CLINIQUE
DE
Contribution numéro 1
ACCOMPAGNEMENT
SOCIAL D’UNE DEMANDE PARENTALE EN MUTATION
Martine COUTURIER, Assistante
Sociale de secteur
Les Travailleurs Médico-Sociaux
sont confrontés à l’évolution de la famille en général, mais le plus souvent à
ses effets.
Ils rencontrent les situations les
plus difficiles où s’exprime un désarroi dans les repères.
Tous les individus ne disposent
pas des mêmes ressources pour prendre leur part dans le processus de
négociation de la vie personnelle. Certains vont être davantage exposés aux
risques sociaux induits par cette évolution et moins bien armés pour leur faire
face.
En
privilégiant certaines formes de compromis dans la résolution des conflits
familiaux, certaines réformes ont accentué ces disparités (exemple :
divorce par consentement mutuel, exercice de la coparentalité…)
Je vais ci-après essayer de vous
présenter en quels termes certaines familles sollicitent de manière explicite
ou implicite de l’aide auprès de notre service à propos de leurs difficultés et
inquiétudes de parent.
Demande d’aide qui pourrait se
traduire par « on souhaiterait avoir un exercice de la parentalité plus
confortable ».
Accepter de poser ce problème
suppose déjà pour ces parents un repérage à la base et engage une démarche
d’évolution.
UNE DEMANDE QUI A A VOIR
AVEC
Des parents expriment assez
aisément des difficultés vécues avec leurs enfants. Ils disent « il
n’obéit pas, il ne respecte aucune limite » « c’est lui qui commande,
il fait ce qu’il veut » et ceci parfois chez des jeunes enfants. Ou encore
un adolescent qui fait « la loi » à la maison ou qui exprime un désir
d’indépendance avec violence.
Certains parents ne sont plus en
mesure de concilier dialogue, négociation et autorité nécessaire auprès
d’enfants qui sont amenés de plus en plus tôt à prendre part aux décisions
familiales.
Souvent l’enfant s’avère être le
révélateur d’un dysfonctionnement parental qui met en évidence un brouillage
des rôles fondamentaux.
L’évolution de la famille a joué
sans doute un rôle non négligeable dans la répartition des rôles au sein du
couple parental. Les rôles respectifs des parents ayant été longtemps bien
délimités semblent aujourd’hui entrer en concurrence sur différents terrains
(apports de soins, de moyens financiers, désir de rester jeunes…) et favorise
parfois l’indifférenciation des places parentales.
D’autres types de questions
interrogent également la place de chacun.
Comment un père ayant des contacts
intermittents avec son enfant peut-il exercer son rôle ? Un beau-parent
doit-il vraiment se sentir obligé de traiter son bel enfant comme s’il était le
sien.
Les liens de conjugalité et de
filiation ne semblent pas toujours bien identifiés par les uns et les autres et
notamment par les jeunes enfants. On voit apparaître parfois un manque de
différenciation entre le couple conjugal et le couple parental.
Dans certaines situations de
jeunes couples parents ou futurs parents, la place de chacun dans la famille a
concerné également celle des grands-parents qui parfois ne permettent pas au
couple de s’extérioriser dans une bonne distance avec les parents ne menaçant
ni l’indépendance conjugale et parentale, ni l’entretien de bonnes relations.
UNE DEMANDE QUI SOUS-TEND
UNE RECHERCHE DE NORMALITE, D’IDEAL VEHICULE PARFOIS PAR LES MEDIAS OU DES
DISCOURS NORMATIFS
Notre société dite individualiste
est basée sur des critères de consommation et de production. L’enfant constitue
un point de repère central dans les valeurs de la famille contemporaine =
résultats scolaires, comportements, habits…. L’enfant au centre des
préoccupations est l’objet de fortes attentes.
Dans leur demande exprimée, les
parents cherchent à évaluer la normalité pour ce qui concerne les
apprentissages de l’enfant, les comportements de leur adolescent, le
développement de leur enfant en bas âge, mais également le savoir-être et le
savoir-faire en tant que parent.
