Contributions Numéro 9
LORSQUE, TEMPORAIREMENT, LES ENFANTS ET LES PARENTS N’HABITENT PAS
ENSEMBLE
Contribution 9a
PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT A L’ASE ET EVOLUTION DES
DROITS DES PARENTS.
Evelyne CORNOLO, inspectrice à l’ASE du Val de Marne
Un
rapport de 1998 de M. A. Bruel concluait ainsi : Si être parent , c’est
être acteur de la transmission de la vie, c’est en même temps se sentir
responsable par rapport à ses propres enfants et à tous les enfants de la
continuité du monde. Ce magistrat défendait dans ce rapport l’apprentissage de
la responsabilité des uns et des autres pour redonner à la parentalité toute
son importance dans l’intérêt de l’enfant.
Accompagner
la famille et la soutenir dans l’exercice de la parentalité nécessite de
percevoir l’aspect juridique, et la question traitée aujourd’hui au cours de
cette journée illustre l’évolution législative et règlementaire importante,
qu’il s’agisse de reconnaissance des droits des parents, des enfants ou
d’autorité parentale. Ainsi, avant d’évoquer de façon plus précise et plus
pratique les conséquences d’une séparation enfants / parents dans le cadre d’un
placement ASE, je rappellerai quelques éléments de cette évolution.
EVOLUTION DES TEXTES : RECONNAISSANCE DES DROITS ET AUTORITE
PARENTALE
S’agissant
du droits des parents, dès 1984, la loi du 6 juin a constitué une avancée
importante. Portant sur le droit des familles dans leurs relations avec les
services chargés de la protection de l’enfance, elle énonces plusieurs
principes :
·
Droit d’être informé sur les conditions et les conséquences de
l’intervention sociale
·
Droit d’être accompagné dans ses demandes par une personne de son choix
·
Droit pour les parents de participer aux décisions essentielles
concernant leur enfant
·
Droit pour l’enfant d’être associé aux mesures les concernant
·
Droit de faire appel contre les décisions d’admission à l’Aide Sociale
à l’Enfance
Cette
loi a réaffirmé ainsi la portée de l’autorité parentale qui implique que les
parents soient informés et associés à toute décision concernant leurs enfants.
Elle permet de légitimer la notion de contrat qui fonde les relations dans le
cadre de la protection administrative. La notion de droits des parents se met
en place progressivement et induit des changements importants dans les
pratiques.
Sans
faire d’historique fastidieux en ce qui concerne l’autorité parentale, je
souhaite juste rappeler que la notion de puissance paternelle n’a disparu de
notre législation qu’en 1970. La notion d’autorité parentale partagée a évolué
depuis, des toilettages et des réformes successives ont eu lieu jusqu’en mars
2002, où la loi relative à l’autorité parentale, dont l’objectif majeur est
d’assurer l’égalité entre tous les enfants, quelle que soit la situation
matrimoniale de leurs parents. Cette loi rappelle que l’autorité parentale a
pour finalité l’intérêt de l’enfant, et qu’à ce titre, elle s’efforce de placer
cet intérêt au centre de chaque dispositif relatif à l’autorité parentale.
L’autorité
parentale est donc définie comme suit :
« ensemble
de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle
appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant
pour le protéger dans sa sécurité, sa santé ou sa moralité, pour assurer son
éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les
parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et
son degré de maturité ».
DROITS DES
PARENTS DONT LES ENFANTS SONT PLACES A L’AIDE SOCIALE A
L’ENFANCE
Contenu du droit de garde du service ASE
Sous
réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité parentale, les mesures prises dans
le cadre de l’assistance éducative ne peuvent en aucun cas porter atteinte à
l’autorité parentale que détiennent le ou les représentants légaux, et
notamment au droit de visite et au droit d’hébergement ( Code de l’Action
Sociale et des Familles). Le Code Civil prévoit que les père et mère, dont
l’enfant a donné lieu à une mesure d’assistance éducative, conservent sur lui
leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas
inconciliables avec l’application de la mesure.
