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Juste avant les révolutions arabes :

dans un congrès de psychiatrie interculturelle organisé à Marrakech en 2010 par la revue Psy Cause (Montfavet).

 

LETTRE OUVERTE À UN(E) JEUNE PSYCHIATRE MAGHRÉBIN(E)

sur les avatars de sa discipline au temps joyeux de la psychiatrie

mondialisée protocolisée /protocolonisée

 

 

            « Je suis fou. Comme je suis le seul à être fou, c’est que je dois avoir raison »,

dit le célèbre MOHA de Ben JELLOUN qui a compris avant l’heure les errements de l’extension infinie de la liste des dysfonctionnements et supposés désordres psychiques du DSM, aujourd’hui 307, demain près de 400 sur un échiquier à 1000 cases restant à remplir coûte que coûte, obsessionnellement...

 

            Ma fille, mon fils, sois bienvenu(e) dans ce monde de fous où bien des joies t’attendent, et où LA RAISON DU PLUS FOU (ce beau livre de 1977 du pédopsychiatre et psychanalyste Tony LAINÉ, mon frère trop tôt disparu en 1992) n’a semble t-il plus vraiment cours.

            A l‘heure où, avec son DSM et son EBM (évidence-based medicine ou psychiatry) l’Amérique (et son zélé Canada) sans âme exporte tranquillement dans le monde entier qu’elle rêve HOMOGÈNE, standardisé, déterritorialisé, son credo classificatoire athéorique, ses troubles mentaux, ses désordres et dysfonctionnements psychiques, son diagnostic mondial unifié, sa dépression pour tous, hors de tout contexte culturel ou linguistique, hors de tout enracinement civilisationnel, provocant un glissement de la clinique du sujet vers celle des signes, on doit se poser la question du sens de cette opération de colonisation des consciences, mettre en doute son efficacité thérapeutique et poser en revanche la question de sa dimension IDÉOLOGIQUE, qui coule de source, comme naturellement, sans résistance…

            Peut-il vraiment exister une « internationale psychiatrique abstraite » décontextualisée, binaire non dialectique, à l’heure où nous traitons ICI de la clinique interculturelle ?

Dès 1974, Ivan ILLICH dans sa ‘Némésis médicale’ pose la question : « Vaut-il la peine de survivre dans un monde transformé en hôpital planétaire où la tache principale des ingénieurs de l’âme sera de fabriquer des hommes ADAPTÉS à cette condition ? »

 

            Tahar Ben JELLOUN a commencé sa vie littéraire par un doctorat de philosophie en psychiatrie sociale, en 1975 à Paris, après trois années d’observation dans le centre de médecine psychosomatique DÉJÉRINE, dirigé par le psychanalyste Léon CHERTOK, sur le sujet « Problèmes affectifs et sexuels des travailleurs nord-africains en France ».

Il désignait ainsi une forme de pathologie du transplanté à qui l’on nie toute singularité, et qui prendra valeur universelle.

Ce matériau expérimental lui permit d’écrire en 1977 : ‘La plus haute des solitudes’, dans laquelle il questionne sur ce qui rend fou, sur les mécanismes de l’aliénation sociale, de la désafférence affective, de la misère sexuelle chez des paysans maghrébins transplantés

brutalement de la Kabylie ou de Taroudant vers la France, pour y gagner leur vie et perdre leurs racines, comme ceux qui devinrent mineurs de fond dans le Pas-de-Calais, un univers trop brutalement différent, métaphore de l‘enfouissement.

Divers délires protecteurs se mettent alors en place chez cet homme devenu par expropriation UN HOMME SANS QUALITÉS (comme chez Musil) et sans ombre, un INVISIBLE à bas bruit de souffrance, à l’heure où commence à se manifester l’injonction « sois transparent »..

 

            En 1978, Ben JELLOUN préface l’ouvrage de Tony LAINÉ ‘La Mal Vie’, qui suit les pérégrinations de deux ouvriers maghrébins à Marseille, « une ville qui couve une violence

et une brutalité insoupçonnées » réduits à la peur et à ce silence qui rend fou par anomie.

Cet ouvrage précéda de peu le drame épique, ou la tragédie optimiste de : ‘Moha le fou, Moha le sage’.

