Contribution Numéro 8
L’EVOLUTION DE
Joëlle SALLES, Pédiatre, médecin de circonscription /Geneviève
DRUON, Assistante sociale en polyvalence de secteur / Muriel BONALUQUE,
Puéricultrice de secteur PMI. /
CASS de Maisons-Alfort.
L’histoire de l’évolution des
modes de garde s’intègre dans l’histoire sociale de
Dans ces créations et cette
évolution, différentes données entrent en jeu:
-
les religions, les courants philosophiques reflétant
la perception de l’être humain et de l’enfant qui sont à la base des méthodes
pédagogiques ;
-
les courants sociaux, dont la lutte contre la misère
par l’éducation,
-
les événements historiques, comme les guerres à la
suite desquelles on désire changer l’homme,
-
l’économie, comme avancée de l’industrialisation
entraînant le travail de la femme à l’extérieur du foyer et une autre
organisation de la famille,
-
les découvertes scientifiques, avec Pasteur en
particulier,
-
aussi une autre connaissance de l’enfant par
l’avancée dans le domaine de la psychologie.
Un regard
historique et une reprise chronologique des éléments concernant la prise en
charge de l’enfant nous servira de base pour établir des constats d’évolution à
propos de la place des parents dans les structure « Petite Enfance ».
Pour
connaître cette évolution dans les structures d’accueil de la petite enfance
faut-il énumérer les différentes types
de moyens de garde existants :
-
la crèche
collective accueille des enfants de moins de trois ans, non
scolarisés , de façon régulière. Ce type de garde est caractérisé par sa durée
et correspond le plus souvent à une activité professionnelle des parents ou à
une situation assimilée. La tendance est à l’assouplissement des conditions
d’admission (activité professionnelle, bonne santé de l’enfant…) pour aller
vers un droit de l’enfant à l’accueil.
-
la crèche
familiale : désormais dénommée service
d’accueil familial emploie des assistantes maternelles agréées qui accueillent
à leur domicile de un à trois enfants, sous la direction d’une infirmière
puéricultrice, d’un médecin ou d’un éducateur de jeunes enfants si la capacité
d’accueil n’excède pas 40 enfants.
-
La crèche
parentale, désormais appelée établissement à gestion
parentale. Elle se caractérise d’une part par sa gestion associative dans
laquelle les parents usagers sont majoritaires et d’autre part, par la
participation de ces derniers à l’accueil des enfants d’une demi-journée par
semaine ou par quinzaine.
-
La crèche
d’entreprise : service de proximité qui se développe dans le
monde du travail avec une gamme de prestations fournies de plus en plus
étendue. Elle est pour les grandes entreprises un outil de fidélisation de leur
personnel avec l’aménagement et la
réduction du temps de travail.
-
La halte
garderie : un
établissement d’accueil occasionnel qui correspond à un besoin des parents,
temporaire et limité dans la durée. Il est le plus souvent collectif mais peut
aussi être organisé chez une assistante maternelle employée par une crèche
familiale. Concrètement la halte garderie reçoit à temps partiel ou de manière
occasionnelle des enfants de moins de six ans.
-
Les
établissements « multi-accueil » proposent
à la fois un accueil régulier et un accueil occasionnel organisés au sein de la
même structure. Ils peuvent être une offre de service pour les familles
confrontées à des horaires de travail en un meilleur service atypique (tôt le
matin, tard le soir, le week-end ou la nuit).
-
Le jardin
d’enfants est une structure ouverte aux enfants d’âge
préscolaire. Il accueille des enfants de trois à 6 ans encadrés par des
éducatrices de jeunes enfants dont la formation est adaptée aux besoin des
enfants de cet âge.
-
Les
actions passerelles pour les 2 -3 ans :
peu d’enfants ont fait l’expérience de la collectivité avant trois ans quand
ils sont admis à l’école maternelle. Or la demande de socialisation est forte.
Ces actions répondent aux besoins d’enfants de 2 ou 3 ans qui ne sont pas
accueillis à l’école maternelle. Ces dispositifs peuvent prendre trois
formes : des classes passerelles avec des modalités de
fonctionnement spécifique à ce très jeune public, des lieux spécifiques
proches des haltes garderies, une coopération continue entre les écoles
et les lieux d’accueil des jeunes enfants formalisée dans les projets
d’établissement.