Dans
la mesure où les parents s’intéressent de façon normale à leur enfant, il n’a a
aucune raison de ne pas leur confier toutes les décisions d’une certaine
importance concernant la vie de l’enfant, les décisions quotidiennes étant
prises par le service en accord avec eux.
Les
père et mère, dont l’enfant fait l’objet
d’une mesure d’assistance éducative, conservent l’exercice de l’autorité
parentale sur leur enfant mais seulement si cet exercice est compatible avec la
mesure décidée par le juge :ceux relatifs à la personne de l’enfant, ainsi
que ceux relatifs à ses biens (administration légale).
LES ATTRIBUTS RELATIFS A
LES
ATTRIBUTS RELATIFS AUX BIENS DE L’ENFANT
L’administration
et la jouissance des biens de l’enfant appartiennent conjointement au père et à
la mère, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale.
DROIT DE RELATIONS, DROIT DE VISITE ET DE SORTIE POUR UN ENFANT CONFIE
A L’ASE PAR UN MAGISTRAT
-
Le service ASE exerce ces droits en accord avec la famille : le
service ne peut, de lui-même, en aucun cas supprimer ces droits.
-
Le magistrat a réglementé ces droits, nombre de visites, de
sorties : le service ASE reste maître, cependant, des modalités d’exercice
de ces droits fixés. En cas de contestation d’une décision de l’administration
concernant le droit de visite ou toute autre décision prise par le service ASE
au regard de l’autorité parentale qui appartient toujours aux parents, le juge
des enfants est toujours compétent ;
-
Les parents conservent un droit de correspondance, dont les modalités
sont fixés par le juge.
ACTES USUELS :
La
loi du 22.07.1987 a introduit dans la législation le concept d’actes
usuels : quand l’enfant est confié à un tiers, celui-ci accomplit tous les
actes usuels relatifs à la surveillance et à son éducation. Le service ASE doit
pouvoir exercer tous les actes usuels relatifs à la surveillance et à
l’éducation de l’enfant.
LES ACTES NON USUELS :
Pour
les actes non usuels qui engagent le devenir de l’enfant, en cas de conflit
grave sur des actes importants, le juge des enfants doit intervenir et
confirmer ou infirmer l’intervention du service ASE sur le point litigieux par
une décision de justice susceptible d’appel par les parents. Cette procédure
reste exceptionnelle (autorisation d’opérer, de départ à l’étranger avec une
école…)
Il doit être naturellement tenu compte de la
volonté de l’enfant, celui-ci étant le premier concerné. Le droit accorde des
pouvoirs propres à l’enfant : le mineur signe lui-même son contrat
d’apprentissage, peut obtenir des moyens contraceptifs et se faire soigner de
façon anonyme pour les maladies sexuellement transmissibles, saisir le juge des
enfants…Le Code Civil prévoit, inspiré directement de
Contribution 9b
L’EVOLUTION DU TRAVAIL DES REFERENTS A.S.E.
Ginette PEREIRA, Educatrice Spécialisée
Pendant longtemps, les Juges des Enfants ou les
parents confiaient les enfants à l’Aide Sociale à l’Enfance ; ceux-ci
étaient placés dans des institutions ou des familles d’accueil, sans qu’un
travail d’accompagnement ait été pensé, d’où peu de travail autour du lien
parents/enfants.
Le
rapport Bianco LAMY a mis en évidence les carences du suivi des enfants qui
étaient confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance.
A partir
de cela, la volonté politique du Conseil Général a permis dans notre
département, dès 1983/1984 la mise en place progressive des équipes enfance.
Ces équipes ont toujours pour mission le suivi des enfants placés. En effet,
chaque jeune est suivi par un travailleur social, référent extérieur au lieu de
placement. Celui-ci est chargé de veiller au maintien des liens et bien sûr
d’effectuer un travail auprès des parents afin d’envisager le retour de
l’enfant dès que cela est possible.
