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L'ASSOCIATION " ACCUEILS ? "

-9 EMES JOURNEES - MARSEILLE -

15 ET 16 MAI 2003

" SEUILS "
(Sagesse des seuils en psychiatrie)


Marseille 2003

Mireille ESVAN


Pour commencer reprenons rapidement la notion d'Accueil. En effet, cette fonction, qui peut aussi être qualifiée d'attitude, dépasse largement la structure où elle se fait (CAC, CMP, hôpital psychiatrique, SAU, domicile du patient, etc), et vise avant tout à créer un lien thérapeutique entre patient et soignants. Elle nécessite de la part de ces derniers une grande disponibilité, tant matérielle que psychique. Il a déjà été souligné que cette disponibilité pour un travail d'accueil, et dans le cas qui nous concerne, également de crise, exige beaucoup de temps, et suppose des moyens importants qui ne doivent pas pour autant désorganiser le reste des activités du secteur.
Une réflexion autour de l'adéquation des moyens de notre secteur au travail d'accueil et de crise nous avait conduits à soulever 2 questions :

- Faut-il accepter de mobiliser médecins et infirmiers pour être disponible pour l'accueil des patients en sachant qu'ils ne viendraient peut-être pas ? En ce qui me concerne la réponse est oui, en soulignant d'une part l'importance pour les patients de savoir que nous sommes là, au cas où, et d'autre part le fait que l'accueil se faisant dans les locaux du CMP, il est tout à fait possible d'organiser un minimum de consultations sur le temps qu'on est censé consacrer à l'accueil sans rendez-vous.

- La deuxième question : nos réponses à la situation de crise vécue par le patient sont-elles adaptées à la singularité du patient, de son vécu de la crise, et aux possibilités d'alliance avec son entourage socio-familial, ou aux moyens que l'équipe peut mettre en jeu à ce moment-là ? un exemple pour illustrer ce point particulier : un jeune homme nous est adressé par le SAU suite à une tentative de suicide réactionnelle à un contexte conjugal difficile. Il se présente un jour où le médecin d'accueil est absent, et où j'assure donc les urgences en plus d'une consultation très chargée. Je le reçois, et devant la fragilité du patient, ses ruminations anxieuses et morbides, je contacte le collègue d'un CAC de l'hôpital, qui peut accueillir ce soir-là le patient pour une courte hospitalisation. Signalons que M. B. était accompagné pour l'occasion d'un ami proche, et de sa sœur, qu'il n'avait pas vue depuis plusieurs semaines, et qui se manifestait dans cette situation de crise. Dans l'éventualité d'une réponse négative du CAC, j'avais proposé au patient de réfléchir à des alternatives, comme de demander à son ami ou à sa sœur de l'héberger le soir même pour éviter une nuit de solitude à son domicile. M. B. s'était montré réticent à ma proposition de le recevoir avec eux, et la réponse positive du CAC avait donc apporté un soulagement général, le patient pouvant se laisser porter par l'équipe soignante à distance de son entourage, et le médecin désireux de retourner à sa consultation faisant ainsi l'économie d'entretiens supplémentaires plus ou moins imposés au patient. Le séjour au CAC, de courte durée, a été par ailleurs bénéfique au patient, qui continue maintenant un suivi ambulatoire au CMP. Je reste cependant persuadée que nous sommes passés ce jour-là à côté d'une occasion d'aborder avec lui un aspect de la problématique familiale en présence de sa sœur, occasion qui ne se représentera peut-être pas.

Je voudrais maintenant insister sur 2 conséquences particulières de la fermeture du CAC, la disparition des lits et l'ouverture limitée à la journée, car on a beaucoup dit que ces 2 éléments étaient très négatifs pour la prise en charge des patients.

Pour la nuit, en fait il semble qu'il y avait auparavant peu d'accueils (c'est en particulier ce qui avait permis de passer d'une garde sur place à une astreinte à domicile), et les appels téléphoniques ont été reportés sur l'hôpital, avec quelques contacts de patients surtout au début, sans doute pour se rassurer sur la disponibilité éventuelle des soignants.