Les trois intervenants qui ont
effectué leurs missions en crèche collective départemental justifient ainsi
leur choix.
1 EN ROUTE POUR
A partir du XVIe coexistent deux
« sentiments de l’enfance » :
-
celui des mères et des nourrices qui en tout temps aiment et soignent
les petits,
-
celui des moralistes soucieux d’éducation qui se mobilisent à la fin du
XVIIe.
Le parcours initiatique de la maternité construisait
fortement l’identité féminine, identité individuelle et aussi collective. Les
femmes apprécient la valeur des liens affectifs. Elles découvrent aussi l’importance de ce qu’elles
doivent transmettre, non seulement la vie et la santé du corps mais la base
d’une culture, d’une langue maternelle, les croyances, les premiers savoirs,
les codes moraux, les formes de sociabilité.
Au XVIIIe, dans le
monde rural, la garde est familiale.
Dans le monde urbain, quand la
mère ne peut garder l’enfant, il peut rester avec des voisins ou avec des
enfants plus âgés que lui. Mais de plus en plus, il va être
« placé ». Les enfants concernés, sont les enfants de commerçants où
la femme tient boutique et les enfants d’ouvriers artisans.
Dans le milieu aisé, la femme
confie son enfant à une nourrice ou « des gardeuses ». Quelquefois
elle l’allaite si elle s’est laissée influencer par le courant de cette époque
lancé par J.-J. Rousseau qui a fixé l’attention de ses contemporains sur
l’importance du rôle de la mère dans l’éducation.
En préférant, pour l’enfant, la
nature à la culture, l’affection à l’autorité, le bonheur au salut, c’est toute l’éducation que Rousseau engage dans
une perspective plus maternelle que paternelle. Et certes, il valorise ainsi la
fonction maternelle plus qu’elle ne l’avait jamais été. Bien des femmes ont
sans doute trouvé là, avec joie, une reconnaissance de leur propre rôle, une
réhabilitation de leur différence.
Dans les milieux modestes, les
femmes apprécient de pouvoir pouponner à loisir, au lieu de trimer sous les
ordres d’un mari.
2
Ce sont de nombreuses oeuvres charitables qui s’occupent des enfants des
familles pauvres comme « la société de charité maternelle », fondée à
Paris sous les auspices de
Plus tard apparaissent dans
l’ordre :
-
les salles d’asile qui accueillent les enfants de 2 à
6 ans. En France, c’est dans les salons de la bonne société parisienne que
l’idée de créer des établissements d’accueil et d’éducation pour les très
jeunes enfants mûrit lentement. Le but
premier de ces salles d’asile est de libérer la mère de ses soucis familiaux
pour qu’elle puisse aller travailler.
-
Ensuite arrivent :
-
l’école
primaire,
-
l’école
professionnelle,
-
l’Ouvroir.
-
Malgré toutes ces nouvelles
structures, il n’en existe encore aucune pour l’enfant entre la naissance et
deux ans.
En 1831, J.-M. Cochin crée la
première salle d’asile modèle, pour une capacité de 1000 enfants.
Avec le conseil des Hospices, du
Gouvernement et de
Cochin publie donc en 1833, le
« manuel des salles d’asile » dont l’impact sera très important et
ce, pendant longtemps. Il y donne des conseils pour suppléer aux soins, aux
impressions, aux enseignements que chaque enfant devrait recevoir de l’exemple
et des paroles de sa mère.
Ses objectifs sont :
-
avoir de l’influence sur la moralité de la
population,
-
l’aisance des familles par la garde des enfants dont
les parents travaillent,
-
libérer
les pères et mères pour qu’ils puissent travailler sans dépendre de la charité
publique,
-
de les
rendre disponibles afin qu’ils cherchent du travail.
Puis en 1837, Madame Millet (mère
du peintre), déléguée générale des salles d’asile de
En 1844, c’est un adjoint au Maire
de Paris, M. Marbeau qui, après avoir constaté les difficultés qu’avaient les
blanchisseuses de la ville à faire garder leurs enfants, propose un projet de «crèche ».
