La psychose est- elle soluble dans le
handicap psychique ?
Dr PATRICK BANTMAN Pôle 94G16
JOURNEES DES HÔPITAUX DE SAINT MAURICE
4 et
5 MARS 2011
Le sujet de notre
intervention est de mettre en rapport la question de la psychose et celle du
handicap psychique
En effet quel rapport y a-t-il entre ces
deux catégories ?
La question de la psychose concerne la maladie psychiatrique la plus
fréquente, qui concernerait à elle seule , près de un pour cent de la population.
La notion de handicap d’origine psychique a été crée par séparation
d'avec le handicap mental,éen 2005.
Poser la question c'est y répondre :
aucun.
Ce sont deux paradigmes différents, l'un concerne l'organisme et
l'autre le sujet. Le premier met l'accent sur une déficience, une faiblesse
d'un organe alors que le second concerne un sujet qui habite le monde d'une
façon particulière, à l'instar des névrosés ou des pervers.
Le recours a la
notion de handicap opère un deplacement du pôle d'intérêt qui se détourne de la
symptomatologie pour se focaliser sur les déficits . Parler de handicap
psychique plutot que de maladie mentale témoigne d'un changement profond dans l'approche des preoccupations de la
psychiatrie . Il s'agit de rapprocher le malade de la societé, de le rendre
moins « différent, moins étranger »en dédramatisant la folie ,en la
transformant en troubles cognitifs évaluables
dans une démarche de déstigmatisation.
Selon la definition légale
du handicap, chaque personne souffre d'un ensemble de difficultés situés sur
des plans distincts.
Constitue un handicap au sens de la loi," toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en
société, subie dans son environnement, par une personne en raison d'une altération
substantielle , durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques,
sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques ."
L'objectif annoncé par les
associations d'usagers et les professionnels, qui voulait faire reconnaitre le
handicap psychique, était de "faire reconnaitre la population des
personnes souffrant de troubles psychiques vivant dans la cite."
En ce qui concerne
la psychose , Il s'agit d'une affection évoluant
tout au long de l'existence entrainant des déficits psychiques importants, mais
susceptible également de rémissions permettant l’insertion ou le maintien du
patient en milieu professionnel . Jusqu'à, il y a quelques dizaines d'années,
quand on évoquait la psychose , mais cela est encore valablement actuellement,
on abordait la question de l'identité, la fragilité du sujet psychotique, ses
symptômes, la chronicité de la maladie ...
Le
maintien dans un cadre spécifiquement soignant se déroulait sur des dizaines
d'années souvent dans un univers hospitalier décrit comme « 'asile »
.La mise en place de l'extrahospitalier dans la cité, le déploiement des
équipes de santé mentale a profondément changé cet état de choses .
Actuellement on voit se déveloper des recherches
montrant que les maladies atteints de schizophrénie ,se rétablissent mieux
qu’on ne le croit généralement .
L’ouverture des structures médico-sociales depuis
plusieurs dizaines d’années a été un progrès aussi considérable permettant le
retour dans certains cas, vers le monde du travail, de patients dont l’état
était certes stabilisé mais susceptibles de rechutes.
L'abord actuel de la psychose est avant tout celui
des troubles secondaires a la maladie : délire , dissociation et apragmatisme .
L’approche
des troubles identitaires et de la subjectivité
relève souvent d’une approche psychothérapeutique, dont l’accès et les
résultats ne sont pas toujours probants .
Il y
a une difficulté essentielle à percevoir quand on parle de psychose,c’est le
refus fréquent que les patients opposent à l’évocation du diagnostic .
Parler de maladie mentale ou de handicap
n'est pas chose facile avec nos patients .Il faut souvent plusieurs années pour
leur faire accepter la maladie et a fortiori le handicap .Et encore pas
toujours ...
Peut on penser qu'evoquer la question par
le biais du handicap serait plus facile et que la psychose pourrait se
dissoudre dans le handicap psychique ?
Le mot de handicap est il plus « avenant »?
Est - il plus facile d'etre handicapé
que d'être malade mental ou psychique ou encore schizophrene ?
Faut il souhaiter que le
mot même de malade mental disparaisse au profit de handicapé psychique ?
Je ne le crois pas ....
