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Contributions Numéro 9

LORSQUE, TEMPORAIREMENT, LES ENFANTS ET LES PARENTS N’HABITENT PAS ENSEMBLE  

 

 

Contribution 9a

 

PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT A L’ASE ET EVOLUTION DES DROITS DES PARENTS.

Evelyne CORNOLO, inspectrice à l’ASE du Val de Marne

 

Un rapport de 1998 de M. A. Bruel concluait ainsi : Si être parent , c’est être acteur de la transmission de la vie, c’est en même temps se sentir responsable par rapport à ses propres enfants et à tous les enfants de la continuité du monde. Ce magistrat défendait dans ce rapport l’apprentissage de la responsabilité des uns et des autres pour redonner à la parentalité toute son importance dans l’intérêt de l’enfant.

Accompagner la famille et la soutenir dans l’exercice de la parentalité nécessite de percevoir l’aspect juridique, et la question traitée aujourd’hui au cours de cette journée illustre l’évolution législative et règlementaire importante, qu’il s’agisse de reconnaissance des droits des parents, des enfants ou d’autorité parentale. Ainsi, avant d’évoquer de façon plus précise et plus pratique les conséquences d’une séparation enfants / parents dans le cadre d’un placement ASE, je rappellerai quelques éléments de cette évolution.

 

EVOLUTION DES TEXTES : RECONNAISSANCE DES DROITS ET AUTORITE PARENTALE

 

S’agissant du droits des parents, dès 1984, la loi du 6 juin a constitué une avancée importante. Portant sur le droit des familles dans leurs relations avec les services chargés de la protection de l’enfance, elle énonces plusieurs principes :

·         Droit d’être informé sur les conditions et les conséquences de l’intervention sociale

·         Droit d’être accompagné dans ses demandes par une personne de son choix

·         Droit pour les parents de participer aux décisions essentielles concernant leur enfant

·         Droit pour l’enfant d’être associé aux mesures les concernant

·         Droit de faire appel contre les décisions d’admission à l’Aide Sociale à l’Enfance

Cette loi a réaffirmé ainsi la portée de l’autorité parentale qui implique que les parents soient informés et associés à toute décision concernant leurs enfants. Elle permet de légitimer la notion de contrat qui fonde les relations dans le cadre de la protection administrative. La notion de droits des parents se met en place progressivement et induit des changements importants dans les pratiques.

La Convention Internationale des Droits de l’Enfant vient poursuivre l’évolution en considérant que l’enfant existe désormais pour lui-même, il a des droits, il est un adulte en devenir que les parents ou leur substitut ont à conduire progressivement jusqu’à l’âge adulte.

 

Sans faire d’historique fastidieux en ce qui concerne l’autorité parentale, je souhaite juste rappeler que la notion de puissance paternelle n’a disparu de notre législation qu’en 1970. La notion d’autorité parentale partagée a évolué depuis, des toilettages et des réformes successives ont eu lieu jusqu’en mars 2002, où la loi relative à l’autorité parentale, dont l’objectif majeur est d’assurer l’égalité entre tous les enfants, quelle que soit la situation matrimoniale de leurs parents. Cette loi rappelle que l’autorité parentale a pour finalité l’intérêt de l’enfant, et qu’à ce titre, elle s’efforce de placer cet intérêt au centre de chaque dispositif relatif à l’autorité parentale.

 

L’autorité parentale est donc définie comme suit :

 

« ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé ou sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».

DROITS DES PARENTS DONT LES ENFANTS SONT PLACES A L’AIDE SOCIALE A L’ENFANCE

 

Contenu du droit de garde du service ASE

 

Sous réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité parentale, les mesures prises dans le cadre de l’assistance éducative ne peuvent en aucun cas porter atteinte à l’autorité parentale que détiennent le ou les représentants légaux, et notamment au droit de visite et au droit d’hébergement ( Code de l’Action Sociale et des Familles). Le Code Civil prévoit que les père et mère, dont l’enfant a donné lieu à une mesure d’assistance éducative, conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l’application de la mesure.