Le 14 novembre 1844, une crèche
ouvrira ses portes à Chaillot. Marbeau formule ainsi les concepts des crèches
« secourir à moindres frais,
l’enfant, sa mère, sa famille, par le travail sans humiliation et moraliser en
secourant ».
Les crèches connaissent un essor
remarquable. Le succès passe très vite les frontières.
Les crèches sont tenues par
des «berceuses », nos puéricultrices actuelles. Il faut un certificat
d’aptitude et de moralité délivré par le maire de la commune pour pouvoir
exercer.
Mais aucune réalisation ne peut se
faire sans l’engagement d’hommes et de femmes que l’on appelle pédagogues qui
ont pu poser des actes au nom de leurs convictions.
Les salles d’asiles créées l’ont
été sous une inspiration sociale, très représentative des courants idéologiques
de l’époque : l’éducation du peuple. Mais l’éducation qui s’y fait
émane de l’éducation mutuelle, très rigide et militaire.
3
L’amour maternel a perdu de son
prestige au seuil du XXe siècle.
Des problèmes émergent du côté des
travailleuses. Si la vie des paysannes ne se transforme guère, l’exode rural
attire vers les villes des femmes de plus en plus nombreuses. Les unes
travaillent sans sortir du cadre familial, les autres triment dans les
manufactures et les usines.
Parmi les premières, certaines
exercent un métier (couturière, modiste, corsetière, lingère, blanchisseuse,
fleuriste…) qu’elles souhaitent transmettre à leurs filles, d’autres assistent
leur mari, artisan ou petit commerçant.
Si le travail presse, ces
laborieuses cherchent une nourrice dans le voisinage. Les plus pauvres laissent
leur dernier-né aux soins d’une fille aînée qui n’a parfois que 7-8 ans, du
moins peut-elle assurer une surveillance minimale. Leur travail même lourd ne
choque personne.
Bien pire est la condition des
mères ouvrières dans les villes manufacturières. Leur travail devient une
nécessité pour le capitalisme conquérant qui veut mettre au service des
nouvelles machines une main-d’œuvre docile, payée au minimum.
L’industrialisation produit, par
groupes entiers, un nouveau type de mères qui travaillent hors de chez elles de
douze à quatorze heures par jour et reviennent au logis exténuées, hagardes
incapables d’assumer les tâches maternelles et ménagères les plus
fondamentales, incapables de transmettre à leurs filles les moindres rudiments
de la culture féminine traditionnelle.
En milieu populaire, les enfants
de 2 à 6 ans sont souvent délaissés quand leur mère travaille ; au pire,
ils jouent dans la rue, au mieux une garderie les héberge tant bien que mal,
sans projet éducatif.
Choqués par cette négligence, des
émules de J.-J. Rousseau et de C. Fourier ont inventé des lieux d’accueil et
des programmes d’éducation.
Si les initiatives sont masculines, les dames bienfaitrices se sont
mobilisées immédiatement, considérant que ces fondations étaient des
« œuvres d’amour maternel ». L’approche de la petite enfance fut
grâce à elles moins « scientifique » qu’empirique, peu asservie aux
doctrines ; les soins du corps et les jeux ont trouvé place ; la
pédagogie, toujours éclectique a tenu compte des innovations étrangères.
La surveillance exercée par les
« dames patronnesses » est restée bénévole, mais bientôt de nouveaux métiers féminins sont nés.
La création et l’essor des crèches devaient permettre d’éduquer les
mères autant que les enfants.
L’institution du congé de maternité signale une
conversion importante des pouvoirs publics. L’idéal de la mère au foyer
s’impose si fortement que les hauts responsables ont longtemps ignoré les mères
travailleuses.
Dans le sillage du congé de
maternité s’est affirmé le droit aux soins.
La loi du 11 mars 1932 institue
une véritable politique nationale de la famille, développée en 1939.
On commence donc à chercher des
solutions pour permettre aux mères de travailler. Sur la base des conclusions
du congrès de l’association internationale des femmes médecins, constat
est fait : « il y a souffrance des mères et des enfants
et ce n’est pas parce la mère exerce un métier, son travail au contraire lui
ouvre l’esprit, lui procure des contacts, des ressources et des informations,
mais c’est parce qu’elle subit de mauvaises conditions de travail, qu’elle
n’est pas aidée, que rien n’est prévue pour accueillir véritablement ses
enfants. »
Il faut donc « assurer »
l’accueil des enfants. Ainsi est posée également la question de la
qualification.
