Retour à l'accueil

Retour aux compte-rendus

 

Aide éducative à domicile contrainte ou comment faire émerger une demande ?

 

 

 

 

2/ Travailleurs sociaux et familles, partenaires indissociables.

 

2-1- Le positionnement professionnel.

 

2-2- La place de la famille dans la mise en œuvre d’une mesure.

 

2-3- L’intervention dans la contrainte.

 

3/ La relation d’aide.

 

3-1- La temporalité

 

3-2- La norme

 

Conclusion

 

 

 

 

 

 

 

Présenté par Estelle CHARNIER-VIART, éducatrice de prévention Agence Territoriale Sud du Département

2- Travailleurs sociaux et familles, partenaires indissociables

 

2-1- Le positionnement professionnel

 

Pour rebondir sur ce que nous dit Béranger quant à la question de l’autorité administrative, je voulais préciser que l’éducateur est lui aussi amené à poser le cadre à la famille en lui rappelant :

-          le cadre contractuel de l’intervention

-          d’expliquer ses fonctions qui peuvent être différentes d’une situation à l’autre

è Fonction d’aide et de conseil

è Fonction de médiation

è Fonction d’identification

è Fonction supplétive

è Fonction d’autorité liée à la dimension de contrainte inhérente à l’éducation

-          de rappeler les modalités de la prise en charge

-          les limites de son intervention : lorsque malgré la mise en place d’une mesure, le danger persiste.

 

2-2- La place de la famille et la mise en œuvre d’une mesure

 

Dans le cadre d’une mesure contractuelle, on place la famille au cœur du dispositif. De la demande à la contractualisation, l’intervention est réfléchie et élaborée en accord avec les parents.

On n’impose pas, on négocie et on amène la famille à réfléchir à la nécessité de mettre en place telle ou telle action. La famille est un véritable partenaire.

La procédure de mise en œuvre d’une AED se décline en plusieurs étapes :

 

1ère étape :

-          évaluations de la situation (en territoire) qui vise à déterminer la nature des difficultés et les évolutions possibles de la famille. Cette préparation nécessite une concertation avec l’ensemble des titulaires de l’autorité parentale.

2ème étape :

-          Entretien préliminaire d’information aux familles par le travailleur social qui permet :

è  De reposer le cadre de l’intervention,

è  À la famille d’exprimer ses difficultés,

è  De respecter ses droits et garantir sa liberté de parole et de décision,

è  De préparer l’enfant ou l’adolescent à l’intervention d’un tiers,

è  De connaître la mission globale du service et des moyens,

è  De connaître l’avis du mineur.

3ème étape :

A l’issue de ce travail préalable, la situation est présentée en équipe pluridisciplinaire en MDS appelée chez nous Instance Enfance et Famille (IEF) pour proposition.

La famille doit formaliser sa demande par écrit adressée au PCG et le dossier instruit est étudié et validé au Service Enfance et Famille (SEF) qui rend la décision par courrier aux parents.

La mesure sera contractualisée dans les trois mois qui suivent l’accord de décision et les objectifs sont réfléchis en accord avec la famille.

 

2-3- L’intervention dans la contrainte

 

 

Avant de vous parler de l’aide contrainte, juste vous rappeler les définitions du dictionnaire des mots AIDE et CONTRAINTE :

Aide : action d’intervenir en faveur d’une personne en joignant ses efforts aux siens.

Contrainte : Violence exercée contre quelqu’un, entrave à la liberté d’action.

 

La mesure d’accompagnement dite « contrainte » se met en place principalement à la suite de l’évaluation Information Préoccupante (IP) qui met en exergue des éléments de danger avéré.

La famille reçoit un courrier du SEF à l’issue de la commission signalement, qui indique qu’elle va être contactée par l’agence pour la mise en place de la mesure.

La famille vit alors cet accompagnement comme une contrainte puisqu’il n’est pas demandé par elle mais doit formuler sa demande par courrier de la même manière que pour une AED classique

Ä Paradoxe pour les familles : « je n’ai pas le choix mais je dois quand même faire un courrier ».

Si l’idée du SEF est de solliciter la famille sur la question du choix, la famille vit cela comme une mesure imposée.

Pour elle, c’est une injonction paradoxale : « on me dit que j’ai le choix mais je n’ai pas le choix ».

On pourrait d’ailleurs s’amuser à traduire le contenu du courrier du point de vue de la famille :

-          nous savons que vous ne voulez pas d’aide mais nous vous le proposons comme une alternative à une mesure judiciaire, ou bien

-          vous ne voulez pas être aidés mais vous le serez quand même, ou bien encore

-          vous avez besoin d’aide mais vous ne le savez pas encore !

 

èExemple de situation.

 

Les travailleurs sociaux ont eux aussi le sentiment de perdre l’essence même de leur travail comme le montre Michel CHAUVIERE, docteur en sociologie, directeur de recherche au CNRS les travailleurs sociaux ont le sentiment que l’outil vient se substituer au sens de leur action, l’évaluation est tournée vers la seule recherche de résultats quantifiables, qu’il y a une dégradation des conditions de travail, une érosion permanente des valeurs …

 

Guy HARDY, Formateur en approche systémique et en PNL dit  dans son ouvrage  S’il te plait ne m’aide pas, que la demande d’aide était considérée comme un préalable essentiel et fondamental, pour ne pas dire indispensable à toute intervention éducative ou sociale. Son absence handicapait fortement, voire rendait inefficace l’aide.