Dans mon
parcours professionnel, j’ai pu constater qu’on est passé d’une quasi
inexistance de travail autour du lien parents/enfant à une autre extrême, qui a
été de maintenir à tout prix le lien parents/enfants.
Aujourd’hui,
le travail du référent s’attache davantage à la prise en compte de la singularité
de chaque situation (ce qui est plus approprié car plus individualisé).
Ce
travail me paraît plus cohérent car il prend davantage en compte les
dysfonctionnements familiaux, la pathologie des parents et les besoins de
l’enfant en fonction de son âge et de son histoire.
Plusieurs
statuts distinguent les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance :
AP
GP
Pupille
ou tutelle d’Etat
D.A.P.
Ceux-ci
sont envisagés en fonction de l’histoire familiale et du danger ou risque de
danger vécu par l’enfant. Celui-ci ne reste pas figé, il peut se modifier au
cours du placement.
L’accueil
provisoire est un contrat administratif d’un an maximum, renouvelable signé par
l’inspecteur et les parents à leur demande. Ce type de placement fait souvent
suite à un travail éducatif en amont qui
a mis en évidence une situation familiale préoccupante qui s’aggrave. Les
intervenants sociaux font le constat que l’accompagnement éducatif n’est plus
suffisant ou ne donne pas les résultats escomptés et vont amener progressivement
les parents à se l’approprier.
Cette
décision élaborée en concertation avec la famille doit être comprise de tous
pour que le travail se poursuive pendant le placement. En effet, ils resteront
les interlocuteurs privilégiés et seront associés autant que faire ce peut au
quotidien de leur enfant. L’exercice de leur autorité parentale sera
régulièrement sollicité.
Le
statut de garde provisoire intervient sur décision judiciaire, parfois en
urgence. Ce type de placement est envisagé lorsqu’il y a danger ou risque de
danger avéré pour l’enfant.
Bien que ce placement soit une mesure autoritaire, les juges des enfants
essaient d’obtenir l’adhésion des parents ou du moins tentent de les amener à
la compréhension de cette décision.
D’ailleurs,
lors de tensions extrêmes, surtout avec des adolescents, il n’est pas rare que
les parents demandent eux-mêmes un accueil provisoire au magistrat, car ils se
rendent compte qu’ils sont dans une impasse.
Le
placement peut alors apparaître comme un moyen temporaire d’apaiser les
tensions familiales.
Tout comme pour le statut précédent, les parents
seront régulièrement sollicités dans l’exercice de leur autorité parentale.
Lorsque
les enfants sont placés, ils bénéficient d’une prise en charge éducative et parfois psychologique au sein de leur
établissement.
Parallèlement,
si l’on veut que l’évolution soit réelle et qu’un retour de l’enfant soit
envisagé, il est nécessaire de rencontrer régulièrement les parents, même si
parfois c’est long et difficile à mettre en place.
Ces
rencontres vont leur permettre d’évoquer la souffrance que génère le placement,
mais aussi de prendre conscience des dysfonctionnements familiaux et de
l’absence de cadre sécurisant qui ont nécessité la séparation.
Bien
souvent, l’accompagnement éducatif va leur permettre de reprendre confiance en
eux et se réapproprier progressivement leur fonction parentale.
Les
parents seront dans la mesure du possible associés à l’éducation, aux décisions
importantes concernant la santé, la vie quotidienne, l’évolution et
l’orientation scolaire de leur enfant (rencontres des enseignants, départ en
classe transplantée, signature des différents documents).
Ce
travail d’accompagnement va également permettre de resituer l’enfant dans sa
famille, y compris dans la famille élargie (grands-parents, oncles, tantes..).
Mais, aussi de favoriser, voire de développer autant que faire ce peut les
liens entre les fratries, notamment lorsqu’il s’agit de familles recomposées
En
effet, on constate parfois quand il y a séparation, qu’un des parents est peu
présent et n’occupe plus réellement sa place.
