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Contribution Numéro 8

 

L’EVOLUTION DE LA PLACE DE PARENTS DANS LES STRUCTURES D’ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE

Joëlle SALLES, Pédiatre, médecin de circonscription /Geneviève DRUON, Assistante sociale en polyvalence de secteur / Muriel BONALUQUE, Puéricultrice de secteur PMI.  / CASS de Maisons-Alfort.

 

L’histoire de l’évolution des modes de garde s’intègre dans l’histoire sociale de la France, celle qui au début du XIXe siècle s’est préoccupée de prendre soin de la petite enfance. Elle s’inscrit aussi dans l’histoire de l’éducation et de l’enseignement que ce soit dans le secteur privé ou  public. Elle reflète ainsi les différentes façons de percevoir l’enfant dans une époque et dans une société.

Dans ces créations et cette évolution, différentes données entrent en jeu:

-          les religions, les courants philosophiques reflétant la perception de l’être humain et de l’enfant qui sont à la base des méthodes pédagogiques ;

-          les courants sociaux, dont la lutte contre la misère par l’éducation,

-          les événements historiques, comme les guerres à la suite desquelles on désire changer l’homme,

-          l’économie, comme avancée de l’industrialisation entraînant le travail de la femme à l’extérieur du foyer et une autre organisation de la famille,

-          les découvertes scientifiques, avec Pasteur en particulier,

-          aussi une autre connaissance de l’enfant par l’avancée dans le domaine de la psychologie.

 

Un regard historique et une reprise chronologique des éléments concernant la prise en charge de l’enfant nous servira de base pour établir des constats d’évolution à propos de la place des parents dans les structure « Petite Enfance ».

Pour connaître cette évolution dans les structures d’accueil de la petite enfance faut-il  énumérer les différentes types de moyens de garde existants  :

 

-          la crèche collective accueille des enfants de moins de trois ans, non scolarisés , de façon régulière. Ce type de garde est caractérisé par sa durée et correspond le plus souvent à une activité professionnelle des parents ou à une situation assimilée. La tendance est à l’assouplissement des conditions d’admission (activité professionnelle, bonne santé de l’enfant…) pour aller vers un droit de l’enfant à l’accueil.

-          la crèche familiale : désormais dénommée service d’accueil familial emploie des assistantes maternelles agréées qui accueillent à leur domicile de un à trois enfants, sous la direction d’une infirmière puéricultrice, d’un médecin ou d’un éducateur de jeunes enfants si la capacité d’accueil n’excède pas 40 enfants.

-          La crèche parentale, désormais appelée établissement à gestion parentale. Elle se caractérise d’une part par sa gestion associative dans laquelle les parents usagers sont majoritaires et d’autre part, par la participation de ces derniers à l’accueil des enfants d’une demi-journée par semaine ou par quinzaine.

-          La crèche d’entreprise : service de proximité qui se développe dans le monde du travail avec une gamme de prestations fournies de plus en plus étendue. Elle est pour les grandes entreprises un outil de fidélisation de leur personnel avec l’aménagement et  la réduction du temps de travail.

-          La halte garderie : un établissement d’accueil occasionnel qui correspond à un besoin des parents, temporaire et limité dans la durée. Il est le plus souvent collectif mais peut aussi être organisé chez une assistante maternelle employée par une crèche familiale. Concrètement la halte garderie reçoit à temps partiel ou de manière occasionnelle des enfants de moins de six ans.

-          Les établissements « multi-accueil » proposent à la fois un accueil régulier et un accueil occasionnel organisés au sein de la même structure. Ils peuvent être une offre de service pour les familles confrontées à des horaires de travail en un meilleur service atypique (tôt le matin, tard le soir, le week-end ou la nuit).

-          Le jardin d’enfants est une structure ouverte aux enfants d’âge préscolaire. Il accueille des enfants de trois à 6 ans encadrés par des éducatrices de jeunes enfants dont la formation est adaptée aux besoin des enfants de cet âge.

-          Les actions passerelles pour les 2 -3 ans : peu d’enfants ont fait l’expérience de la collectivité avant trois ans quand ils sont admis à l’école maternelle. Or la demande de socialisation est forte. Ces actions répondent aux besoins d’enfants de 2 ou 3 ans qui ne sont pas accueillis à l’école maternelle. Ces dispositifs peuvent prendre trois formes : des classes passerelles avec des modalités de fonctionnement spécifique à ce très jeune public, des lieux spécifiques proches des haltes garderies, une coopération continue entre les écoles et les lieux d’accueil des jeunes enfants formalisée dans les projets d’établissement.