Or, l’évolution de notre société et le sens qu’y prend la protection de l’enfance, de l’adolescence, font que de plus en plus les intervenants se trouvent confrontés à des bénéficiaires qui, soit acceptent l’aide du bout des doigts, soit perçoivent celles-ci comme une violence, une intrusion dans leur espace privé.

 

Alors, comment aider un sujet qui n’a pas demandé à l’être ?

 

C’est cette question que nous devons toujours garder à l’esprit et qui doit nous guider dans nos interventions ;

 

 

3. La relation d’aide

 

3. 1 la temporalité

 

Les premiers temps de la mesure ont des enjeux considérables. C’est dans ces premiers moments que va s’établir un début de relation.

Jean Paul GAILLARD, enseignant chercheur en psychopathologie, thérapeute systémicien, dans son ouvrage S’il te plait, dessine-moi un mutant  parle de la question de la définition de la relation. Si elle ne convient pas à l’une et l’autre des parties, on stagne.

 

Qu’entend-on par définition de la relation ? C’est la façon dont l’autre va se présenter à moi et comment je vais pouvoir l’accepter. Exemple du tutoiement  qui n’est pas un manque de respect  (ex de situation) ; 

Auprès de certains adolescents, je vais pouvoir accepter de :

-          renoncer à l’autorité de mode paternel,

-          renoncer à moraliser,

Et je vais favoriser les injonctions à penser et les conversations, (ex de situation).

 

Une mesure d’AED comporte évidemment une durée mais il faut savoir prendre le temps d’établir une relation de confiance. Si l’on demande aux gens de changer un fonctionnement sans qu’ils en aient saisi le sens, on va à l’échec et pour certain au judiciaire.

S’il me faut trois mois pour comprendre le fonctionnement d’une famille, je vais prendre ce temps là non comme une difficulté supplémentaire mais comme un atout, un temps nécessaire pour faire connaissance et comprendre son fonctionnement.

 

Donc le temps de la relation est étroitement lié au temps de la famille et au positionnement professionnel.

 

Jean Paul SARTRE a dit « ce qui compte ce n’est pas ce qu’on a fait de toi, c’est ce que tu vas faire de ce qu’on a fait de toi »

Il faut rester vigilent à ce que notre action respecte :

-          Le temps de la famille,

-          Le mode de vie des personnes,

-          La volonté de changement.

 

è exemple de situation

 

 

 

 

 

 

3.2 La norme

 

Une autre notion dont dépend la relation d’aide dans une AED est la prise en compte de la norme.

J’appelle ici Norme, le mode de vie des personnes que j’accompagne, leur façon de penser, d’éduquer leurs enfants…

On doit composer avec sa propre éducation, et les repères des familles, rester bienveillant tout en posant un cadre contenant et protecteur.

Il faut être vigilent à ne pas confondre protection et norme. On doit penser à la protection de l’enfant en fonction de la loi au risque d’amener la question du seuil de tolérance si l’on se fit à la norme et qui sous entend une notion de subjectivité.

 

è Exemple de Situation

 

Attention à ne pas tomber dans cet écueil qui serait de penser que parce qu’une famille est en difficulté, on doit « la faire changer ». On se doit de l’accompagner vers une prise de conscience, vers une volonté de changement. Il ne s’agit  en rien de les  amener à penser ou à faire comme soi.

 

 

Conclusion :

 

Comment amorcer une dynamique de changement, si ce n’est par la relation. Contraint ou pas, l’accompagnement c’est avant tout une rencontre. La confiance et la bienveillance doivent nous suivre tout au long de l’intervention et même de notre carrière.

Guy HARDY dit qu’il faut accepter que le lien aux familles soit affecté. Que c’est lorsqu’il  devient infecté que cela devient dangereux.

Sylvie QUEVAL philosophe nous invite également à opter pour la sollicitude, cette posture qui consiste à se laisser affecter et bousculer par l’autre, se laisser pénétrer par autrui et sa différence, sa fragilité et sa faiblesse. C’est parce qu’il  se sentira accepté dans son altérité que l’usager s’identifiera comme sujet dans sa relation à nous, que la confiance va pouvoir s’établir et que l’adhésion va se jouer.

 

C’est donc une éthique de l’accompagnement à laquelle Sylvie QUEVAL nous invite, démarche qui privilégie à la fois le partage et la présence aux côtés de l’autre et à la fois la projection sur des objectifs que l’on atteindra dans une dynamique de cheminement.

 

Je voudrais faire un clin d’œil au Docteur KARAVOKIROS qui un jour m’a dit :  

« Estelle, vous les travailleurs sociaux, vous êtes des artisans : vous êtes des tisserands car vous tissez du lien social ». Je tiens à le remercier car si aujourd’hui je parle de maillage, de réseau, de bienveillance c’est grâce à lui et à cette petite phrase qui en dit long.