Le
travail entrepris tant avec le père qu’avec la mère, mais aussi le fait que
l’enfant soit en dehors du contexte familial, va parfois permettre au parent
qui était relativement extérieur, de prendre conscience de ce manque et de se
réapproprier progressivement sa place auprès de l’enfant. Il pourra de nouveau
l’inscrire dans son histoire familiale et culturelle. (évoquer deux exemples)
Bien
sûr, ce travail de lien parent/enfant est effectué généralement en étroite collaboration avec l’équipe
éducative du lieu de placement de l’enfant.
Dans les
situations de placement, le référent est un tiers modérateur.
Lorsque
les parents sont atteints d’une pathologie
lourde, le travail est souvent difficile à mettre en place et il me
paraît donc essentiel de travailler avec les services spécialisés, afin de
dégager ensemble les axes de travail qui vont permettre au parent d’exercer sa
parentalité. Ce type de travail impose que le parent accepte d’être suivi et
que les institutions soient en capacité de mettre en œuvre un réel travail de
partenariat dans l’intérêt des familles (échanges, réflexions et rencontres).
L’accompagnement
éducatif va permettre à l’enfant de rencontrer lorsque c’est possible le parent
malade.
Dans la
majorité de ces situations, lorsque l’enfant a pu bénéficier d’un
accompagnement régulier et rassurant, il va pouvoir davantage accepter et
comprendre progressivement les réelles difficultés psychologiques du parent.
Ceci demande,
bien sûr, du temps mais il me semble que l’enfant a besoin de cette
connaissance pour se construire et grandir.
Dans ces situations, le choix de l’institution qui va accueillir l’enfant est
important, car les équipes auront généralement à gérer les rencontres
parents/enfants et à les médiatiser, cela implique qu’elles soient en mesure et
en capacité de les assurer
-
illustrer avec Mme M, de
part sa pathologie et son environnement familial, cette maman n’a pu protéger
ses enfants, d’où un signalement et placement des trois enfants
De plus
en plus de jeunes ayant atteints ou proche de leur majorité font des demandes
de placement.
Notre
travail va consister à évaluer la demande du jeune qui souvent se présente
comme étant « victime » : d’un climat familial, conflictuel
parfois avec des violences physiques ou morales.
Il est
fréquent, en effet que la majorité du jeune fasse ré-apparaître des épisodes
anciens qui n’ont pas été élaborés ou réglés ou alors que les parents ne
parviennent pas à accéder à la demande d’un peu d’autonomie de leur jeune
(surtout si celui-ci ne correspond pas à l’idéal parental).
L’autorité
parentale est certes temporaire, néanmoins les parents conservent après la
majorité de leur enfant, l’obligation alimentaire. De ce fait, les parents vont
être sollicités pendant l’évaluation de la demande, afin que le travailleur
social ait une meilleure perception des difficultés rencontrées, sachant que le
placement est une décision importante qui ne doit pas être banalisée
En
effet, la période d’adolescence s’exprime parfois sous forme d’une crise du
jeune, qui met forcément en position difficile les parents.
Ils se
sentent impuissants, remis en question dans leur rôle parental.
De ce fait, leur participation à l’évaluation puis à l’élaboration du projet
qui va être mis en place, pourra éviter que le conflit se cristallise autour de
la problématique avec le jeune, pouvant entrainer une rupture brutale.
Celle-ci
serait vécue par les parents comme « une cassure », voire une
blessure narcissique profonde, qui risque de ne pas faciliter le rétablissement
du dialogue et de la communication avec leur jeune.
Avec le
recul, le travail effectué dans ces situations de placement, nous amène à faire
le constat que l’absence de lien sera à un moment ou un autre une souffrance
pour le jeune.
Il me
paraît donc difficile de faire l’économie de ce travail avec les parents qui va
peut-être aboutir au placement.