 

Les trois intervenants qui ont effectué leurs missions en crèche collective départemental justifient ainsi leur choix.

1   EN ROUTE POUR LA CREATION D’UNE CRECHE…

 

A partir du XVIe coexistent deux « sentiments de l’enfance » :

-          celui des mères et des nourrices qui en tout temps aiment et soignent les petits,

-          celui des moralistes soucieux d’éducation qui se mobilisent à la fin du XVIIe.

 

Le parcours initiatique de la maternité construisait fortement l’identité féminine, identité individuelle et aussi collective. Les femmes apprécient la valeur des liens affectifs. Elles  découvrent aussi l’importance de ce qu’elles doivent transmettre, non seulement la vie et la santé du corps mais la base d’une culture, d’une langue maternelle, les croyances, les premiers savoirs, les codes moraux, les formes de sociabilité.

 

Au XVIIIe, dans le monde rural, la garde est familiale.

Dans le monde urbain, quand la mère ne peut garder l’enfant, il peut rester avec des voisins ou avec des enfants plus âgés que lui. Mais de plus en plus, il va être « placé ». Les enfants concernés, sont les enfants de commerçants où la femme tient boutique et les enfants d’ouvriers artisans.

Dans le milieu aisé, la femme confie son enfant à une nourrice ou « des gardeuses ». Quelquefois elle l’allaite si elle s’est laissée influencer par le courant de cette époque lancé par J.-J. Rousseau qui a fixé l’attention de ses contemporains sur l’importance du rôle de la mère dans l’éducation.

En préférant, pour l’enfant, la nature à la culture, l’affection à l’autorité, le bonheur au salut, c’est toute l’éducation que Rousseau engage dans une perspective plus maternelle que paternelle. Et certes, il valorise ainsi la fonction maternelle plus qu’elle ne l’avait jamais été. Bien des femmes ont sans doute trouvé là, avec joie, une reconnaissance de leur propre rôle, une réhabilitation de leur différence.

 

Dans les milieux modestes, les femmes apprécient de pouvoir pouponner à loisir, au lieu de trimer sous les ordres d’un mari.

La Révolution française a inauguré de profonds changements dans la famille, elle a limité la puissance paternelle et la puissance maritale, institué le mariage civil et le divorce. En déstabilisant l’ordre ancien, elle a aidé les femmes à prendre conscience de leur propre existence, mais aussi de leur responsabilité sociale.

 

2   LA CRECHE VOIT LE JOUR : AU XIXE SIECLE…

 

Ce sont de nombreuses oeuvres charitables qui s’occupent des enfants des familles pauvres comme « la société de charité maternelle », fondée à Paris sous les auspices de la Reine Marie-Antoinette. Elle a pour but d’aider les femmes ouvrières et enceintes.

Plus tard apparaissent dans l’ordre :

-          les salles d’asile qui accueillent les enfants de 2 à 6 ans. En France, c’est dans les salons de la bonne société parisienne que l’idée de créer des établissements d’accueil et d’éducation pour les très jeunes enfants mûrit lentement. Le but premier de ces salles d’asile est de libérer la mère de ses soucis familiaux pour qu’elle puisse aller travailler.

-           

Ensuite arrivent :

-           l’école primaire,

-           l’école professionnelle,

-           l’Ouvroir.

-           

Malgré toutes ces nouvelles structures, il n’en existe encore aucune pour l’enfant entre la naissance et deux ans.

 

En 1831, J.-M. Cochin crée la première salle d’asile modèle, pour une capacité de 1000 enfants.

Avec le conseil des Hospices, du Gouvernement et de la Charité publique, c’est l’adoption en tant qu’ « Utilité Publique » de l’œuvre des salles d’asile.

Cochin publie donc en 1833, le « manuel des salles d’asile » dont l’impact sera très important et ce, pendant longtemps. Il y donne des conseils pour suppléer aux soins, aux impressions, aux enseignements que chaque enfant devrait recevoir de l’exemple et des paroles de sa mère.

 

Ses objectifs sont :

-          avoir de l’influence sur la moralité de la population,

-          l’aisance des familles par la garde des enfants dont les parents travaillent,

-          libérer les pères et mères pour qu’ils puissent travailler sans dépendre de la charité publique,

-          de les rendre disponibles afin qu’ils cherchent du travail.