Lors de moment de crise, ces
parents vivent ces situations comme un échec avec une seule certitude, celle de
mal agir en doutant même parfois de leur capacité à être parent. De plus, leur
discours laisse transparaître une inquiétude pour l’avenir de leur enfant.
Ces familles demandent aide aux
travailleurs sociaux comme pouvant donner « les curseurs » de la
normalité. La fonction-conseil du travailleur social est ainsi interpellée.
Il ne s’agit pas d’imposer mais de
redonner confiance, d’accompagner, de révéler et valoriser leurs compétences
parentales et leurs compétences tout court.
Mais répondre à la question
« qu’est-ce qui fait compétence ? » « qu’est-ce que l’on décide
de soutenir ou valoriser fait nécessairement références à nos repères
personnels et professionnels ? ».
Intervenir sur la parentalité
implique de se questionner sur les valeurs que nous portons.
UNE DEMANDE QUI MET EN EVIDENCE UN MANQUE DE
COMMUNICATION
Certains parents venant au service
social évoquent une communication intra-familiale basée essentiellement sur les
conflits, les cris, les reproches, la difficulté à s ‘entendre et se
comprendre.
Ces problèmes évoqués en matière
de fonction parentale dénoncent pour certains parents une difficulté à négocier
la relation à l’autre.
Seules les incompréhensions
prennent place. La famille se focalise sur ses dysfonctionnements. Souvent, ses
membres vivent côte à côte, privilégiant peu de moments agréables passés ensemble.
Ces relations intra-familiales
devenues insatisfaisantes pour chacun ne permettent plus de laisser la place à
ce qui peut fonctionner et fait appel à la fonction de médiateur chez le
travailleur social.
De plus, la précarisation de
l’emploi et le chômage, les problèmes liés au logement, le handicap ou la
maladie fragilisent parfois les liens conjugaux et peuvent accroître les
difficultés liées à la fonction parentale
Dans l’expression d’une difficulté
liée à l’exercice de la fonction parentale, certains parents dans des moments
de crise recherchent auprès du travailleur social un tiers qui permettrait de
dédramatiser, désamorcer cette situation.
En effet, la famille élargie
pouvant jouer ce rôle de régulateur, d’amortisseur de la crise est très souvent
absente dans ces situations familiales rencontrées. Au regard d’un passé
relationnel parfois lourd avec la famille, ils préfèrent éviter l’entourage
familial et refusent de demander de l’aide.
De plus en plus, des parents sont
engagés dans la condition d’une parentalité solitaire, privée de tout appui sur
une famille élargie.
Parfois même, dans quelques
situations d’isolement extrême, le parent isolé se confie exclusivement au
travailleur social car pouvoir dire ce que l’on vit, c’est déjà s’en
distancier. Toutefois, l’écoute, la réassurance, l’aide à l’apaisement des
angoisses doit éviter l’effet inverse de l’effet recherché, c’est à dire la
possible dépendance de cette personne au travailleur social.
L’accompagnement social des
parents implique de les aider à favoriser des liens sociaux.
DES FAMILLES MONOPARENTALES QUI INTERROGENT
Un certain nombre de jeunes mères
isolées avec des enfants en bas âge ou enceintes vivent une rupture de couple.
Ces femmes évoquent la nécessité de donner une place au père. Toutefois,
celui-ci est parfois totalement inexistant du moins pendant un certain temps ou
concrètement il a du mal à prendre ou obtenir cette place. Ce père peut être
empêché d‘assurer sa fonction pour plusieurs raisons :
-
éloignement géographique
-
investissement auprès d’une famille recomposée
remplaçant l’ancienne famille
-
repli sur soi-même après l’épreuve d’un divorce
-
difficulté d’assumer sa fonction lorsque celle-ci est
assurée par un autre homme…..
Parallèlement nous sommes
également interpellés par un parent qui revendique l’exercice de son autorité
parentale, le droit d’hébergement après séparation ou divorce.
Dans ces cas précis, ce parent est
parfois considéré temporairement par l’autre comme « le mauvais » et
se trouve ainsi éloigné de ses enfants contre son gré en voyant ses liens avec
ces derniers se fragiliser.
