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" L’information sur le médicament en psychiatrie "

26-27 novembre 1998, C.H. Paul Guiraud (Villejuif-94)

 

La question de l’information sur le médicament en psychiatrie ne se limite pas au colloque singulier qui réunit le médecin et son malade. De nombreux partenaires sont impliqués. C’est ce que montrait le 8e Colloque de l’Association Nationale des Hospitaliers Pharmaciens et Psychiatres (A.N.H.P.P.). Dans un C.H. Paul Guiraud en grève dure avec blocage des admissions, l’interdisciplinarité a été la règle.

Le colloque a été divisé en deux journées : " Légitimité en enjeux de l’information " le 26 et " Les sources de l’information " le 27.

Quelles sont les attentes, les rôles et les suggestions des acteurs de santé ? Différents intervenants ont répondu à cette question.

Le Pr Patrick Hardy a développé le point de vue du clinicien. Après un repérage historique montrant comment les succès médicaux impliquaient une exigence accrue de transparence, il a décrit le devoir d’information du médecin notamment en référence aux arrêts jurisprudentiel de septembre et octobre 1998 qui énoncent qu’un risque fut-il exceptionnel ne dispense pas le médecin d’informer le patient sur ce risque. Le comité National d’Ethique tout en insistant sur la notion de Consentement éclairé reconnaît qu’il est des cas où le consentement fait difficulté, et que la capacité de comprendre l’information apportée ne coïncide pas toujours avec la capacité juridique. L’information sur les différents psychotropes pose différentes sortes de problèmes. Nous n’en retiendrons que ceux liés à la toxicité des antidépresseurs (jusqu’où informer un patient suicidaire des risques encourus en cas de surdosage ?).

Isabelle de Beauchamp avec son énergie et sa conviction coutumières a décrit le point de vue du pharmacien qui délivre une information personnalisée à destination du médecin (l’avis pharmaceutique appuyé sur des arguments techniques, pharmacologiques peut aider le médecin à prendre des décisions et à optimiser la thérapeutique), du personnel soignant (mise à disposition d’informations nécessaires au bon usage des médicaments) et enfin du patient (à travers des la participation à des groupes centrés sur l’observance).

Emmanuel Digonnet, Anne-Marie Leyreloup et Dominique Friard, ont présenté le point de vue des infirmiers. Il ne s’agit pas pour eux d’informer le patient mais de déplier l’information, c’est-à-dire d’établir un échange autour de l’objet " médicament ", échange qui permettra d’expliquer le traitement, d’élaborer avec le patient autour de sa maladie, autour du sens qu’il lui donne. L’essentiel est alors de permettre au patient de rester " un homme debout ".

Bertrand Escaig, vice-président de l’UNAFAM demande une information médicale précise sur la véritable nature des médicaments, leur rôle et leurs limites. Les familles veulent collaborer avec les équipes soignantes pour concourir à une meilleure efficacité thérapeutique. Elles demandent également une utilisation plus rapide des nouveaux neuroleptiques atypiques. Mais elles sont convaincues que celles-ci ne conduiront à l’amélioration de la qualité des soins que si un effort de recherche comparable est consenti dans la clinique. La recherche dans les lieux de soins ne doit pas être considérée comme une source de dépenses mais au contraire de profit. Elle doit faire partie intégrante des soins. Que les familles cessent d’adopter un profil bas pour exiger une meilleure prise en compte de leurs problèmes, pour intervenir dans les choix thérapeutiques, un peu à la manière dont se sont positionnés les associations liées au sida me réjouit.

Il est dommage que les patients, c’est-à-dire ceux qui prennent les médicaments, n’aient pas été représentés. Ils étaient les grands absents de ces journées. La volonté autoproclamée d’informer le patient n’est elle qu’un discours de congrès ? Le même médecin militant à Paris pour l’information du patient pourrait-il une fois retourné dans son hôpital provincial refuser de voir Janine et lui répondre alors qu’on la " pique " au sol comme une chienne enragée : " Voyons ne faites pas l’enfant ! ". Dites Drogteur est-ce cela informer un patient dans le cadre de ses fonctions, dans le cadre d’un atelier, d’un groupe du médicament ?

Le deuxième partie de la journée fut consacrée aux notions de confidentialité et de transparence. Comment garantir l’efficacité, la sécurité et la qualité des médicaments ?