 

Puis en 1837, Madame Millet (mère du peintre), déléguée générale des salles d’asile de la Seine écrit dans la revue « l’ami de l’enfance » : « gardé avec soins, surveillé, instruit, heureux, un enfant apprend à connaître ses devoirs, contracte des habitudes pures et paisibles. A l’abri des dangers, de l’isolement et de funestes exemples, il se prépare à lutter contre les vagues tumultueuses de la vie »

 

En 1844, c’est un adjoint au Maire de Paris, M. Marbeau qui, après avoir constaté les difficultés qu’avaient les blanchisseuses de la ville à faire garder leurs enfants, propose un projet de «crèche ».

Le 14 novembre 1844, une crèche ouvrira ses portes à Chaillot. Marbeau formule ainsi les concepts des crèches « secourir à moindres frais, l’enfant, sa mère, sa famille, par le travail sans humiliation et moraliser en secourant ».

Les crèches connaissent un essor remarquable. Le succès passe très vite les frontières.

Les crèches sont tenues par des «berceuses », nos puéricultrices actuelles. Il faut un certificat d’aptitude et de moralité délivré par le maire de la commune pour pouvoir exercer.

 

Mais aucune réalisation ne peut se faire sans l’engagement d’hommes et de femmes que l’on appelle pédagogues qui ont pu poser des actes au nom de leurs convictions.

 

Les salles d’asiles créées l’ont été sous une inspiration sociale, très représentative des courants idéologiques de l’époque : l’éducation du peuple. Mais l’éducation qui s’y fait émane de l’éducation mutuelle, très rigide et militaire.

 

3        LA CRECHE SE DEFINIT PETIT A PETIT : AU XXE SIECLE…

 

L’amour maternel a perdu de son prestige au seuil du XXe siècle.

Des problèmes émergent du côté des travailleuses. Si la vie des paysannes ne se transforme guère, l’exode rural attire vers les villes des femmes de plus en plus nombreuses. Les unes travaillent sans sortir du cadre familial, les autres triment dans les manufactures et les usines.

Parmi les premières, certaines exercent un métier (couturière, modiste, corsetière, lingère, blanchisseuse, fleuriste…) qu’elles souhaitent transmettre à leurs filles, d’autres assistent leur mari, artisan ou petit commerçant.

 

Si le travail presse, ces laborieuses cherchent une nourrice dans le voisinage. Les plus pauvres laissent leur dernier-né aux soins d’une fille aînée qui n’a parfois que 7-8 ans, du moins peut-elle assurer une surveillance minimale. Leur travail même lourd ne choque personne.

Bien pire est la condition des mères ouvrières dans les villes manufacturières. Leur travail devient une nécessité pour le capitalisme conquérant qui veut mettre au service des nouvelles machines une main-d’œuvre docile, payée au minimum.

 

L’industrialisation produit, par groupes entiers, un nouveau type de mères qui travaillent hors de chez elles de douze à quatorze heures par jour et reviennent au logis exténuées, hagardes incapables d’assumer les tâches maternelles et ménagères les plus fondamentales, incapables de transmettre à leurs filles les moindres rudiments de la culture féminine traditionnelle.

 

En milieu populaire, les enfants de 2 à 6 ans sont souvent délaissés quand leur mère travaille ; au pire, ils jouent dans la rue, au mieux une garderie les héberge tant bien que mal, sans projet éducatif.

Choqués par cette négligence, des émules de J.-J. Rousseau et de C. Fourier ont inventé des lieux d’accueil et des programmes d’éducation.

 

Si les initiatives sont masculines, les dames bienfaitrices se sont mobilisées immédiatement, considérant que ces fondations étaient des « œuvres d’amour maternel ». L’approche de la petite enfance fut grâce à elles moins « scientifique » qu’empirique, peu asservie aux doctrines ; les soins du corps et les jeux ont trouvé place ; la pédagogie, toujours éclectique a tenu compte des innovations étrangères.

 

La surveillance exercée par les « dames patronnesses » est restée bénévole, mais bientôt de nouveaux métiers féminins sont nés.

 

La création et l’essor des crèches devaient permettre d’éduquer les mères autant que les enfants.