Mais, on
s’aperçoit aussi qu’il peut y avoir parfois d’autres solutions que le
placement :
-
soit un relais pris par un
membre de la famille élargie
-
soit un maintien au
domicile avec un accompagnement éducatif.
Il faut
parfois faire preuve d’imagination et de souplesse afin d’essayer de mettre en
place d’autres solutions moins radicale que le placement
CONCLUSION :
Le
travail du référent : travail de longue haleine et de patience, il s’avère
qu’une problématique trop lourde ne pourra peut être pas amener les parents à
dépasser leur dysfonctionnement.
Il me
semble donc important de respecter leurs défaillances plutôt que les rendre
destinataires d’exigences qu’ils ne sont pas en mesure d’assurer pour
l’instant.
Il m’a
semblé important d’associer Mme BOCQUIE, psychologue au foyer le Relais de
VITRY qui a mis en place avec des membres de l’équipe éducative, des réunions
avec les parents, dont les enfants leur sont confiés.
Contribution 9c
LE TRAVAIL AVEC LES FAMILLES AU
FOYER DEPARTEMENTAL LE RELAIS
Corinne
BOQUIE, Psychologue
Exerçant en tant que psychologue depuis plus de
vingt ans au Foyer départemental le Relais à Vitry, j’ai pu assister à
l’évolution du travail avec les familles dont les enfants étaient placés au
Relais, soit par mesure judiciaire soit par mesure administrative.
Je vous propose un bref rappel historique du travail
avec les familles, au sein du Relais, depuis 1981.
A l’époque, les entretiens avec les familles
n’étaient pas formalisés, c’est à peine si les parents franchissaient le
portail pour venir chercher leurs enfants et rencontrer les éducateurs, encore
moins la directrice ou la psychologue ! C’est cette première forme de
rencontre qui a été inscrite de manière officielle au niveau du protocole
d’admission dès cette époque.
Dès lors, avant l’admission définitive du jeune, un
entretien est proposé à la famille, en présence du jeune, de l’équipe du Relais
( incluant un éducateur, l’éducatrice chef, la psychologue) mais aussi du
référent extérieur, afin de clarifier les motifs du placement et les enjeux de
celui-ci. En effet, il parait primordial d’associer le plus étroitement
possible la famille dans la démarche de placement, afin de développer au
maximum une collaboration des parents avec l’équipe éducative. Cette tentative
de mise en confiance, la plus immédiate possible, des parents vis à vis de la
structure d’accueil de leur enfant a pour but de favoriser au plus vite un
sentiment de confiance pour le jeune, en vue d’augmenter les chances d’une
bonne adaptation au sein du foyer.
De toute évidence, un jeune, pour lequel une
relation de dialogue et de confiance s’instaure rapidement avec sa
famille, s’autorisera davantage à
s’investir au Relais et à s’y sentir bien. De plus, la cohésion et le dialogue,
entre sa famille et l’équipe éducative, favorisent le développement d’un sentiment
de sécurité chez le jeune, limitant ainsi l’apparition d’un conflit de loyauté.
Dans la logique des entretiens de famille mis en
place dès l’admission, nous avons instauré des entretiens trimestriels
associant toujours le référent extérieur aux rencontres avec la famille. Dans
le cadre de ces entretiens, les problématiques familiales, les difficultés
personnelles du jeune sont abordées de manière spécifique, afin de suivre
l’évolution du jeune et de sa famille au regard du projet initialement posé,
lors de l’admission et en fonction du motif de placement.
Dans nombre de cas, ces entretiens ont permis de
travailler plus en profondeur la relation du ou des parents avec le jeune, en
favorisant la mise en mots de ce qui pose problème et de ce qui génère un
disfonctionnement de la communication intra familiale.
A d’autres occasions, l’écoute de chacun, la
circulation de la parole a permis l’émergence de difficultés familiales nous
amenant à proposer une orientation en consultation extérieure de type thérapie
familiale et/ou conjugale.
