fermeture, même si le travail d'accueil et de crise ne se fait plus sous la forme 24heures sur 24, cette expérience doit nous servir pour l'avenir, car elle nous aura obligé malgré nous à nous ouvrir, et sur notre travail institutionnel mais surtout vers l'extérieur, cet extérieur qui finalement doit rester l'essence même de notre mission de travailleur de secteur.
Yves-Marie FROT
Intervention Marseille
16 Mai 2003