L’institution du congé de maternité signale une conversion importante des pouvoirs publics. L’idéal de la mère au foyer s’impose si fortement que les hauts responsables ont longtemps ignoré les mères travailleuses. La France s’aligne en 1928, un pas immense est franchi ; le droit au travail des femmes, même mères, se trouve définitivement consacré et l’Etat les prend sous sa protection.

 

Dans le sillage du congé de maternité s’est affirmé le droit aux soins.

 

La loi du 11 mars 1932 institue une véritable politique nationale de la famille, développée en 1939. La France a été pionnière mais parce que la dénatalité l’inquiétait depuis longtemps.

 

On commence donc à chercher des solutions pour permettre aux mères de travailler. Sur la base des conclusions du congrès de l’association internationale des femmes médecins, constat est fait : « il y a souffrance des mères et des enfants et ce n’est pas parce la mère exerce un métier, son travail au contraire lui ouvre l’esprit, lui procure des contacts, des ressources et des informations, mais c’est parce qu’elle subit de mauvaises conditions de travail, qu’elle n’est pas aidée, que rien n’est prévue pour accueillir véritablement ses enfants. »

 

Il faut donc « assurer » l’accueil des enfants. Ainsi est posée également la question de la qualification.

Alors, quelque part l’histoire des crèches est indissociable de l’histoire des auxiliaires et de leur formation. Ainsi, en 1945, un nouveau terme apparaît celui d’auxiliaire de puéricultrice avec la création d’un diplôme, qui s’applique aux personnes qui aident la puéricultrice.

 

C’est en 1947, qu’est créé le diplôme d’auxiliaire de puériculture. Souvent les écoles sont fondées dans le cadre des pouponnières, l’auxiliaire ne travaille donc qu’en milieu dit hospitalier et reste une « aide ».

Le pouvoir médical sévit alors.

 

La crèche est donc une garderie « médicale », on y lutte contre les maladies et la mort. Le personnel est essentiellement composé d’aides soignantes sans diplômes appelées « berceuses » et jugées sur leur rapidité et leur propreté. L’hygiène et la protection de l’enfant contre les risques de maladie sont les préoccupations dominantes du personnel, l’enfant est un objet, qui doit passer systématiquement à la cuillère à trois mois et est attaché sur le pot à huit mois. Les horaires sont stricts, et un enfant qui pleure « se fait les poumons ». Les parents sont exclus, déposent leurs enfants déshabillés au guichet et la connaissance de l’enfant dans son milieu familial est inexistante, ce qui nourrit la rivalité et la culpabilité de la famille.

 

Les travaux d’Irène Lézine en 1950, en France, montraient un net désavantage sur le plan du développement verbal chez les enfants fréquentant une crèche en comparaison de ceux éduqués dans leur famille. Ces travaux ont probablement contribué à l’amélioration des conditions d’accueil.

 

Il faudra attendre le courant contestataire de mai 68 pour qu’un réel constat soit fait de la pauvreté affective du milieu insuffisamment stimulant qu’est la crèche et de l’exclusion totale des parents, au nom d’un savoir sur l’enfant qui donnait un pouvoir au personnel.

 

4        EN  1973, UNE AUTRE ERE POUR LA CRECHE

 

A cette époque est publié l’ouvrage de M.David et de G.Appel « Locszy ou le maternage insolite », rendant compte des travaux de réflexions effectués par E.Pikler, médecin hongrois, à l’orphelinat rue de Loczy à Budapest.

Dans cet établissement, l’accent est mis sur la relation entre l’adulte et les enfants et l’on insiste sur la valeur d’une relation affective privilégiée et l’importance de la forme particulière qu’il convient de lui donner dans un cadre institutionnel : « la nécessité d’une relation affective privilégiée et continue avec un adulte permanent nécessite une grande constance dans les attitudes éducatives et un engagement du personnel dans  une relation réelle mais consciemment contrôlée, dans laquelle l’adulte ne fait pas peser sur l’enfant sa propre affectivité et ses attentes personnelles ». Même si cette institution ne prend en charge que des enfants orphelins ou abandonnés, l’idée d’une autre relation entre adulte et enfant émerge

 

Les répercussions de cet ouvrage dans le domaine de la petite enfance, sont considérables en France et en particulier dans le département du Val de Marne. En crèche, quelques directrices et psychologues lancent des expériences portant sur une meilleure connaissance du développement affectif et intellectuel au cours de la première enfance et les facteurs susceptibles de le perturber.