Alors, quelque part l’histoire des
crèches est indissociable de l’histoire des auxiliaires et de leur formation.
Ainsi, en 1945, un nouveau terme apparaît celui d’auxiliaire de puéricultrice
avec la création d’un diplôme, qui s’applique aux personnes qui aident la
puéricultrice.
C’est en 1947, qu’est créé le
diplôme d’auxiliaire de puériculture. Souvent les écoles sont fondées
dans le cadre des pouponnières, l’auxiliaire ne travaille donc qu’en milieu dit
hospitalier et reste une « aide ».
Le pouvoir médical sévit alors.
La crèche est donc une garderie « médicale », on y lutte contre les maladies et la mort.
Le personnel est essentiellement composé d’aides soignantes sans diplômes appelées
« berceuses » et jugées sur leur rapidité et leur propreté. L’hygiène
et la protection de l’enfant contre les risques de maladie sont les
préoccupations dominantes du personnel, l’enfant est un objet, qui doit
passer systématiquement à la cuillère à trois mois et est attaché sur le pot à
huit mois. Les horaires sont stricts, et un enfant qui pleure « se fait
les poumons ». Les parents sont
exclus, déposent leurs enfants déshabillés au guichet et la connaissance de
l’enfant dans son milieu familial est inexistante, ce qui nourrit la rivalité
et la culpabilité de la famille.
Les travaux d’Irène Lézine en
1950, en France, montraient un net désavantage sur le plan du développement
verbal chez les enfants fréquentant une crèche en comparaison de ceux éduqués
dans leur famille. Ces travaux ont probablement contribué à l’amélioration des
conditions d’accueil.
Il faudra attendre le courant
contestataire de mai 68 pour qu’un réel constat soit fait de la pauvreté
affective du milieu insuffisamment stimulant qu’est la crèche et de l’exclusion totale des parents, au nom
d’un savoir sur l’enfant qui donnait un pouvoir au personnel.
4
EN 1973, UNE AUTRE ERE POUR
A cette époque est publié
l’ouvrage de M.David et de G.Appel « Locszy ou le maternage insolite »,
rendant compte des travaux de réflexions effectués par E.Pikler, médecin
hongrois, à l’orphelinat rue de Loczy à Budapest.
Dans cet établissement, l’accent
est mis sur la relation entre l’adulte et les enfants et l’on insiste sur la
valeur d’une relation affective privilégiée et l’importance de la forme
particulière qu’il convient de lui donner dans un cadre institutionnel : « la
nécessité d’une relation affective privilégiée et continue avec un adulte permanent nécessite une grande constance
dans les attitudes éducatives et un engagement du personnel dans une
relation réelle mais consciemment contrôlée, dans laquelle l’adulte ne fait pas peser sur l’enfant sa propre
affectivité et ses attentes personnelles ». Même si cette institution ne prend en charge que des enfants orphelins
ou abandonnés, l’idée d’une autre relation entre adulte et enfant émerge
Les répercussions de cet ouvrage
dans le domaine de la petite enfance, sont considérables en France et en
particulier dans le département du Val de Marne. En crèche, quelques
directrices et psychologues lancent des expériences portant sur une meilleure
connaissance du développement affectif et intellectuel au cours de la première
enfance et les facteurs susceptibles de le perturber.
Ces expériences sont favorables à l’introduction des parents et
la communication entre parents et auxiliaires, l’établissement « d’une
feuille de rythme » s’effectue pour respecter la liberté de rythme de
chaque enfant et assurer une transmission de la journée aux parents ainsi que
la mise sur le tapis des bébés avec des jouets… Ainsi le travail de la
jardinière d’enfants puis en 1973 celui de l’éducateur de jeunes enfants œuvre
également à l’ouverture de la crèche sur le bien-être de l’enfant, et à la
notion d’activité et de jeux qui est introduite pour les plus grands.