Tu le sais mieux que moi, fille, fils, le fou dans la culture persane et maghrébine, le sage et considéré MEJDOUB tenait une place importante dans les mentalités, ce qui apparaît chez MOHA l’enfant narrateur sans père, mais non sans repères, fils d’Aïcha la prostituée, pour pointer avec une apparente candeur et une grande liberté de parole le mensonge et les masques, les discours faux, la rhétorique de la puissance, et de ce fait apparaître subversif aux yeux des pouvoirs politique et religieux.

Le libre MEJDOUB semble propre à la culture marocaine, fruit de l’œuvre d’Abderrahman al Mejdoub, poète iconoclaste et ascétique du XVIe siècle, qui a intéressé le soufisme par son culte du silence mystique qui apportait la sagesse d’HIER aux questions des hommes d’aujourd’hui. Pointeur des inégalités, de l’arbitraire, il fait figure de révolutionnaire avant l’heure, et connaît un regain d’actualité à chaque période de crise de société.

Saint homme, sage ou fou ? Homme libre indiscutablement qui inscrit pour longtemps la prétendue folie de l’être dans l’ambivalence sociale même.

Votre mejdoub illustre bien notre hypothèse en France que :

            « La folie n’est concevable qu’IRREDUCTIBLEMENT liée à la condition humaine » (Charte du Collectif français de l’Appel des 39 acteurs en psychiatrie contre La Nuit Sécuritaire). Pas de société, pas de folie… au risque d’un profond « Malaise dans la culture ».

 

            MOHA, qui est peut-être inspiré des facéties universelles du faux idiot Nasr Eddin Hodja (ce Goha le simple qui sera joué par Omar Sharif) tient lui aussi une parole sans préjugés, au premier degré, sans médiation névrotique, dans une forme de panthéisme païen rural, atomiste, riche en métaphores culturelles et poétiques, profondément intégré à la culture, aux arbres, à la terre, aux rêves, à la manière d’un Démocrite.

La tolérance culturelle et sociale est encore grande en 1978, et sa folie est admise, implicitement protégée, elle n’apparaît pas dangereuse comme en France aujourd’hui, qui entretient la hantise du schizophrène à enfermer impérativement pour protéger la

population de ses fantasmes entretenus, bouc émissaire de la crise.

MOHA est un passeur :

            « J’ai honte, oui, moi MOHA, fils d’Aïcha et de la Révolution, fils de la chamelle égarée dans le désert, descendant de l’araignée noire vénéneuse, voisin de l’herbe amère et du ciel trouble, fils de la pierre et de la terre glaise, moi le fou, moi le PAUVRE, je suis nu devant les hommes et devant l’époque, face à la mer, face au feu qui vous menace, moi le sage, l’homme perdu, l’homme possédé par les djinns mais qu’on n’ose pas enfermer parce que j’ai des liens secrets avec tous les magiciens de l’Inde et des pays enfouis sous les terres, moi j’ai honte et je ne sais plus quoi faire que de me déshabiller… »

 

            Un triste folklore colonial s’est créé en France sur ces images du populaire maboul, francisation paresseuse du mahboul. Le Maboul est le titre d’un recueil de nouvelles de Fouad LAROUI en 2001, dans la veine de Ben JELLOUN, où il évoque les « doux dingues » exilés de l’intérieur qui sont si nécessaires au bon fonctionnement symbolique de tout ordre social un peu démocratique…

            Le majnoun issu de la geste passionnelle légendaire de ‘Qays et Layla’, au VIIe siècle, dans la tradition du Cantique des cantiques ou des Mille et une nuits, si populaire dans tout l’univers arabo-persan, cet amour fou qu’on retrouvera dans toute la poésie galante médiévale européenne de Roméo et Juliette… au Fou d’Elsa, ou à cet AIMER À PERDRE LA RAISON d’Aragon, si bien chanté par le regretté Jean Ferrat, ces éternels fous d’amour.

(Où les place-t-on dans les grilles des troubles du DSM ?)

            L’âme ne t‘as pas quittée ô nuit, malgré les ténèbres

            Dont tu l’environnes mais c’est LAYLA qui te rend plus brève

            Ou plutôt, c’est toi qui n’arrives pas à mériter la faveur

            De l’étreindre plus longtemps,

dit Majnoun l’aveugle, que SHAKESPEARE reprendra avec force dans son célèbre Sonnet 43 :

            C’est quand mes yeux sont clos qu’ils voient le mieux

            Car tout le jour, ils ne voient rien qui vaille,

            Tout jour est ma nuit tant que je vois

            Toute nuit le jour le plus clair quand je rêve.