En ce qui concerne la mise en place de thérapies
pour le jeune, elles sont préparées lors du placement, souvent mises en place
au cours du séjour au Relais, en accord avec la famille.
Parallèlement à ces entretiens familiaux, il nous
est apparu de plus en plus nécessaire d’associer les parents à la prise en
charge de leur enfant, tant au niveau du quotidien, ( accompagnements santé,
achats de vêtements, rencontres avec l’école etc.…) qu’au niveau de la vie
associative du Foyer.
Au delà de certaines fêtes, le projet de
correspondance et d’échange avec des jeunes d’un foyer du Burkina Faso,
mis en place depuis
Cette expérience a débouché sur la mise en place de
réels échanges entre les correspondants. Tantôt une dizaine de jeunes du Relais
partent au Burkina à la rencontre de leurs correspondants, dans un contexte
totalement inconnu pour eux ; tantôt ce sont les burkinabés qui viennent
au Relais, découvrir l’univers d’un autre continent… entre temps, nous avons
monté un projet parallèle consistant à organiser un échange d’éducateurs :
sur une période de 4 à 6 semaines, un éducateur français part au Burkina pendant
qu’un éducateur africain vient travailler au Relais. Ceci s’inscrit dans le but
d’un partage de pratiques éducatives, où chacun peut apporter quelque chose à
l’autre.
Sur le plan éducatif, ce projet intéresse toute la
maison, tant les jeunes que leurs parents. Lorsque les burkinabés viennent au
Relais, c’est l’occasion de fêtes où les parents sont largement associés, dans
l’idée d’un partage avec l’ensemble de la maison, mais surtout avec leur
enfant, dans un contexte de vie associative. Lors de la dernière venue des
correspondants, certains parents ont accueilli le correspondant de leur enfant,
une journée, voir une nuit chez eux et ce fut un grand moment riche en
souvenirs pour chacun, grands et petits…
Enfin, toujours dans le domaine du travail avec les familles,
nous avons mis en place, depuis 1998 des
Réunions de Parents, dans un esprit similaire à ce qui se pratique aux Accueils
Educatifs en Val de Marne ( anciennement connus sous l’appellation «
Il nous est apparu de manière assez évidente que
certains parents se trouvaient démunis face aux problèmes d’ordre éducatif, et
ne demandaient pas mieux que de pouvoir investir un lieu où la parole puisse
circuler. Dans cet esprit, il nous paraissait important d’offrir un espace où
la liberté d’expression serait privilégiée, où une certaine égalité serait de
rigueur afin de développer davantage le côté « adultes » plutôt que
« professionnels-parents ». En effet, ne sommes-nous pas tous des
adultes et par conséquent d’anciens enfants ? ayant eu chacun à faire avec
nos propres parents ? étant nous-mêmes parents ( ou potentiellement pour
certains éducateurs) ?
Toutes ces questions nous amènent vers un pôle
commun où le sujet de l’éducation des enfants nous concerne. Nos propres
références font nécessairement partie de notre bagage culturel, et même si des
formations spécifiques sont venues étayer nos références personnelles, nos
souvenirs, notre vécu, sont présents et peuvent aussi servir d’exemple… Dans
cette atmosphère où les thèmes variés se mettent en scène, la parole s’échange,
permettant des alliances dans tous les sens. Dans cet échange, les alliances
sont possibles à tous les niveaux, favorisant le décloisonnement
« professionnels/parents »… en effet, selon les thèmes, des exemples
plus personnels peuvent venir illustrer un propos, favorisant l’expression d’autres
point de vue, d’autres souvenirs…
D’une manière générale, l’esprit de convivialité est
volontairement instauré, autour d’un café, le samedi matin à 10 heures, pendant
que les enfants sont à l’école. Celle-ci se termine sur un apéritif durant
lequel les enfants se joignent, ravis de partager ce temps au milieu des
adultes réunis. Les réunions se déroulent sur un rythme d’une fois tous les
deux ou trois mois, et sont toujours suivies d’un compte-rendu envoyé à tous
les parents, afin que chacun se sente associé et puisse se joindre à la
prochaine.