En 1985, avec la réflexion menée
dans les crèches et l’influence grandissante des travaux de Loczy apparaît la notion de suivi : auparavant
les auxiliaires gardaient toujours la même section (petits, moyens, grands) et
changeaient de groupe d’enfants tous les ans. Les enfants devaient s’adapter à
de nouvelles personnes à chaque fois et les auxiliaires pouvaient perdre
l’intérêt pour leur travail. Avec le suivi, les auxiliaires changent de section
avec les enfants, les voient grandir. Aujourd’hui, le suivi est appliqué dans
la plupart des crèches du département.
Apparaissent également les projets
pédagogiques, pour des crèches désormais considérées comme des « lieux
de vie ayant des fonctions éducatives tant au niveau pédagogique, diététique
que médical ». L’objectif de ces projets étant de guider « l’enfant
vers son autonomie, lui permettre d’exploiter au maximum sa créativité et
l’aider à acquérir son individualité. C’est à dire se structurer par rapport à
ses désirs et à ses privations » .
Il devient dès lors nécessaire de
réfléchir à la formation des intervenants en crèche et indispensable de chasser
des esprits que pour s’occuper des enfants des autres, il suffit
d’être « une bonne mère de famille ».
De nos jours, certaines crèches
décident d’assouplir la notion de référence en dehors de la période
d’adaptation.
Rapidement, l’enfant est habitué à
ce qu’une autre personne s’occupe de lui, cela évite que l’enfant ne soit trop
perdu le jour où sa référente est absente… et que la référente ne s’approprie
trop les enfants dont elle a la charge. Il arrive en effet, que des auxiliaires
parlent de « leurs enfants » et supportent mal qu’une autre personne
s’en occupe.
La professionnalisation de ce
métier a apporté un véritable statut qui ne peut être confondue avec celui de
la mère.
5- UNE NOUVELLE REFORME POUR
Les anciens textes s’appuyaient
simplement sur la garde de l’enfant en bonne santé pendant le travail de la
mère en crèche. Dorénavant, il est dit que l’ensemble des établissements et
services d’accueil veillent « à la santé, à la sécurité et au
bien-être des enfants qui leur sont confiés ainsi qu’à leur développement. Ils
concourent à l’intégration sociale de ceux des enfants ayant un handicap ou atteints
d’une maladie chronique. Ils apportent une aide aux parents afin qu’ils
puissent concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. »
Un projet d’établissement doit
obligatoirement être élaboré, il est chargé de définir les compétences et la
formation du personnel, ainsi que la place des familles.
En septembre 2002, dans le guide
du département du Val de Marne :
« la crèche un monde à découvrir », la place des parents est
précisée : ils sont considérés comme « des partenaires
irremplaçables ».
Il est vrai que de plus en plus
une véritable collaboration s’installe en crèche en passant par un véritable
dialogue entre les intervenants, un échange d’informations dont le centre
d’intérêt est l’enfant et son mieux être.
Les parents sont de plus en plus
sollicités, selon différentes manières:
Ø
Ils sont invités pendant une période dite
d’adaptation à transmettre des informations
portant sur les rythmes de leur enfant, ses habitudes, les rites
déjà établis à l’endormissement par
exemple, ses goûts, ses préférences… le doudou est autorisé à voyager entre la
maison et la crèche…les lundis
ou les retours de vacances sont considérés comme des moments difficiles pour les enfants car il est
dorénavant reconnu une qualité à la vie des enfants à l’extérieur de la crèche
donc en famille ; ainsi le retour en collectivité n’est pas si simple et les professionnels
doivent tisser autour de l’enfant une trame subtile faite de cohérence , de
continuité et de respect de son histoire car un enfant ne peut grandir
harmonieusement que si les adultes qui
s’occupent de lui, se parlent et n’entrent pas dans des conflits de
légitimité. Les parents sont, enfin, considérés comme étant les personnes qui
connaissent le mieux leur enfant ainsi ils peuvent répondre aux questions que
le personnel de la crèche se pose à leur encontre.
Ø
Durant l’année, il est proposé aux parents de venir
partager des moments de fête: Noël, mardi-gras, anniversaires, kermesses… mais
aussi des activités plus quotidiennes ou des sorties à l ‘extérieur.