 

Dans la mesure où les parents s’intéressent de façon normale à leur enfant, il n’a a aucune raison de ne pas leur confier toutes les décisions d’une certaine importance concernant la vie de l’enfant, les décisions quotidiennes étant prises par le service en accord avec eux.

Les père et mère,  dont l’enfant fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative, conservent l’exercice de l’autorité parentale sur leur enfant mais seulement si cet exercice est compatible avec la mesure décidée par le juge :ceux relatifs à la personne de l’enfant, ainsi que ceux relatifs à ses biens (administration légale).

 

 

LES ATTRIBUTS RELATIFS A LA PERSONNE DE L’ENFANT :

 

 

LES ATTRIBUTS RELATIFS AUX BIENS DE L’ENFANT

 

L’administration et la jouissance des biens de l’enfant appartiennent conjointement au père et à la mère, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale.

 

DROIT DE RELATIONS, DROIT DE VISITE ET DE SORTIE POUR UN ENFANT CONFIE A L’ASE PAR UN MAGISTRAT

 

-          Le service ASE exerce ces droits en accord avec la famille : le service ne peut, de lui-même, en aucun cas supprimer ces droits.

-          Le magistrat a réglementé ces droits, nombre de visites, de sorties : le service ASE reste maître, cependant, des modalités d’exercice de ces droits fixés. En cas de contestation d’une décision de l’administration concernant le droit de visite ou toute autre décision prise par le service ASE au regard de l’autorité parentale qui appartient toujours aux parents, le juge des enfants est toujours compétent ;

-          Les parents conservent un droit de correspondance, dont les modalités sont fixés par le juge.

 

 

 

 

ACTES USUELS :

 

La loi du 22.07.1987 a introduit dans la législation le concept d’actes usuels : quand l’enfant est confié à un tiers, celui-ci accomplit tous les actes usuels relatifs à la surveillance et à son éducation. Le service ASE doit pouvoir exercer tous les actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant.

 

LES ACTES NON USUELS :

 

Pour les actes non usuels qui engagent le devenir de l’enfant, en cas de conflit grave sur des actes importants, le juge des enfants doit intervenir et confirmer ou infirmer l’intervention du service ASE sur le point litigieux par une décision de justice susceptible d’appel par les parents. Cette procédure reste exceptionnelle (autorisation d’opérer, de départ à l’étranger avec une école…)

 

LA VOLONTE DE L’ENFANT :

 

 Il doit être naturellement tenu compte de la volonté de l’enfant, celui-ci étant le premier concerné. Le droit accorde des pouvoirs propres à l’enfant : le mineur signe lui-même son contrat d’apprentissage, peut obtenir des moyens contraceptifs et se faire soigner de façon anonyme pour les maladies sexuellement transmissibles, saisir le juge des enfants…Le Code Civil prévoit, inspiré directement de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, la possibilité pour le mineur capable de discernement, de demander à être entendu dans toute procédure le concernant et d’être accompagné par toute personne de son choix.

 

Contribution 9b

 

L’EVOLUTION DU TRAVAIL DES REFERENTS A.S.E.

Ginette PEREIRA, Educatrice Spécialisée

 

Pendant longtemps, les Juges des Enfants ou les parents confiaient les enfants à l’Aide Sociale à l’Enfance ; ceux-ci étaient placés dans des institutions ou des familles d’accueil, sans qu’un travail d’accompagnement ait été pensé, d’où peu de travail autour du lien parents/enfants.

 

Le rapport Bianco LAMY a mis en évidence les carences du suivi des enfants qui étaient confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance.

 

A partir de cela, la volonté politique du Conseil Général a permis dans notre département, dès 1983/1984 la mise en place progressive des équipes enfance.