Et puis nous avons l’incorporation des Djounoun, ces esprits de l‘eau qui ont précédé la création de l’homme « créés de la flamme du feu sans fumée » selon la très belle métaphore exprimée dans le verset 15 de la Sourate 55 du Coran, ce djinn qui fascinera toute la

littérature européenne avec Victor Hugo.

Le Coran développe dans plusieurs sourates et hahadith du Prophète la nécessité de protéger avec miséricorde les « simples d’esprit » et les fous. Cette approche spirituelle et compassionnelle préfigure sans doute les premières psychothérapies modernes.

Tous ces apports témoignent de la singularité du regard sur la folie en terre berbéro-arabe, cette parole qui ne peut tarir, TRADITION MAGHRÉBINE ORALE MÊME selon Ben JELLOUN, la vérité lyrique que résiste et survit à un Moha martyrisé :

« Allez donc arrêter le vent sur les sables »… conclut Ben JELLOUN…

            Mais le monde a changé, et le fou a progressivement cessé d’être une figure nécessaire au fonctionnement métaphorique de toute société traditionnelle, celui qui peut dire tout haut ce que beaucoup ne peuvent que taire. La standardisation mondiale des modèles comportementaux accélérée par l’exode rural, la télévision par parabole, une certaine radicalisation religieuse, l’urbanisation, l’émigration économique, le tourisme de masse et son modèle ‘bezness’, ont progressivement marginalisé le fou, l’ont stigmatisé, mis à l’écart ou neuroleptisé, condamné au silence des cauchemars, mais également à l‘effacement du surmoi social.

Sa parole MANQUE désormais. L’esprit parle moins au corps.

Nous sommes bien dans le thème du congrès : la clinique interculturelle.

           

            « Tu vois, MOHA, avec nos souvenirs, on peut encore vivre un siècle et des poussières… Nous avons une réserve de rire qui peut nourrir toute une génération de fous. Mais aujourd’hui, les gens ne sont plus fous. ILS SONT MALADES »… et il ajoute : 

            « avant, avant les français, il n’y avait pas d’asiles »,

ce qui est inexact ne serait-ce qu’à Marrakech où fonctionnait dès le XIIe siècle le célèbre moristan Sidi Ishak sur le plan de ceux de Damas et Bagdad (VIIIe) accueillant avec faste des « faibles d’esprit », dont s’inspireront les hôpitaux psychiatriques d’Occident.

Dans un cadre architectural souvent princier apaisant et harmonieux, autour d’une fontaine, dans la cité. Déjà y était pratiquée une forme d’anamnèse relationnelle complète du patient, prélude à une approche qu’on pourrait désigner « psychosomatique », à base de nourriture raffinée, d’ergothérapie, de massages et de musicothérapie. L’ordre religieux français de saint-Jean-de-dieu importera cette pratique en France en 1601 à Senlis, et surtout à l’asile de Charenton en 1641.

            Mais, un nouveau paradigme médical a envahi le monde, fondé sur le modèle WASP (white anglo saxon protestant), véhiculant une idéologie technoscientiste spécifiquement occidentale, censée faciliter l’apprentissage de leur discipline à l’échelle planétaire.

Le WASP est formaté par son milieu pour être fier d’être positif/optimiste/pragmatique sans émotion apparente, contrôlant ses affects, entrepreneur de lui-même, performant et efficace, donc évaluable.

Noam CHOMSKY évoque cette idée dangereuse d’une « SCIENCE MÂLE BLANCHE » enfant du néolibéralisme sans complexe, sûr de lui et dominateur.

Ce paradigme s’appuie sur le mouvement positiviste français, sur une nouvelle rationalité à prétention scientifique issue de la méthode expérimentale, sur une idée de supériorité de la civilisation européenne, sur un racialisme « naturel » et par conséquent sur des pratiques de domination théoriques et méthodologiques qui s’expriment par le DSM, les TCC et l’EBM, leurs blasons mondiaux.