Sur la demande des parents, des thèmes peuvent être
proposés à l’avance, pour permettre à certains de réfléchir avant la réunion.
Par ailleurs, toujours à la demande de certains parents qui fréquentent
régulièrement le groupe, il a été décidé que les parents dont les jeunes
rentrent au domicile seront invités durant toute l’année suivant le retour,
afin de maintenir pour eux la possibilité de fréquenter cet espace-parole.
Evidemment, pour les familles ( rares) qui viennent
régulièrement, l’invitation peut se poursuivre sur un temps plus long.
Pour le moment, nous ne sommes pas débordés par une fréquentation trop
abondante de parents dont les enfants sont rentrés au domicile. Seule, la
réunion de septembre compte plusieurs parents dont les enfants viennent de
rentrer au domicile, mais à part quelques rares exceptions, il semble qu’une
réunion après le retour suffise… même si les invitations sont adressées durant
l’année entière.
En terme de fréquentation, sur une population de 31
jeunes ( dont quelques fratries ), nous recevons en moyenne ( et de manière
fluctuante) environ 6 à 8 parents d’enfants placés et 1 à 3 parents d’enfants
rentrés au domicile.
Lors de ces réunions, certains membres de l’équipe
éducative du Relais sont toujours présents, à savoir la directrice, le cadre
socio-éducatif, la psychologue ainsi qu’un éducateur de chaque groupe, voir
davantage selon les jours.
Les réunions ont toujours eu lieu, même en nombre
réduit et nous constatons que le groupe a une faculté d’autogestion tout à fait
surprenante qui efface nos réticences du début, où nous craignions ne pas
pouvoir « faire face » à d’éventuelles difficultés. Aujourd’hui nous
constatons que les parents participent chacun à leur manière et, selon l’état
du jour, ils parleront ou seront à l’écoute des autres… des parents en rupture
conflictuelle s’arrangeront pour ne pas venir en même temps ou sauront se
tolérer durant ce temps de rencontre… d’une manière générale, les parents qui
se déplacent savent parfaitement ce qu’ils viennent y puiser et utilisent cet
espace de manière tout à fait appropriée.
Cette forme d’approche et de dialogue n’a pas de
prétention thérapeutique proprement dite, bien que certains témoignages
tendraient à démontrer le contraire.
Ce groupe vise avant tout à ce que chacun puisse
expérimenter le fait de parler et se sentir reconnu à travers sa parole, le
fait d’écouter l’autre et faire écho avec ses propres résonances. Il semble que
pour certains parents, ce lieu convivial représente un des seuls endroits pour
rompre leur solitude et leur absence de dialogue. Certains parents sont tout
étonnés de constater qu’ils sont d’accord avec telle ou telle éducatrice…
qu’ils sont capables de prendre part à une discussion, qu’ils ont un point de
vue et qu’ils parviennent à l’exprimer etc… c’est un lieu favorable pour se
réapproprier la pensée.
En ce sens, offrir à certains parents
particulièrement démunis un espace où leur dignité d’adulte passe par leur
parole, peut donner à ces réunions un caractère sinon thérapeutique, tout du
moins important sur le plan narcissique au niveau de la restauration de l’image
de soi.
Nous pouvons simplement regretter de ne pas réussir
à mobiliser davantage de parents, mais nous savons que pour certains, la discussion
représente une difficulté qui demandera beaucoup de temps pour la surmonter.
Certains parents pourront s’associer lors des fêtes ou des spectacles réalisés
par leur enfant, qui constitue une façon moins menaçante de mettre un pied dans
l’institution.
Des thèmes aussi variés que : « peut-on
considérer la gifle comme une réponse éducative ? », « comment
gérer les sorties des jeunes, au sein du foyer, à la maison ? »,
« l’argent de poche est-elle
obligatoire ? comment apprendre aux jeunes à gérer leurs dépenses ?»