Ces équipes ont toujours pour mission le suivi des enfants placés. En effet, chaque jeune est suivi par un travailleur social, référent extérieur au lieu de placement. Celui-ci est chargé de veiller au maintien des liens et bien sûr d’effectuer un travail auprès des parents afin d’envisager le retour de l’enfant dès que cela est possible.

 

Dans mon parcours professionnel, j’ai pu constater qu’on est passé d’une quasi inexistance de travail autour du lien parents/enfant à une autre extrême, qui a été de maintenir à tout prix le lien parents/enfants.

 

Aujourd’hui, le travail du référent s’attache davantage à la prise en compte de la singularité de chaque situation (ce qui est plus approprié car plus individualisé).

 

Ce travail me paraît plus cohérent car il prend davantage en compte les dysfonctionnements familiaux, la pathologie des parents et les besoins de l’enfant en fonction de son âge et de son histoire.

Plusieurs statuts distinguent les enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance :

 

AP

GP

Pupille ou tutelle d’Etat

D.A.P.

 

Ceux-ci sont envisagés en fonction de l’histoire familiale et du danger ou risque de danger vécu par l’enfant. Celui-ci ne reste pas figé, il peut se modifier au cours du placement.

 

L’accueil provisoire est un contrat administratif d’un an maximum, renouvelable signé par l’inspecteur et les parents à leur demande. Ce type de placement fait souvent suite à  un travail éducatif en amont qui a mis en évidence une situation familiale préoccupante qui s’aggrave. Les intervenants sociaux font le constat que l’accompagnement éducatif n’est plus suffisant ou ne donne pas les résultats escomptés et vont amener progressivement les parents à se l’approprier.

 

Cette décision élaborée en concertation avec la famille doit être comprise de tous pour que le travail se poursuive pendant le placement. En effet, ils resteront les interlocuteurs privilégiés et seront associés autant que faire ce peut au quotidien de leur enfant. L’exercice de leur autorité parentale sera régulièrement sollicité.

 

Le statut de garde provisoire intervient sur décision judiciaire, parfois en urgence. Ce type de placement est envisagé lorsqu’il y a danger ou risque de danger avéré pour l’enfant.


Bien que ce placement soit une mesure autoritaire, les juges des enfants essaient d’obtenir l’adhésion des parents ou du moins tentent de les amener à la compréhension de cette décision.

 

D’ailleurs, lors de tensions extrêmes, surtout avec des adolescents, il n’est pas rare que les parents demandent eux-mêmes un accueil provisoire au magistrat, car ils se rendent compte qu’ils sont dans une impasse.

 

Le placement peut alors apparaître comme un moyen temporaire d’apaiser les tensions familiales.

 

Tout  comme pour le statut précédent, les parents seront régulièrement sollicités dans l’exercice de leur autorité parentale.

 

Lorsque les enfants sont placés, ils bénéficient d’une prise en charge éducative  et parfois psychologique au sein de leur établissement.

 

Parallèlement, si l’on veut que l’évolution soit réelle et qu’un retour de l’enfant soit envisagé, il est nécessaire de rencontrer régulièrement les parents, même si parfois c’est long et difficile à mettre en place.

 

Ces rencontres vont leur permettre d’évoquer la souffrance que génère le placement, mais aussi de prendre conscience des dysfonctionnements familiaux et de l’absence de cadre sécurisant qui ont nécessité la séparation.

 

Bien souvent, l’accompagnement éducatif va leur permettre de reprendre confiance en eux et se réapproprier progressivement leur fonction parentale.

 

Les parents seront dans la mesure du possible associés à l’éducation, aux décisions importantes concernant la santé, la vie quotidienne, l’évolution et l’orientation scolaire de leur enfant (rencontres des enseignants, départ en classe transplantée, signature des différents documents).

 

Ce travail d’accompagnement va également permettre de resituer l’enfant dans sa famille, y compris dans la famille élargie (grands-parents, oncles, tantes..). Mais, aussi de favoriser, voire de développer autant que faire ce peut les liens entre les fratries, notamment lorsqu’il s’agit de familles recomposées

 

En effet, on constate parfois quand il y a séparation, qu’un des parents est peu présent et n’occupe plus réellement sa place.