Ø
Au cours de réunions avec les parents organisées
plusieurs fois dans l’année par l’équipe, les échanges autour de
l’alimentation, du sommeil, de la propreté, de l’agressivité… permettent de
faire connaissance avec d’autres parents, de sympathiser parfois et contribuent
à mieux les insérer au sein de la collectivité. À travers les questions sur
l’activité de leur enfant à la crèche, les
parents interrogent sur le contenu de l’éducation qu’ils peuvent lui
délivrer.
Ø
En faisant partie du conseil des parents, il
est possible d’échanger à un niveau différent, avec un élu en charge de la
petite enfance, avec le médecin PMI du groupement, avec d’autres parents élus
d’autres crèches du groupement sur des thèmes plus généraux. Ce conseil a pour
vocation de favoriser l’information et le dialogue entre parents,
professionnels, élus locaux, et
responsables de la petite enfance.
EN CONCLUSION :
Une première conclusion
s’impose :
-
les femmes n’enfantent que quand la collectivité les
aide à accueillir et à élever leurs enfants. Ceux-ci doivent être désirés non
pas seulement par celle qui les met au monde, ni même par un couple, mais par
une collectivité solidaire.
-
-
La maternité ne relève pas seulement de la vie
privée, elle n’exprime pas seulement un désir féminin, ni l’amour d’un couple,
elle répond à un besoin social primordial : le renouvellement des
générations, la survie du groupe. Les pouvoirs publics restant neutres croient
respecter la liberté des femmes ; en réalité ils la piègent. Car celle qui
cède à son désir d’enfant se trouve bientôt confrontée à des tâches et des
responsabilités d’autant plus écrasantes qu’elles s’ajoutent désormais à des
activités dissociées de la vie familiale.
-
Encourager les femmes à avoir des enfants pour
ensuite les traiter comme si elles n’en avaient pas, n’est pas du coté de la
« bientraitance ».
Aussi les pouvoirs publics et
privés s’impliquent de plus en plus dans les responsabilités éducatives.
Les attentes des parents et celles
des intervenants pourraient, alors se retrouver dans le fait que
-
les lieux d’accueil doivent répondre à une demande
sociale ;
-
des lieux qui doivent concrétiser la reconnaissance
sociale des besoins de la petite enfance et des droits fondamentaux des
enfants ;
-
de la part des parents, il y a transfert de la
fonction de socialisation de la famille vers une institution collective ;
ils veulent offrir à l’enfant une expérience de vie sociale hors de la sphère
familiale ;
-
les lieux d’accueil vont offrir à l’enfant un
complément à l’éducation parentale ;
-
répondre à des attentes de socialisation de la part
des parents. L’enfant va sortir du milieu familial et va pouvoir échanger avec
d’autres enfants, il va recevoir un encadrement différent. Il va acquérir un
certain nombre de compétences sociales qualitativement différentes dans les
deux contextes : la famille et la structure d’accueil. .
-
Dans l’idéal, cela reviendrait à
penser que le système de socialisation propose une manière de penser, d’agir,
de sentir et permet de relier les individus les uns aux autres et de les
intégrer dans une société.
Actuellement une des fonctions de socialisation dans les
institutions de la petite enfance serait d’accorder une place aux parents dans
la prise en charge de leur enfant, de connaître leurs attentes.
Il s’agit d’une des fonctions de
socialisation des lieux d’accueil selon la définition sociologique de la
socialisation qui désigne « l’action formatrice d’une société sur les
jeunes générations pour les insérer dans une culture. Elle est une sorte de
modelage qui relève, entre autres, d’une éducation informelle par la simple
interaction du milieu. »
Cependant la situation actuelle de
crise économique entraîne des paradoxes puisque certains parents se voient
refuser la socialisation de leur enfant dans les structures d’accueil à
l’ouverture restreinte malgré le soutien actif des travailleurs médicosociaux.
Aujourd’hui, les crèches, outre
leur vocation première d’accueillir les enfants dont les parents travaillent,
se voient confier d’autres missions. Elles jouent un rôle d’aide à la
socialisation pour certains enfants porteurs de maladies chroniques ou de
handicaps, et d’intégration pour certains parents victimes de nouvelles
difficultés liées aux évolutions de la société.