Ces expériences sont favorables à l’introduction des parents et la communication entre parents et auxiliaires, l’établissement « d’une feuille de rythme » s’effectue pour respecter la liberté de rythme de chaque enfant et assurer une transmission de la journée aux parents ainsi que la mise sur le tapis des bébés avec des jouets… Ainsi le travail de la jardinière d’enfants puis en 1973 celui de l’éducateur de jeunes enfants œuvre également à l’ouverture de la crèche sur le bien-être de l’enfant, et à la notion d’activité et de jeux qui est introduite pour les plus grands.

 

En 1985, avec la réflexion menée dans les crèches et l’influence grandissante des travaux de Loczy apparaît la notion de suivi : auparavant les auxiliaires gardaient toujours la même section (petits, moyens, grands) et changeaient de groupe d’enfants tous les ans. Les enfants devaient s’adapter à de nouvelles personnes à chaque fois et les auxiliaires pouvaient perdre l’intérêt pour leur travail. Avec le suivi, les auxiliaires changent de section avec les enfants, les voient grandir. Aujourd’hui, le suivi est appliqué dans la plupart des crèches du département.

 

Apparaissent également les projets pédagogiques, pour des crèches désormais considérées comme des « lieux de vie ayant des fonctions éducatives tant au niveau pédagogique, diététique que médical ». L’objectif de ces projets étant de guider « l’enfant vers son autonomie, lui permettre d’exploiter au maximum sa créativité et l’aider à acquérir son individualité. C’est à dire se structurer par rapport à ses désirs et à ses privations » .

Il devient dès lors nécessaire de réfléchir à la formation des intervenants en crèche et indispensable de chasser des esprits que pour s’occuper des enfants des autres, il suffit d’être « une bonne mère de famille ». 

 

De nos jours, certaines crèches décident d’assouplir la notion de référence en dehors de la période d’adaptation.

Rapidement, l’enfant est habitué à ce qu’une autre personne s’occupe de lui, cela évite que l’enfant ne soit trop perdu le jour où sa référente est absente… et que la référente ne s’approprie trop les enfants dont elle a la charge. Il arrive en effet, que des auxiliaires parlent de « leurs enfants » et supportent mal qu’une autre personne s’en occupe.

 La professionnalisation de ce métier a apporté un véritable statut qui ne peut être confondue avec celui de la mère.

 

5- UNE NOUVELLE REFORME POUR LA CRECHE

 

Les anciens textes s’appuyaient simplement sur la garde de l’enfant en bonne santé pendant le travail de la mère en crèche. Dorénavant, il est dit que l’ensemble des établissements et services d’accueil veillent «  à la santé, à la sécurité et au bien-être des enfants qui leur sont confiés ainsi qu’à leur développement. Ils concourent à l’intégration sociale de ceux des enfants ayant un handicap ou atteints d’une maladie chronique. Ils apportent une aide aux parents afin qu’ils puissent concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. »

Un projet d’établissement doit obligatoirement être élaboré, il est chargé de définir les compétences et la formation du personnel, ainsi que la place des familles.

En septembre 2002, dans le guide du département  du Val de Marne : « la crèche un monde à découvrir », la place des parents est précisée : ils sont  considérés comme « des partenaires irremplaçables ».

 

Il est vrai que de plus en plus une véritable collaboration s’installe en crèche en passant par un véritable dialogue entre les intervenants, un échange d’informations dont le centre d’intérêt est l’enfant et son mieux être.

Les parents sont de plus en plus sollicités, selon différentes manières:

Ø      Ils sont invités pendant une période dite d’adaptation à transmettre des informations  portant sur les rythmes de leur enfant, ses habitudes, les rites déjà établis  à l’endormissement par exemple, ses goûts, ses préférences… le doudou est autorisé à voyager entre la maison et la crèche…les lundis ou les retours de vacances sont considérés comme des moments  difficiles pour les enfants car il est dorénavant reconnu une qualité à la vie des enfants à l’extérieur de la crèche donc en famille ; ainsi le retour en collectivité  n’est pas si simple et les professionnels doivent tisser autour de l’enfant une trame subtile faite de cohérence , de continuité et de respect de son histoire car un enfant ne peut grandir harmonieusement que si les adultes qui  s’occupent de lui, se parlent et n’entrent pas dans des conflits de légitimité. Les parents sont, enfin, considérés comme étant les personnes qui connaissent le mieux leur enfant ainsi ils peuvent répondre aux questions que le personnel de la crèche se pose à leur encontre.