, « comment préparer le retour à la maison ? »… se sont
présentés, et parfois sont revenus au fil des années, au fil des nouveaux
parents…
Les débats durant les réunions de parents ont
influencé l’évolution du suivi éducatif au sein de l’institution. Par exemple,
à la demande de certains parents, il a été abordé la question du retour à la
maison, où certains parents ont pu regretter la coupure trop brutale avec le
Foyer : « notre enfant rentre à la maison à la fin du transfert de
juillet, et après, c’est fini, on ne se revoit plus, pour parler du retour, de
comment se passe la rentrée scolaire… » Nous avons donc mis en place
depuis septembre 2002, à la libre convenance des parents, un entretien de bilan
durant le trimestre suivant le retour de l’enfant au domicile, si possible en
présence du référent extérieur s’il est encore mandaté, afin de faire le point
sur le déroulement de cette nouvelle organisation de vie.
C’est parfois l’occasion de réajuster certaines
choses, notamment lorsqu’il apparaît que l’enfant est beaucoup moins autonome,
qu’il fait des caprices, que certains troubles du comportement réapparaissent…
l’éducateur peut verbaliser à l’enfant sa surprise devant tel ou tel
comportement… s’interroger ouvertement sur ces différences… ouvrir une brèche à
la discussion, permettre à l’enfant de s’expliquer, voir de se plaindre lui
aussi sur des attitudes parentales qui méritent d’être parlées… c’est parfois
l’occasion de réintroduire l’intérêt d’une thérapie pour l’enfant ( si ce n’est
pas déjà mis en place) afin de lui réserver un espace privé en dehors de la
famille.
Le recul n’est pas grand certes, mais il transparaît
déjà que la majorité des familles concernées a répondu favorablement à
l’invitation d’une rencontre. Cela a permis pour l’une ou l’autre des familles,
d’utiliser à bon escient la confiance instaurée lors du placement de leur
enfant, pour aborder des difficultés familiales qui n’avaient jamais pu se
parler auparavant… pour d’autres, c’est l’occasion d’exprimer son soulagement
dans la mesure où le retour se passe mieux que ce qu’ils prévoyaient !!
Enfin, toujours dans l’esprit d’améliorer le travail
avec les familles et la qualité de relation parents/enfants, nous avons aménagé
un studio au sein de l’établissement, afin d’offrir un lieu d’accueil et de
visite plus convivial. Ce local, aménagé d’un salon, agrémenté d’une cuisine et
sanitaires permet aux parents de venir voir leur(s) enfant(s) sur le lieu du
placement ( lorsque, seul le droit de visite est autorisé ou pour des parents
S.D.F). Les conditions de visites sont beaucoup plus agréables dans ce lieu qui
se situe en dehors du groupe de vie, et favorise l’instauration d’une certaine
qualité relationnelle où des partages de vie peuvent se mettre en place. C’est
l’occasion de prendre un goûter ensemble, de faire un jeu… il est même
envisageable que certains parents viennent confectionner un repas pour le
partager avec leur enfant, dans le cadre d’une journée de visite.
Selon les situations, un professionnel de la maison
peut être présent tout ou partie de la rencontre, faisant alors fonction de
médiateur.
Ce lieu est aussi investi dans le cadre de certaines
réunions de famille.
Voilà un bref aperçu du travail qui s’engage avec
les familles, dans le cadre des placements à moyens et long séjour au Foyer le
Relais. Nous partons de l’idée que la famille est irremplaçable, unique, et
que, même s’il s’avère nécessaire parfois d’inscrire une séparation momentanée
ou plus longue dans le cursus familial de l’enfant, il nous paraît primordial
de lui apprendre à faire avec la réalité de ses parents, tout en les associant
au maximum à la prise en charge de leur enfant, dans la mesure des
possibilités, au regard de chaque situation.