Certaines de ces évolutions sont
connues : recul de l’entraide familiale due à la dispersion géographique,
à l’éclatement des familles, au développement de la monoparentalité, à
l’érosion des solidarités de voisinage, difficultés liées aux transports
urbains, aux mutations du marché du travail, au développement de la mobilité
professionnelle, à la flexibilité croissante de l’emploi.
Par ailleurs, de nouvelles
dispositions concernant les congés parentaux : mise en place du congé
paternel, celle des 35 heures, font que les enfants intègrent un peu plus tard
la crèche collective d’autant qu’actuellement l’intérêt de la vie en
collectivité pour un tout petit est assez
discuté. Il est en même temps davantage tenu compte des demandes
d’entrée en crèche pour des enfants plus grands.
Toutes ces évolutions remettent en
cause le fonctionnement traditionnel des crèches et plaident en faveur d’un
assouplissement des règles de fonctionnement.
Deuxième conclusion :
-
la présence de l’enfant permet aussi aux parents de s’exprimer plus
facilement. Au détour d’une conversation avec un professionnel, ils en viennent
à évoquer d’autres problèmes (emploi, logement, surendettement, alcoolisme…)
d’où la nécessaire organisation de
réseaux avec les autres services,
les associations ou les travailleurs sociaux. Il faut que les professionnels de
la petite enfance changent d’image pour être considérés comme des intervenants
sociaux à part entière, ce qui nécessite une prise de conscience de ce rôle par
les professionnels eux-mêmes, mais aussi par les élus, à l’égard du rôle
capital de ces secteurs et de la
nécessité d’attribuer des moyens à hauteur de l’importance de la mission.
En matière de formation, il
conviendrait dans les contenus de la formation initiale, d’intégrer davantage
d’éléments d’ordre sanitaire et médical dans celle des éducateurs de jeunes
enfants et davantage d’éléments relationnels et sociologiques dans celle des
puéricultrices. Dans tous les cas il faut envisager de former les
professionnels de la petite enfance à l’accompagnement de l’adulte.
Dans le cadre de la protection de
l’enfance, la crèche est parfois utilisée comme dispositif afin d’évaluer les
capacités de mobilisation de la famille ou d’apprécier la qualité de la
relation parents-enfant. Les équipes se trouvent parfois en difficulté car
il convient de décrypter les objectifs des proposants : s’agit–il de
fournir un cadre ou d’exercer un contrôle ?
Confrontées quotidiennement à des
problèmes relationnels complexes, elles doivent faire preuve d’ouverture, de
souplesse et de disponibilité. Ces nécessaires adaptations entrent
malheureusement en contradiction avec les impératifs
« gestionnaires » générant ainsi des dysfonctionnements.
Les professionnels ont parfois
tendance à considérer les parents comme démissionnaires alors que ces derniers sont
pris dans des difficultés socio-matérielles et morales qui les fragilisent, les
dévalorisent et les font s’en remettre aux professionnels qu’ils idéalisent ou,
au contraire, entrer avec eux dans un conflit de légitimité.
Pourtant, accompagner les parents pour qu’ils apprennent à développer
des attitudes de respect, de tendresse, de sérénité et d’émerveillement envers
leur enfant, c’est encourager le développement harmonieux de celui-ci.
Ainsi l’évocation de ces dernières
décennies a permis de réaliser comment l’on passe de la notion de parents
exclus à celle de parents intégrés à la structure d’accueil.
Bibliographie :
-
« Vie et soins des bébés dans les premières
crèches au XIXe sicècle »,
-
« La famille lieu d’échange non marchand entre
les générations », février 95. J.DEISS, prof, faculté des Sciences
économiques et sociales.
-
Histoire des mères et de la maternité en Occident,
Y.KNIBIEHLER, PUF, 2000.
-
Revue « Petite enfance » n°60 4/1996,
Suisse « socialisation de l’enfant et crise économique »,
L.STADLIN , I.COPT, éducatrices de la petite enfance.
-
Pédagodie : historique « les jardins
d’enfants », « les salles d’asiles », « les
fondateurs ».
-
Magazine « l’Histoire » : le jour où
l’on mit les enfants à la crèche, mai 1984.
-
Enfance et Famille : les crèches
départementales : « la crèche un monde à découvrir », sept 2002,
département du Val de Marne.
-
ASH supplément « les modes d’accueil des jeunes
enfants » septembre 2001 n° 2229