Ø      Durant l’année, il est proposé aux parents de venir partager des moments de fête: Noël, mardi-gras, anniversaires, kermesses… mais aussi des activités plus quotidiennes ou des sorties à l ‘extérieur.

Ø      Au cours de réunions avec les parents organisées plusieurs fois dans l’année par l’équipe, les échanges autour de l’alimentation, du sommeil, de la propreté, de l’agressivité… permettent de faire connaissance avec d’autres parents, de sympathiser parfois et contribuent à mieux les insérer au sein de la collectivité. À travers les questions sur l’activité de leur enfant à la crèche, les  parents interrogent sur le contenu de l’éducation qu’ils peuvent lui délivrer.

Ø      En faisant partie du conseil des parents,  il est possible d’échanger à un niveau différent, avec un élu en charge de la petite enfance, avec le médecin PMI du groupement, avec d’autres parents élus d’autres crèches du groupement sur des thèmes plus généraux. Ce conseil a pour vocation de favoriser l’information et le dialogue entre parents, professionnels, élus locaux, et  responsables de la petite enfance.

 

EN CONCLUSION :

 

Une première conclusion s’impose :

-          les femmes n’enfantent que quand la collectivité les aide à accueillir et à élever leurs enfants. Ceux-ci doivent être désirés non pas seulement par celle qui les met au monde, ni même par un couple, mais par une collectivité solidaire.

-           

-          La maternité ne relève pas seulement de la vie privée, elle n’exprime pas seulement un désir féminin, ni l’amour d’un couple, elle répond à un besoin social primordial : le renouvellement des générations, la survie du groupe. Les pouvoirs publics restant neutres croient respecter la liberté des femmes ; en réalité ils la piègent. Car celle qui cède à son désir d’enfant se trouve bientôt confrontée à des tâches et des responsabilités d’autant plus écrasantes qu’elles s’ajoutent désormais à des activités dissociées de la vie familiale.

-           

Encourager les femmes à avoir des enfants pour ensuite les traiter comme si elles n’en avaient pas,  n’est pas du coté de la « bientraitance ».

 

Aussi les pouvoirs publics et privés s’impliquent de plus en plus dans les responsabilités éducatives.

Les attentes des parents et celles des intervenants pourraient, alors se retrouver dans le fait que 

 

-          les lieux d’accueil doivent répondre à une demande sociale ;

-          des lieux qui doivent concrétiser la reconnaissance sociale des besoins de la petite enfance et des droits fondamentaux des enfants ;

-          de la part des parents, il y a transfert de la fonction de socialisation de la famille vers une institution collective ; ils veulent offrir à l’enfant une expérience de vie sociale hors de la sphère familiale ;

-          les lieux d’accueil vont offrir à l’enfant un complément à l’éducation parentale ;

-          répondre à des attentes de socialisation de la part des parents. L’enfant va sortir du milieu familial et va pouvoir échanger avec d’autres enfants, il va recevoir un encadrement différent. Il va acquérir un certain nombre de compétences sociales qualitativement différentes dans les deux contextes : la famille et la structure d’accueil. .

-           

Dans l’idéal, cela reviendrait à penser que le système de socialisation propose une manière de penser, d’agir, de sentir et permet de relier les individus les uns aux autres et de les intégrer dans une société.

Actuellement une des fonctions de socialisation dans les institutions de la petite enfance serait d’accorder une place aux parents dans la prise en charge de leur enfant, de connaître leurs attentes.

 

Il s’agit d’une des fonctions de socialisation des lieux d’accueil selon la définition sociologique de la socialisation qui désigne « l’action formatrice d’une société sur les jeunes générations pour les insérer dans une culture. Elle est une sorte de modelage qui relève, entre autres, d’une éducation informelle par la simple interaction du milieu. »

 

Cependant la situation actuelle de crise économique entraîne des paradoxes puisque certains parents se voient refuser la socialisation de leur enfant dans les structures d’accueil à l’ouverture restreinte malgré le soutien actif des travailleurs médicosociaux.

 

Aujourd’hui, les crèches, outre leur vocation première d’accueillir les enfants dont les parents travaillent, se voient confier d’autres missions. Elles jouent un rôle d’aide à la socialisation pour certains enfants porteurs de maladies chroniques ou de handicaps, et d’intégration pour certains parents victimes de nouvelles difficultés liées aux évolutions de la société.