Joseph Benyaya, a donné le point de vue de l’industrie pharmaceutique, le Dr. François Meyer de la Commission d’évaluation à l’Agence du médicament décrivit les différentes étapes conduisant à l’Autorisation de Mise sur le Marché. Le Pr. Edouard Zarifian et Danièle Bardelay de la revue Prescrire ont remis en cause la qualité des informations disponibles. La partie accessible de l’information est souvent déclinée sous des versions à visée promotionnelle et donc nécessairement orientées. L’information non directement accessible (c’est-à-dire non publiée) est détenue principalement par les industriels du médicament (et les experts qui réalisent pour eux les expérimentations) et par les agences qui sont chargées d’évaluer les médicaments.

Ainsi fut introduit le débat avec la salle : Quelles informations entre les professionnels de santé et les usagers ? A qui appartient l’information et sa transmission ? Comment garantir la bonne utilisation et l’usage rationnel des médicaments ? Quel impact sur la relation thérapeutique ? La liberté de l’information est-elle possible ? Est-elle souhaitable ? Quelles en sont les limites ?

La deuxième journée s’intéressa donc aux sources de l’information. Où trouver l’information ? Quels sont les circuits, les acteurs et les réseaux d’information ?

Isabelle Nicolle présenta les prérequis méthodologiques à une recherche d’information, Marie-Caroline Husson du Centre National Hospitalier d’Information sur le Médicament (C.N.H.I.M.) (Cnhim@wanadoo.fr) présenta les différents outils à disposition du praticien : Livres de référence, revues médico-pharmaceutiques, Bases de données, Centres d’information, Logiciels d’aide à la prescription (ex : Sauphix-Phedra, Disporao). Gilles Mignot s’intéressa, lui, à la presse médicale et aux exigences pratiques qu’implique une information de qualité. Marie-France Villain essaya de trouver un équilibre entre les deux rôles du visisteur médical : De l’information au rôle commercial.

L’après-midi trois ateliers animés et rapportés par un tandem pharmacien-psychiatre permirent de remonter les sources de l’information. Jakez Trevidic et le Dr. Jean-Pierre Lauzel animèrent l’atelier numéro centré sur les outils de l’information et leur maniement. " Informatique, CD Rom et désormais le réseau Internet ont permis une véritable explosion de la diffusion de l’information. Le maniement de ces outils et leur exploitation devient un enjeu important dans l’exercice du pharmacien et du médecin hospitalier. " L’atelier a présenté des exemples de sources d’information et leur maniement.

Claudine Fabre et le Dr. Jean-Pierre Layani (CH Gérard Marchant- Toulouse) ont animé L’atelier du médicament, groupe de paroles sur le médicament proposé à des patients malades mentaux dans un but pédagogique : améliorer leurs connaissances vis-à-vis des médicaments qu’ils reçoivent en vue de renforcer, dans un deuxième temps, leur adhésion au traitement. L’après-midi leur a permis de présenter leur méthodologie, leur expérience, leurs moyens d’évaluation et leurs résultats actuels.

Edith Dufay et le Dr. Gilles Mignot ont proposé dans le troisième atelier quelques règles de lecture évaluative qui permettent de juger de l’intérêt d’une nouvelle thérapeutique, des tableaux de quantification du niveau de preuve afin de permettre aux professionnels de savoir discerner la qualité d’une information. Deux exercices nous permirent d’appréhender la technique de la lecture évaluative pour deux psychotropes de commercialisation récente.

Bernard Lachaux, président de l’ANHPP clôtura un colloque d’une très grande densité auquel il ne manquait que des représentants de patients.

Qu’un peu partout, des conférences sur ce thème s’organisent, que des soignants, que des fabricants de médicaments, que ceux qui sont chargés de les contrôler, que les patients, leur famille réfléchissent ensemble, débattent autour de l’information, il en restera toujours quelque chose. Que ces réflexions ne prennent surtout pas prétexte d’arrêts de jurisprudence. Ainsi que le disait Bernard Lachaux : Aux soignants de prendre l’initiative !

Comment pourrais-je prétendre favoriser l’insertion ou la réinsertion de Pierre, de Janine ou d’Etienne si dans ma pratique réelle (et pas dans mes propos de congrès !) je suis incapable de leur expliquer leur traitement, la stratégie thérapeutique que je poursuis, si je considère leur famille comme une ennemie. L’information du patient n’est pas une question de droit, c’est d’abord une question clinique et ensuite une question d’éthique. A Paris, comme à Toulouse, comme en Avignon ou à Lille c’est aux soignants de se montrer constamment plus exigeants sur leur pratique.

Quant au Comité d’Ethique, qu’il commence par intégrer des soignants qui travaillent en psychiatrie en son sein ! Il pourra alors peut-être faire autorité !

 

Paul Arene.
Unité Charcot
CH de Provence

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