 

Le travail entrepris tant avec le père qu’avec la mère, mais aussi le fait que l’enfant soit en dehors du contexte familial, va parfois permettre au parent qui était relativement extérieur, de prendre conscience de ce manque et de se réapproprier progressivement sa place auprès de l’enfant. Il pourra de nouveau l’inscrire dans son histoire familiale et culturelle. (évoquer deux exemples)

 

Bien sûr, ce travail de lien parent/enfant est effectué généralement  en étroite collaboration avec l’équipe éducative du lieu de placement de l’enfant.

 

Dans les situations de placement, le référent est un tiers modérateur.

 

Lorsque les parents sont atteints d’une pathologie  lourde, le travail est souvent difficile à mettre en place et il me paraît donc essentiel de travailler avec les services spécialisés, afin de dégager ensemble les axes de travail qui vont permettre au parent d’exercer sa parentalité. Ce type de travail impose que le parent accepte d’être suivi et que les institutions soient en capacité de mettre en œuvre un réel travail de partenariat dans l’intérêt des familles (échanges, réflexions et rencontres).

 

L’accompagnement éducatif va permettre à l’enfant de rencontrer lorsque c’est possible le parent malade.

 

Dans la majorité de ces situations, lorsque l’enfant a pu bénéficier d’un accompagnement régulier et rassurant, il va pouvoir davantage accepter et comprendre progressivement les réelles difficultés psychologiques du parent.

 

Ceci demande, bien sûr, du temps mais il me semble que l’enfant a besoin de cette connaissance pour se construire et grandir.


Dans ces situations, le choix de l’institution qui va accueillir l’enfant est important, car les équipes auront généralement à gérer les rencontres parents/enfants et à les médiatiser, cela implique qu’elles soient en mesure et en capacité de les assurer

 

-          illustrer avec Mme M, de part sa pathologie et son environnement familial, cette maman n’a pu protéger ses enfants, d’où un signalement et placement des trois enfants

 

De plus en plus de jeunes ayant atteints ou proche de leur majorité font des demandes de placement.

 

Notre travail va consister à évaluer la demande du jeune qui souvent se présente comme étant « victime » : d’un climat familial, conflictuel parfois avec des violences physiques ou morales.

 

Il est fréquent, en effet que la majorité du jeune fasse ré-apparaître des épisodes anciens qui n’ont pas été élaborés ou réglés ou alors que les parents ne parviennent pas à accéder à la demande d’un peu d’autonomie de leur jeune (surtout si celui-ci ne correspond pas à l’idéal parental).

 

L’autorité parentale est certes temporaire, néanmoins les parents conservent après la majorité de leur enfant, l’obligation alimentaire. De ce fait, les parents vont être sollicités pendant l’évaluation de la demande, afin que le travailleur social ait une meilleure perception des difficultés rencontrées, sachant que le placement est une décision importante qui ne doit pas être banalisée

 

En effet, la période d’adolescence s’exprime parfois sous forme d’une crise du jeune, qui met forcément en position difficile les parents.

 

Ils se sentent impuissants, remis en question dans leur rôle parental.


De ce fait, leur participation à l’évaluation puis à l’élaboration du projet qui va être mis en place, pourra éviter que le conflit se cristallise autour de la problématique avec le jeune, pouvant entrainer une rupture brutale.

 

Celle-ci serait vécue par les parents comme « une cassure », voire une blessure narcissique profonde, qui risque de ne pas faciliter le rétablissement du dialogue et de la communication avec leur jeune.

 

Avec le recul, le travail effectué dans ces situations de placement, nous amène à faire le constat que l’absence de lien sera à un moment ou un autre une souffrance pour le jeune.

 

Il me paraît donc difficile de faire l’économie de ce travail avec les parents qui va peut-être aboutir au placement.