 

            Aujourd’hui, toute la médecine occidentale s’appuie sur des batteries de protocoles, de référentiels experts, de guides de bonne pratique et conduite, de statistiques, de moyennes, de preuves soi-disant scientifiques, de questionnaires informatisés d’évaluation benchmarking des performances sanitaires et sociales qui effacent le transfert, l’inconscient et sa clinique, au profit d’une pratique standardisée qui transforme le sujet en client porteur de symptômes dans un groupe homogène de malades.

Le début caricatural de ce mouvement sera présenté par l’École française de psychiatrie d’Alger et son « illustre » professeur Antoine POROT, capable de diffuser des thèses ahurissantes de sottise, de racisme et de suffisance théorique.

En 1918, dans ses NOTES DE PSYCHIATRIE MUSULMANE (que tout jeune psychiatre arabe doit absolument analyser pour comprendre à quoi il a échappé) cette préfiguration du néocolonialisme idéologique de la bible DSM, POROT –en vrai délirant scientiste déjà

comportementaliste - pouvait définir l’indigène sans rencontrer la contradiction dans l’université, comme étant :

            « Hâbleur, menteur, voleur et fainéant, le nord-africain musulman se définit comme un débile hystérique, sujet de surcroît à des impulsions homicides imprévisibles. Il fait partie des races destinées à s’éteindre, car il n’a pas de cortex, ou pour être plus précis, il

est DOMINÉ, comme les invertébrés inférieurs, par l’activité du diencéphale »…

            Nous avons affaire à Alger avec un bel avatar de ce que le grand intellectuel palestinien Edward SAïD appellera dans son essai de 1978 qui ouvrira aux Études postcoloniales, l’ORIENTALISME, ou comment l’Europe occidentale s’est fabriqué une idéologie d’un orient fantasmé, à haute valeur sexuelle ajoutée, de kitsch et de pacotille, de harems, d’eunuques et de moucharabiehs afin par opposition, d’inventer un Occident SUPÉRIEUR, où la raison et la science l’emporteraient sur la nature et l’instinct, justifiant une colonisation apportant la seule vraie civilisation.

Cette position n’était pas isolée, car POROT a formé une génération à son image fasciste, contemporaine des théories de Mussolini et de l’exposition coloniale de Paris de 1931, avec son zoo humain (et tout de même sa contre exposition anti-impérialiste soutenue par des poètes comme Aragon, Breton et Char), quand l’ambiance métropolitaine adhérait à ces thèses.

            Il est piquant de constater qu’un demi siècle auparavant, le médecin allemand Carl STARK, au lendemain des « horreurs de la Commune de Paris », publie « De la dégénérescence physique de la nation française, son caractère pathologique, ses symptômes et ses causes », dans lequel il incrimine « l’orgueil et la présomption innée de la nation française, le cerveau au poids inférieur et organisé d’une manière spéciale des français »…

            Ce bon POIROT déroulera cette vision en direction de ses dominés algériens.

 

La psychiatrie coloniale aura encore de beaux jours en Afrique Noire et en Indochine.

(Rappelons qu’à l’Indépendance en 1962, l’Algérie ne comptait pas un seul psychiatre algérien…). Il faudra l’arrivée du psychiatre martiniquais Frantz FANON en 1953 à l’hôpital de Blida ouvert en 1938, qui porte aujourd’hui son nom, pour être le premier à s’élever violemment contre cette imposture scientiste fondée sur des présupposés ethnologiques ou bioneurologiques. Elle compte parmi les éléments de la domination idéologique permettant de comprendre le soulèvement de 1954, que FANON rejoindra corps et âme.

Son travail théorique consistera en 1952 dans ‘Peau noire, masques blancs’, à analyser le mécanisme de la soumission quasi génétique et intériorisée à cet héritage psychologique de la colonisation, aux séquelles comportementales encore nombreuses.

Il sera celui qui dégagera cette psychiatrie de sa gangue idéologique racialiste, l’extirpant du ridicule « primitivisme » en lui rendant des racines, une langue et un cortex : le paradigme moderne en quelque sorte de ce qu’on nomme chez nous l’approche biomédicosociale.

            En Afrique Noire, ce sera l’oeuvre de Cheikh Anta DIOP que j’ai eu le bonheur de rencontrer, qui établira scientifiquement l’Antériorité des civilisations nègres face aux tentatives d’effacement qui dureront jusqu’au grotesque discours sarkozyen de Dakar, dernier avatar du poirotisme...