Dans le cas de ces séparations,
des conflits entre l’enfant et l’un des deux parents peuvent s’ajouter au
conflit existant entre les deux conjoints.
Toute la difficulté pour un père
et une mère semble de rester deux parents sans plus être un couple.
Cette notion s’avère souvent être
source d’intolérance à l’égard de toute différence dans les modes de vie.
Même si ces situations sont
temporaires, il est nécessaire d’aider la famille à sauvegarder l’influence
paternelle et maternelle auprès des enfants dans l’exercice de leurs
obligations et leurs responsabilités (droit de visite, hébergement, versement
d’une pension alimentaire…..)
Les mutations familiales se sont
accompagnées de mesures sociales pour compenser la fragilisation de la famille.
Faire accéder le parent isolé à ses droits constitue déjà un début
d’accompagnement (Allocation Parent Isolé, Allocation de Soutien de Famille…)
Dans la famille contemporaine, les
relations affectives, la logique des sentiments semblent avoir pris le pas sur
la contrainte et les normes familiale et institutionnelle.
Le sociologue François DE SINGLY
nomme « famille relationnelle », ce nouveau modèle familial qui la
rend peut-être plus attachante, mais plus fragile aussi.
Dans ce modèle familial, chacun
tend à privilégier la construction de son identité personnelle, aussi bien dans
les relations conjugales que dans celles entre parents et enfants.
L’instauration de ce type de
famille conduit les travailleurs médico-sociaux à réceptionner davantage des
questions qui ont à voir avec la logique des sentiments : ressentis,
amour, attachement, désir….
A ce sujet des questions
professionnelles se dégagent : Comment cerner les limites de l’intimité et
du respect de la vie privée ? Peut-on tout entendre ? Que faire de ce
que l’on entend ?
UNE DEMANDE EN TERME D’ ACCOMPAGNEMENT DES
CHANGEMENTS ET D’APPORT DE REPERES
Une vie personnelle et
professionnelle trop remplie pour la mère, la mésentente d’un couple, la
décision de se séparer, d’élever seul(e) un enfant, autant d’évènements exposés
qui ne sont pas sans conséquence et sans questionnement pour les acteurs.
Changements également évoqués par
des futurs ou jeunes parents quant à l’arrivée d’un enfant. Quels parents
serons-nous ? A-t-on des principes d’éducation ? etc….
Certains parents semblent
désemparés dans l’exercice de leur parentalité du fait des problèmes multiples
qu’ils ont à résoudre. Un divorce signifie parfois pour un des parents une
diminution de ressources entraînant une dégradation du statut du logement.
Ces changements de situation
familiale sont toujours des moments de crise. La famille alors moins stable et
plus vulnérable manque souvent de repères juridiques, pédagogiques et
personnels face à ses nouvelles configurations familiales.
Toutes les références en tant que
parent sont questionnées. Chacun doit réinventer ses règles, retrouver ses
repères dans le nouveau système familial.
Le risque pour le travailleur
social est d’être considéré comme celui qui sait. Nous demandons aux parents de
quoi ils ont besoin pour se sentir rassurés, pour se sentir en confiance. Nous
sommes à l’écoute de ce qu’ils ressentent face à leurs questionnements afin
qu’ils prennent appui sur ces questionnements pour envisager leurs propres
réponses.
Notre accompagnement ne consiste
pas à donner des repères mais d’aider à faire son propre choix parmi ceux-ci et
les mettre en œuvre au quotidien.
Un travail de fond à partir de la
demande qui se veut toujours singulière consiste à évaluer les besoins à
l’orientation.
Ainsi, dans le processus
d’accompagnement où chaque acteur est impliqué à des places différentes, l’un
par rapport à son projet personnel, l’autre par rapport à sa mission de soutien
du projet de la personne dans sa globalité, il existe une part d’accompagnement
qui est la moins formalisée, la moins explicitée.
Il s’agit d’un travail en amont
qui donnera du sens à l’orientation vers un réseau mobilisable et compétent
pour un accompagnement spécifique à la parentalité.