 

Mais, on s’aperçoit aussi qu’il peut y avoir parfois d’autres solutions que le placement :

 

-          soit un relais pris par un membre de la famille élargie

-          soit un maintien au domicile avec un accompagnement éducatif.

 

Il faut parfois faire preuve d’imagination et de souplesse afin d’essayer de mettre en place d’autres solutions moins radicale que le placement

 

 

CONCLUSION :

 

Le travail du référent : travail de longue haleine et de patience, il s’avère qu’une problématique trop lourde ne pourra peut être pas amener les parents à dépasser leur dysfonctionnement.

 

Il me semble donc important de respecter leurs défaillances plutôt que les rendre destinataires d’exigences qu’ils ne sont pas en mesure d’assurer pour l’instant.

 

Il m’a semblé important d’associer Mme BOCQUIE, psychologue au foyer le Relais de VITRY qui a mis en place avec des membres de l’équipe éducative, des réunions avec les parents, dont les enfants leur sont confiés.

 

Contribution 9c

 

LE TRAVAIL AVEC LES FAMILLES AU FOYER DEPARTEMENTAL LE RELAIS

Corinne BOQUIE, Psychologue

 

Exerçant en tant que psychologue depuis plus de vingt ans au Foyer départemental le Relais à Vitry, j’ai pu assister à l’évolution du travail avec les familles dont les enfants étaient placés au Relais, soit par mesure judiciaire soit par mesure administrative.

 

Je vous propose un bref rappel historique du travail avec les familles, au sein du Relais, depuis 1981.

 

A l’époque, les entretiens avec les familles n’étaient pas formalisés, c’est à peine si les parents franchissaient le portail pour venir chercher leurs enfants et rencontrer les éducateurs, encore moins la directrice ou la psychologue ! C’est cette première forme de rencontre qui a été inscrite de manière officielle au niveau du protocole d’admission dès cette époque.

Dès lors, avant l’admission définitive du jeune, un entretien est proposé à la famille, en présence du jeune, de l’équipe du Relais ( incluant un éducateur, l’éducatrice chef, la psychologue) mais aussi du référent extérieur, afin de clarifier les motifs du placement et les enjeux de celui-ci. En effet, il parait primordial d’associer le plus étroitement possible la famille dans la démarche de placement, afin de développer au maximum une collaboration des parents avec l’équipe éducative. Cette tentative de mise en confiance, la plus immédiate possible, des parents vis à vis de la structure d’accueil de leur enfant a pour but de favoriser au plus vite un sentiment de confiance pour le jeune, en vue d’augmenter les chances d’une bonne adaptation au sein du foyer.

 

De toute évidence, un jeune, pour lequel une relation de dialogue et de confiance s’instaure rapidement avec sa famille,  s’autorisera davantage à s’investir au Relais et à s’y sentir bien. De plus, la cohésion et le dialogue, entre sa famille et l’équipe éducative, favorisent le développement d’un sentiment de sécurité chez le jeune, limitant ainsi l’apparition d’un conflit de loyauté.

 

Dans la logique des entretiens de famille mis en place dès l’admission, nous avons instauré des entretiens trimestriels associant toujours le référent extérieur aux rencontres avec la famille. Dans le cadre de ces entretiens, les problématiques familiales, les difficultés personnelles du jeune sont abordées de manière spécifique, afin de suivre l’évolution du jeune et de sa famille au regard du projet initialement posé, lors de l’admission et en fonction du motif de placement.

 

Dans nombre de cas, ces entretiens ont permis de travailler plus en profondeur la relation du ou des parents avec le jeune, en favorisant la mise en mots de ce qui pose problème et de ce qui génère un disfonctionnement de la communication intra familiale.

A d’autres occasions, l’écoute de chacun, la circulation de la parole a permis l’émergence de difficultés familiales nous amenant à proposer une orientation en consultation extérieure de type thérapie familiale et/ou conjugale.