 

            Il est à noter, que comme SAïD, FANON mourra de leucémie dans un hôpital américain, et à s’interroger sur ce prix du sang surpayé par une prolifération de globules blancs chez ces pionniers en lutte contre une domination… blanche…

 

            Cette psychiatrie encore dite musulmane aura modelé un imaginaire français postcolonial de la race et de l’indigène toujours impensé aujourd’hui, malgré l’oeuvre de DERRIDA, qui doit être étudiée comme un des éléments de nos increvables relents anti-arabes.

Nous n’en avons pourtant pas fini avec ces nosographies psychiatriques ascientifiques dans la mesure où je considère que le DSM s’appuie sur les mêmes présupposés scientistes, et revient par la fenêtre imposer un modèle méthodologique puisant ses origines chez les anti Lumières.

            En renaturalisant l’homme, en franchissant la barrière entre névrose et perversion, qui est une transgression majeure, en remplaçant l’éthique par la morale, la contre révolution du DSM et des TCC peut mettre un terme à la révolution ontologique cartésienne fondatrice de la disjonction entre savoir et vérité, entre pensée et factuel, qui avait ouvert la porte de la modernité, ce que théorise l’idée foucaldienne de la rupture épistémologique par le changement opératoire de paradigme qu’il provoque, quittant les rivages de la vie, pour la pulsion de mort de la gestion de l’humain par l’humain, nouvelle version de l’exploitation capitaliste.

Une recolonisation donc, imposant des normes et des méthodes inadaptées, bien que supposées universelles : et les psychiatres du monde entier devront appliquer des grilles de lecture des symptômes tout à fait rocambolesques et incongrues qui psychiatrisent des

conduites sociales considérées déviantes.

Le DSM abolit la Pensée relativiste 294 de Pascal : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Il faudrait demander à Karima LAZALI si le mythe si riche de l’enfant endormi, ‘el ragued’ serait aujourd’hui classé en psychopathologie ?

Pauvre MOHA…

 

            En rappelant pour terminer que cette méthode DSM est née en 1952 du désir de psychiatres militaires américains embourbés dans la guerre de Corée d’évaluer l’état de résilience des recrues, des soldats blessés et traumatisés avant de les renvoyer à la boucherie.

Ils créèrent des grilles et des questionnaires d’évaluation.

La boucle commençait.

Le DSM vit le jour à l’ombre du l’US ARMY, hors de toute théorie. Il est devenu une machine à fabriquer de plus en plus de maladies… pour le plus grand profit des laboratoires.

Mon cher Moha, es-tu culturellement ou ontologiquement concerné par les 307 désordres universels que constituent ces écarts aux normes sociales WASP, ces comportements mauvais, ces inconforts passagers de ta vie et de ta croissance vers l’âge adulte, numérotés comme des PRODUITS DANS UN CATALOGUE :

            Le trouble de défiance oppositionnelle avec provocation,

            La violation répétée des règles,

            La destruction de propriété,

            La tromperie,

            La timidité devenue phobie sociale,

            Le frotteurisme sexuel, le rongement d’ongles ou onychophagie,

            Les désordres du réveil nocturne,

            Es-tu l’enfant qui se met en colère plus de trois fois par semaine, qui doit devenir passif obéissant, cible principale de cette nouvelle hygiène délirante de redressement à la RITALINE… et de conformisme aux normes calvinistes de la rééducation, où les désordres deviennent l’équivalent infantilisant des péchés.

A chacun de tes désordres, Moha, le DSM te donnera la bonne molécule scientifiquement prouvée.

            MAIS OU DONC SONT PASSÉS LE SUJET, SA CLINIQUE, L’EMPATHIE, LA THÉORIE

PSYCHIATRIQUE DANS CETTE SANTÉMENTALISATION RÉGRESSIVE MONDIALE ?

 

            Et qui se souvient que PINEL, fondateur en 1801 à Bicêtre de la clinique moderne, dans son Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale et la manie, citait comme modèle de prise en charge globale sur la base de l’ergothérapie et de la musique, l’hôpital de Saragosse, ancien moristan de l’époque Almoravide andalouse ?

                                              

                                               Jean-Jacques LOTTIN. Directeur d’études de santé publique.

                                               L'Isle-sur-la-Sorgue. Vaucluse.