Thérapeutique
Evaluation quantitative
Chaque infirmier et kiné référent d’activité a relu ses notes, aligné ses petits bâtons, sorti sa calculette, fait retour sur ses objectifs et évalué la pertinence de l’activité qu’il anime. Très vite, nous nous rendons compte que nos objectifs ont été atteints au delà de nos espérances. Jugez-en
Chaque patient a bénéficié d’un entretien d’accueil infirmier, effectué à distance de l’entretien médical. A ces entretiens initiaux en ont succédé d’autres inscrits dans la démarche de soins qui portaient entre autres sur le travail de deuil, sur la perturbation de l’estime de soi, de l’image du corps ou de l’identité personnelle. De nombreux entretiens familiaux ont été organisés. D’une année sur l’autre l’augmentation a été de 77 %. Le nombre de patients bénéficiant d’une activité proposée par des infirmiers a été multiplié par 7. Les injections effectuées sous contrainte ont baissé de 50 %.
Le bilan n’est donc pas mince.
Et pourtant lorsque nous nous penchons sur les chiffres relatifs aux mouvements des patients, que voyons-nous
Rien ou si peu de choses.
Pour une unité de seize lits, nous avons eu 319 entrées en 99, treize de plus qu’en 98. Chaque lit a donc été occupé vingt fois au lieu de 19. Il y a eu 323 sorties, soit 19 de plus qu’en 98. Une entrée et une sortie toutes les 28 heures en 98 contre une toutes les 27 heures en 99. La durée moyenne de séjour a baissé d’un jour, de 16 en 1998 à 15 en 1999.
Tout cela pour si peu de résultat comptable.
Avec Geneviève, le cadre de l’unité, nous nous interrogeons. Nous savons bien que nous sommes là à une échelle qui atténue les écarts. Nous savons également que la rapidité des sorties n’est absolument pas un critère de qualité des soins, bien au contraire.
Pouvons-nous, cependant, être sûr que cette augmentation du nombre d’entretiens, d’activités proposées, de démarche de soins pensées et évaluées a produit un effet thérapeutique sur les patients Et si oui lequel
Nous savons que les patients apprécient ces changements. Nombreux sont ceux qui notent la différence. Ils évoquent l’atmosphère de l’unité, la liberté qui y règne. Certains demandent spécifiquement à y être hospitalisés. Ainsi, Véronique préfère-t-elle passer la nuit chez sa sœur à Sisteron en attendant qu’un lit se libère à Provence plutôt que d’être hospitalisée dans l’unité voisine. Les familles de patients reconnaissent la qualité du lien avec l’équipe. Les patients hospitalisés sous contrainte acceptent plus facilement l’hospitalisation en cas de rechute, voire même la demandent en hospitalisation libre. Des patients que nous pouvions considérer comme chroniques sont sortis. Mais rien de tout cela n’est comptabilisé. Nous sommes trop petits pour avoir un DIM. Il faudrait que nous posions les diagnostics d’une façon beaucoup plus fine, que nous suivions chaque patient, que nous mesurions les taux de rechute et de réhospitalisation, que nous considérions certaines comme logiques et d’autres comme pathologiques.
L’absence de chambre d’isolement, l’ouverture des portes de l’unité suffisent à expliquer la brièveté des séjours et à rendre compte de la qualité de l’alliance thérapeutique. En évitant de déshabiliter, de désadapter, de désinsérer, de désaffilier, de désocialiser les patients par l’enfermement et la prescription de neuroleptiques à la louche nous perdons moins de temps à les réhabiliter, les réinsérer, les réadapter, les resocialiser, les réaffilier.
Quel est l’effet produit par ces entretiens et par ces activités régulières
Il serait possible de l’évaluer d’une façon plus fine en prenant une activité et en l’étudiant de plus près. C’est ce que je vous propose de faire à partir de l’activité “Provence en poésie ” qui a fonctionné dans l’unité “Provence" pendant six mois de février à septembre 1999.
Nombre de séances 25
Nombre de participants 28 patients différents (31 % des patients hospitalisés dans cette période), en tout 173 participations.
En moyenne, cinq participants par séance avec des pointes à douze.
Seize patients ont participé à moins de quatre séances (61 %) des participants et trois à huit séances et plus (10 %). Cela ne tient pas à un manque d’intérêt pour l’activité mais à l’importance du turn-over dans l’unité Provence. Quatre séances correspondent à un mois d’hospitalisation et huit à deux mois. Notons que parmi les trois patients les plus réguliers, l’un est hospitalisé au foyer de post-cure, un autre est en hôpital de jour, une autre est sortie, le groupe “Provence en Poésie ” a servi d’appui à la sortie. Pour d’autres patients, le début du groupe a coïncidé avec la fin de leur hospitalisation.
Evaluation qualitative
Ambiance
"Nous sommes partis de
“bohème ” Arthur Rimbaud.D’emblée Claire a voulu lire, Josette a enchaîné, et Alain a pris le relais. Quelle lecture, mes aïeux Alain, de l’école, il a surtout connu l’école buissonnière, les I.M.P.R.O. et autres voies de garage. Lui qui est gamin, qui parle avec des intonations de môme, lit comme un adulte, met les inflexions. Sa voix fait chanter le texte. Incroyable Un grand moment de découverte et de plaisir. C’est le même plan que les bègues.
Et de lire le texte à voix haute en fait percevoir la musique. C’est beau Le texte de Rimbaud fonctionne comme un détonateur. C’est comme si la beauté avait fait son apparition à Provence. “
Quelques histoires singulières
Le “roman
” de Mr. PernondConclusion
Nous ne conclurons surtout pas. Ce serait fermer la discussion, nous empêcher de penser ensemble. Lors de
l’atelier évaluation, nous avions fait le choix de ne présenter que la partie quantitative du texte afin de permettre au groupe de trouver ses propres critères d’évaluation.Dominique Friard