 

En ce qui concerne la mise en place de thérapies pour le jeune, elles sont préparées lors du placement, souvent mises en place au cours du séjour au Relais, en accord avec la famille.

Parallèlement à ces entretiens familiaux, il nous est apparu de plus en plus nécessaire d’associer les parents à la prise en charge de leur enfant, tant au niveau du quotidien, ( accompagnements santé, achats de vêtements, rencontres avec l’école etc.…) qu’au niveau de la vie associative du Foyer.

 

Au delà de certaines fêtes, le projet de correspondance et d’échange avec des jeunes d’un foyer du Burkina Faso, mis en place depuis 1998, a été l’occasion de monter une association à laquelle beaucoup de parents ont adhéré, convaincus de l’intérêt d’un tel échange pour leurs enfants.

 

Cette expérience a débouché sur la mise en place de réels échanges entre les correspondants. Tantôt une dizaine de jeunes du Relais partent au Burkina à la rencontre de leurs correspondants, dans un contexte totalement inconnu pour eux ; tantôt ce sont les burkinabés qui viennent au Relais, découvrir l’univers d’un autre continent… entre temps, nous avons monté un projet parallèle consistant à organiser un échange d’éducateurs : sur une période de 4 à 6 semaines, un éducateur français part au Burkina pendant qu’un éducateur africain vient travailler au Relais. Ceci s’inscrit dans le but d’un partage de pratiques éducatives, où chacun peut apporter quelque chose à l’autre.

 

Sur le plan éducatif, ce projet intéresse toute la maison, tant les jeunes que leurs parents. Lorsque les burkinabés viennent au Relais, c’est l’occasion de fêtes où les parents sont largement associés, dans l’idée d’un partage avec l’ensemble de la maison, mais surtout avec leur enfant, dans un contexte de vie associative. Lors de la dernière venue des correspondants, certains parents ont accueilli le correspondant de leur enfant, une journée, voir une nuit chez eux et ce fut un grand moment riche en souvenirs pour chacun, grands et petits…

 

Enfin, toujours dans le domaine du travail avec les familles, nous avons mis en place, depuis 1998  des Réunions de Parents, dans un esprit similaire à ce qui se pratique aux Accueils Educatifs en Val de Marne ( anciennement connus sous l’appellation « La Vie Au Grand Air »). Ces réunions ont pour but de proposer aux familles qui le souhaitent, un espace de parole où le sujet de l’éducation des enfants peut être abordé, débattu, échangé.

 

Il nous est apparu de manière assez évidente que certains parents se trouvaient démunis face aux problèmes d’ordre éducatif, et ne demandaient pas mieux que de pouvoir investir un lieu où la parole puisse circuler. Dans cet esprit, il nous paraissait important d’offrir un espace où la liberté d’expression serait privilégiée, où une certaine égalité serait de rigueur afin de développer davantage le côté « adultes » plutôt que « professionnels-parents ». En effet, ne sommes-nous pas tous des adultes et par conséquent d’anciens enfants ? ayant eu chacun à faire avec nos propres parents ? étant nous-mêmes parents ( ou potentiellement pour certains éducateurs) ?

 

Toutes ces questions nous amènent vers un pôle commun où le sujet de l’éducation des enfants nous concerne. Nos propres références font nécessairement partie de notre bagage culturel, et même si des formations spécifiques sont venues étayer nos références personnelles, nos souvenirs, notre vécu, sont présents et peuvent aussi servir d’exemple… Dans cette atmosphère où les thèmes variés se mettent en scène, la parole s’échange, permettant des alliances dans tous les sens. Dans cet échange, les alliances sont possibles à tous les niveaux, favorisant le décloisonnement « professionnels/parents »… en effet, selon les thèmes, des exemples plus personnels peuvent venir illustrer un propos, favorisant l’expression d’autres point de vue, d’autres souvenirs…

 

D’une manière générale, l’esprit de convivialité est volontairement instauré, autour d’un café, le samedi matin à 10 heures, pendant que les enfants sont à l’école. Celle-ci se termine sur un apéritif durant lequel les enfants se joignent, ravis de partager ce temps au milieu des adultes réunis. Les réunions se déroulent sur un rythme d’une fois tous les deux ou trois mois, et sont toujours suivies d’un compte-rendu envoyé à tous les parents, afin que chacun se sente associé et puisse se joindre à la prochaine.