 

Certaines de ces évolutions sont connues : recul de l’entraide familiale due à la dispersion géographique, à l’éclatement des familles, au développement de la monoparentalité, à l’érosion des solidarités de voisinage, difficultés liées aux transports urbains, aux mutations du marché du travail, au développement de la mobilité professionnelle, à la flexibilité croissante de l’emploi.

 

Par ailleurs, de nouvelles dispositions concernant les congés parentaux : mise en place du congé paternel, celle des 35 heures, font que les enfants intègrent un peu plus tard la crèche collective d’autant qu’actuellement l’intérêt de la vie en collectivité pour un tout petit est assez  discuté. Il est en même temps davantage tenu compte des demandes d’entrée en crèche pour des enfants plus grands.

 

Toutes ces évolutions remettent en cause le fonctionnement traditionnel des crèches et plaident en faveur d’un assouplissement des règles de fonctionnement.

 

Deuxième conclusion :

-  la présence de l’enfant permet aussi aux parents de s’exprimer plus facilement. Au détour d’une conversation avec un professionnel, ils en viennent à évoquer d’autres problèmes (emploi, logement, surendettement, alcoolisme…) d’où la nécessaire organisation de  réseaux  avec les autres services, les associations ou les travailleurs sociaux. Il faut que les professionnels de la petite enfance changent d’image pour être considérés comme des intervenants sociaux à part entière, ce qui nécessite une prise de conscience de ce rôle par les professionnels eux-mêmes, mais aussi par les élus, à l’égard du rôle capital  de ces secteurs et de la nécessité d’attribuer des moyens à hauteur de l’importance de la mission.

 

En matière de formation, il conviendrait dans les contenus de la formation initiale, d’intégrer davantage d’éléments d’ordre sanitaire et médical dans celle des éducateurs de jeunes enfants et davantage d’éléments relationnels et sociologiques dans celle des puéricultrices. Dans tous les cas il faut envisager de former les professionnels de la petite enfance à l’accompagnement de l’adulte.

 

Dans le cadre de la protection de l’enfance, la crèche est parfois utilisée comme dispositif afin d’évaluer les capacités de mobilisation de la famille ou d’apprécier la qualité de la relation parents-enfant. Les équipes se trouvent parfois en difficulté car il convient de décrypter les objectifs des proposants : s’agit–il de fournir un cadre ou d’exercer un contrôle ?

 

Confrontées quotidiennement à des problèmes relationnels complexes, elles doivent faire preuve d’ouverture, de souplesse et de disponibilité. Ces nécessaires adaptations entrent malheureusement en contradiction avec les impératifs « gestionnaires » générant ainsi des dysfonctionnements.

 

Les professionnels ont parfois tendance à considérer les parents comme démissionnaires alors que ces derniers sont pris dans des difficultés socio-matérielles et morales qui les fragilisent, les dévalorisent et les font s’en remettre aux professionnels qu’ils idéalisent ou, au contraire, entrer avec eux dans un conflit de légitimité.

 

Pourtant, accompagner les parents pour qu’ils apprennent à développer des attitudes de respect, de tendresse, de sérénité et d’émerveillement envers leur enfant, c’est encourager le développement harmonieux de celui-ci.

 

Ainsi l’évocation de ces dernières décennies a permis de réaliser comment l’on passe de la notion de parents exclus à celle de parents intégrés à la structure d’accueil.

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie :

 

-          « Vie et soins des bébés dans les premières crèches au XIXe sicècle », 2002 A.F.BELOT.

-          « La famille lieu d’échange non marchand entre les générations », février 95. J.DEISS, prof, faculté des Sciences économiques et sociales.

-          Histoire des mères et de la maternité en Occident, Y.KNIBIEHLER, PUF, 2000.

-          Revue « Petite enfance » n°60 4/1996, Suisse « socialisation de l’enfant et crise économique », L.STADLIN , I.COPT, éducatrices de la petite enfance.

-          Pédagodie : historique « les jardins d’enfants », « les salles d’asiles », « les fondateurs ».

-          Magazine « l’Histoire » : le jour où l’on mit les enfants à la crèche, mai 1984.

-          Enfance et Famille : les crèches départementales : « la crèche un monde à découvrir », sept 2002, département du Val de Marne.

-          ASH supplément « les modes d’accueil des jeunes enfants » septembre 2001 n° 2229