Argumentaire
Aujourd'hui le stylo a été remplacé par la souris, la feuille par l'écran. On peut même écrire aux autres avec son téléphone portable. Pourtant malgré l'apparition des nouvelles technologies de communication les mots sont toujours nos principaux outils de transmission, les garants de notre mémoire.
Mais ces signes que l'on laisse sont-ils de l'écriture ? Quelles propriétés devraient-ils posséder pour être du registre de l'écriture et non de la trace ? Autrement dit à quelles conditions l'écriture peut-elle être un instrument de communication ?
Selon Searle, l'énonciation d'une proposition par un agent A, résulte de l'intention de la produire. La comprendre pour l'agent B, c'est interpréter l'intention sous-entendue dans le contexte où elle est produite. Dans le domaine de l'écrit, la rédaction d'un document résulte de l'intention de faire passer un message au lecteur ou de lui faire faire une action.
Qu'il s'agisse de repérer dans quel champ et avec quelle farine a été nourrie une vache, de quelle façon a été soignée une personne, à quoi nous renvoie la notion de traçabilité ? Doit-on limiter l'écriture à la trace ou à sa dimension locutoire (réduite au simple fait de prendre un crayon, un stylo ou un clavier pour écrire) comme nous le suggérerait une certaine forme d'accréditation ? Doit-on se borner à produire de l'archive " au cas où " ? Une telle écriture impliquerait la fin de toute clinique.
Faut-il sous prétexte que l'écrit peut être trace, preuve d'un dysfonctionnement mais également mise en travail de ce dysfonctionnement, renoncer à toute écriture ? On écrirait alors pour dégager sa responsabilité, pour ne pas avoir à répondre de, pour que nos actes ne puissent nous être imputables. Qu'on le veuille ou non, soigner c'est s'engager, et soigner c'est écrire, donc lire.
Et d'inviter nos accréditateurs à méditer ce que disait Lacan dans le séminaire sur L'identification : " Qu'est-ce qu'il y a de plus détruit, de plus effacé qu'un objet si c'est de l'objet que le trait surgit, (si c'est) quelque chose de l'objet que le trait retient, justement dans son unicité ? ... Il y a un moment où quelque chose est là déjà pour être lu, lu avec du langage quand il n'y a pas d'écriture encore. "