 

Sur la demande des parents, des thèmes peuvent être proposés à l’avance, pour permettre à certains de réfléchir avant la réunion. Par ailleurs, toujours à la demande de certains parents qui fréquentent régulièrement le groupe, il a été décidé que les parents dont les jeunes rentrent au domicile seront invités durant toute l’année suivant le retour, afin de maintenir pour eux la possibilité de fréquenter cet espace-parole.

 

Evidemment, pour les familles ( rares) qui viennent régulièrement, l’invitation peut se poursuivre sur un temps plus long. Pour le moment, nous ne sommes pas débordés par une fréquentation trop abondante de parents dont les enfants sont rentrés au domicile. Seule, la réunion de septembre compte plusieurs parents dont les enfants viennent de rentrer au domicile, mais à part quelques rares exceptions, il semble qu’une réunion après le retour suffise… même si les invitations sont adressées durant l’année entière.  

 

En terme de fréquentation, sur une population de 31 jeunes ( dont quelques fratries ), nous recevons en moyenne ( et de manière fluctuante) environ 6 à 8 parents d’enfants placés et 1 à 3 parents d’enfants rentrés au domicile.

 

Lors de ces réunions, certains membres de l’équipe éducative du Relais sont toujours présents, à savoir la directrice, le cadre socio-éducatif, la psychologue ainsi qu’un éducateur de chaque groupe, voir davantage selon les jours.

 

Les réunions ont toujours eu lieu, même en nombre réduit et nous constatons que le groupe a une faculté d’autogestion tout à fait surprenante qui efface nos réticences du début, où nous craignions ne pas pouvoir « faire face » à d’éventuelles difficultés. Aujourd’hui nous constatons que les parents participent chacun à leur manière et, selon l’état du jour, ils parleront ou seront à l’écoute des autres… des parents en rupture conflictuelle s’arrangeront pour ne pas venir en même temps ou sauront se tolérer durant ce temps de rencontre… d’une manière générale, les parents qui se déplacent savent parfaitement ce qu’ils viennent y puiser et utilisent cet espace de manière tout à fait appropriée.

 

Cette forme d’approche et de dialogue n’a pas de prétention thérapeutique proprement dite, bien que certains témoignages tendraient à démontrer le contraire.

 

Ce groupe vise avant tout à ce que chacun puisse expérimenter le fait de parler et se sentir reconnu à travers sa parole, le fait d’écouter l’autre et faire écho avec ses propres résonances. Il semble que pour certains parents, ce lieu convivial représente un des seuls endroits pour rompre leur solitude et leur absence de dialogue. Certains parents sont tout étonnés de constater qu’ils sont d’accord avec telle ou telle éducatrice… qu’ils sont capables de prendre part à une discussion, qu’ils ont un point de vue et qu’ils parviennent à l’exprimer etc… c’est un lieu favorable pour se réapproprier la pensée.

En ce sens, offrir à certains parents particulièrement démunis un espace où leur dignité d’adulte passe par leur parole, peut donner à ces réunions un caractère sinon thérapeutique, tout du moins important sur le plan narcissique au niveau de la restauration de l’image de soi.

 

Nous pouvons simplement regretter de ne pas réussir à mobiliser davantage de parents, mais nous savons que pour certains, la discussion représente une difficulté qui demandera beaucoup de temps pour la surmonter. Certains parents pourront s’associer lors des fêtes ou des spectacles réalisés par leur enfant, qui constitue une façon moins menaçante de mettre un pied dans l’institution.