En ce qui concerne les hospitalisations, je rappellerai que notre centre de crise ne fonctionnait pas à mon sens comme un lieu d'hospitalisation de crise, avec par exemple une durée de séjour limitée à 48 ou 72 heures comme c'est parfois le cas, ce qui permet une autre dynamique dans le travail. Il s'agissait plus d'une unité de courte hospitalisation dans la cité, à défaut de pouvoir ou de vouloir admettre les patients sur nos unités d'intra . C'était ainsi souvent le cas pour les patients dont c'était le premier contact avec la psychiatrie, ou que nous considérions comme trop fragiles pour une hospitalisation dans un service encore très asilaire, que ce soient des personnes âgées, ou au contraire de très jeunes adultes, ou encore des situations de dépression névrotique. Parfois même, devant l'ambivalence des patients à l'évocation du nom de l'hôpital Esquirol, encore associé à des représentations très négatives de la folie, nous étions confrontés à l'alternative hospitalisation en service libre sur le CAC, ou HDT sur l'intra.

Quoi qu'il en soit, nous disposions il y a encore un an de 5 lits d'hospitalisation dans notre CAC, avec le plus souvent 3 ou 4 de ces lits occupés.
Que sont donc nos patients devenus ?

- Certains ont été admis à l'hôpital Esquirol. Bien sûr le nombre d'hospitalisations sur les unités d'intra est en hausse par rapport à l'année précédente. Mais quand on regarde d'un peu plus près les motifs d'hospitalisations, il ne s'agit pas dans la majorité des cas de situation qui auraient pu justifier d'une admission au CAC.

- D'autres sont restés à l'hôpital Henri Mondor après leur passage aux Urgences; conséquence aussi de la bonne entente entre notre équipe et celle du SAU: ils savent que nous sommes disponibles pour venir rencontrer les patients pendant leur hospitalisation chez eux, qu'un accueil se fera au CMP dès la sortie du patient, avec un relais de bonne qualité dans les prises en charge.

- D'autres patients encore ont été orientés vers les autres CAC d'Esquirol, un par mois en moyenne (ce qui laisse songeur quand on pense aux 229 admissions effectuées au CAC en 2001...)

- Et a contrario, j'ai en tête au moins un exemple de patient qui nous avait été adressé par son psychiatre pour une hospitalisation sur Matisse, en voulant court-circuiter le CMP, et qui n'a finalement pas été hospitalisé, malgré des idées de suicide rapportées en entretien. Il lui a été proposé de venir tous les jours au CMP pour des entretiens et la prise du traitement. Je pense donc qu'en intensifiant le travail ambulatoire, on peut dans la plupart des cas réduire considérablement les indications d'hospitalisation de crise. Et quand elles doivent malgré tout se faire, pourquoi pas sur l'intra, avec une présence dès l'admission de l'équipe du CMP ?

Pour conclure, je voulais dire notre difficulté à faire un bilan objectif de l'année écoulée. En effet, quels critères utiliser ?
- Les statistiques de l'activité ? elles montrent une progression de la file active, une forte augmentation des soins en CMP, tant des consultations médicales que des actes infirmiers.
- La satisfaction des patients ? un questionnaire est sur le point d'être diffusé auprès des personnes fréquentant le CMP pour connaître en particulier leur point de vue sur les modifications récentes de fonctionnement. Je pense qu'il serait fondamental de pouvoir cerner davantage les conséquences de la fermeture du CAC sur la morbidité de la population de notre secteur. Il n'y a pas eu en tout cas d'évènement dramatique comme on pouvait le redouter initialement (Passages à l'acte suicidaires en particulier).
En fait la subjectivité de chacun continue à occuper le devant de la scène quand on évoque cet épisode de l'histoire du secteur ; certains soignants, et j'aimerais dire la plupart, dressent heureusement un bilan positif de la situation.


Mireille ESVAN