Des thèmes aussi variés que : «  peut-on considérer la gifle comme une réponse éducative ? », «  comment gérer les sorties des jeunes, au sein du foyer, à la maison ? »,

 

«  l’argent de poche est-elle obligatoire ? comment apprendre aux jeunes à gérer leurs dépenses ?» , « comment préparer le retour à la maison ? »… se sont présentés, et parfois sont revenus au fil des années, au fil des nouveaux parents…

Les débats durant les réunions de parents ont influencé l’évolution du suivi éducatif au sein de l’institution. Par exemple, à la demande de certains parents, il a été abordé la question du retour à la maison, où certains parents ont pu regretter la coupure trop brutale avec le Foyer : «  notre enfant rentre à la maison à la fin du transfert de juillet, et après, c’est fini, on ne se revoit plus, pour parler du retour, de comment se passe la rentrée scolaire… » Nous avons donc mis en place depuis septembre 2002, à la libre convenance des parents, un entretien de bilan durant le trimestre suivant le retour de l’enfant au domicile, si possible en présence du référent extérieur s’il est encore mandaté, afin de faire le point sur le déroulement de cette nouvelle organisation de vie.

 

C’est parfois l’occasion de réajuster certaines choses, notamment lorsqu’il apparaît que l’enfant est beaucoup moins autonome, qu’il fait des caprices, que certains troubles du comportement réapparaissent… l’éducateur peut verbaliser à l’enfant sa surprise devant tel ou tel comportement… s’interroger ouvertement sur ces différences… ouvrir une brèche à la discussion, permettre à l’enfant de s’expliquer, voir de se plaindre lui aussi sur des attitudes parentales qui méritent d’être parlées… c’est parfois l’occasion de réintroduire l’intérêt d’une thérapie pour l’enfant ( si ce n’est pas déjà mis en place) afin de lui réserver un espace privé en dehors de la famille.

 

Le recul n’est pas grand certes, mais il transparaît déjà que la majorité des familles concernées a répondu favorablement à l’invitation d’une rencontre. Cela a permis pour l’une ou l’autre des familles, d’utiliser à bon escient la confiance instaurée lors du placement de leur enfant, pour aborder des difficultés familiales qui n’avaient jamais pu se parler auparavant… pour d’autres, c’est l’occasion d’exprimer son soulagement dans la mesure où le retour se passe mieux que ce qu’ils prévoyaient !!

 

Enfin, toujours dans l’esprit d’améliorer le travail avec les familles et la qualité de relation parents/enfants, nous avons aménagé un studio au sein de l’établissement, afin d’offrir un lieu d’accueil et de visite plus convivial. Ce local, aménagé d’un salon, agrémenté d’une cuisine et sanitaires permet aux parents de venir voir leur(s) enfant(s) sur le lieu du placement ( lorsque, seul le droit de visite est autorisé ou pour des parents S.D.F). Les conditions de visites sont beaucoup plus agréables dans ce lieu qui se situe en dehors du groupe de vie, et favorise l’instauration d’une certaine qualité relationnelle où des partages de vie peuvent se mettre en place. C’est l’occasion de prendre un goûter ensemble, de faire un jeu… il est même envisageable que certains parents viennent confectionner un repas pour le partager avec leur enfant, dans le cadre d’une journée de visite.

 

Selon les situations, un professionnel de la maison peut être présent tout ou partie de la rencontre, faisant alors fonction de médiateur.

 

Ce lieu est aussi investi dans le cadre de certaines réunions de famille.

 

Voilà un bref aperçu du travail qui s’engage avec les familles, dans le cadre des placements à moyens et long séjour au Foyer le Relais. Nous partons de l’idée que la famille est irremplaçable, unique, et que, même s’il s’avère nécessaire parfois d’inscrire une séparation momentanée ou plus longue dans le cursus familial de l’enfant, il nous paraît primordial de lui apprendre à faire avec la réalité de ses parents, tout en les associant au maximum à la prise en charge de leur enfant, dans la mesure des possibilités, au regard de chaque situation.