Nous avons choisit d'évoquer cette question devant
vous en soulignant le risque d'une approche trop centrée sur la question des déficits.
Dans notre optique le risque serait de dénier les
troubles des patients et parfois aussi la souffrance de leur entourage. Il ne faudrait pas que les soins
disparaissent au profit d’un « traitement
social » de l’inadaptation .
Notre expérience
clinique en particulier le suivi au long cours de patients psychotiques nous
montre des patients soucieux de leur intégrité psychique même au prix
d'une souffrance psychique intense. Les mots utilisés pour désigner leurs
difficultés ont souvent des résonances pariculieres pour eux. En particulier le
"délire",la « schizophrenie », la « folie », le
"handicap".
Il faut parfois plusieurs années pour
leur faire accepter la maladie et la notion pour eux de handicap renvoie a des
notions peu flatteuses renvoyant a un écart par rapport a la norme , même si on
tente de l'amortir en l'enrobant par des périphrases comme "situation de
handicap".
Le
refus du malade par rapport a la notion de handicap peut s'averer
particulierement opiniâtre . Cela ne veut pas dire pour autant que le patient
ne l'admette pas en particulier, a certains
moments de la relation thérapeutique, et
dans la nécessité de subvenir a ses besoins par l'allocation adulte
handicape.?
Arriver à se penser en tant que handicapé psychique, et, penser le
handicap psychique représentent deux démarches distinctes et complexes a la
fois pour le patient et aussi les équipes de sante mentale .
Pour le patient
,il faut l'aider a appréhender certaines réalités qui lui sont étrangères.
Par exemple la
notion de "projet de vie" est aux antipodes d'une pensée pour
la psychose et pourtant il faut bien " l'élaborer ", quand il s'agit
de penser la prise en charge sur des années !!!
Les éléments qui composent la réalité de son
existence , son quotidien et sa qualité de vie doivent être appréhendées au
sein de l'equipe de secteur .Il s'agit de permettre l’utilisation des gestes de
la vie quotidienne comme support d’échanges ce que Hochman appelle la « réalité partagée » qui permet
d’éviter la confrontation, le face à face avec la psychose qui bascule si
facilement dans la dimension imaginaire, la rivalité, la fascination érotique
mais aussi la tension agressive.
Pour les équipes de sante mentale il peut s'avérer
necessaire d'organiser la prise en charge en articulation étroite, si nécessaire,
avec l'accompagnement et l'insertion dans la cité que peuvent réaliser aussi
les équipes medico-sociales.
Il
s'agit de dynamiques et de temps bien différents .
Mais le risque
existe aujourd'hui de voire se banaliser une certaine forme d'approche diluant
nos spécificites respectives devant la complexite de la prise en charge et du
partenariat .
Les
interventions des équipes de santé mentale ne se limitent pas a la question de
la crise du patient psychotique et à son hospitalisation .Leurs interventions
se font également dans le cadre de prises en charge au long cours intégrant le maintien dans la cité du patient .
Il nous faut aussi concevoir nos approches avec
d'autres équipes intervenant avec des concepts et une finalité différentes mais
complémentaires .Un effort de clarification est indispensable pour que les équipes
puissent se rejoindre et concevoir leurs interventions reciproques ..
Il faut
laisser au psychotique le temps de s'approprier les notions et les dispositions
existantes dans le vaste domaine du handicap en l'informant correctement des
possibilites existantes .Cette démarche que nous définissons avec d'autres
comme integratives part des
symptomes et de la problématique psychique pour aborder dans un deuxieme temps
la réhabilitation psychosociale
permettant la minimisation du handicap et de ces conséquences .Cette démarche
est longue .Elle nécessite le recours a l'évaluation. Elle s'appuye aussi sur
l'aide d'autres équipes travaillant dans l'accompagnement .
Il faut
accepter ce partenariat et y participer activement , à la fois pour que le
patient ne devienne pas complètement un " simple usager ,"et l'aider
dans cette démarche d'évolution vers la citoyennete .
Cela ne suppose pour nous ni dilution de nos interventions ,
ni d'assumer une position de retrait, mais au contraire une participation
active, avec prise de conscience de la réalite vécue par le patient dans son
cadre de vie .
Je pense a
cette patiente qui après des années d'évolution de la maladie et de nombreuses
hospitalisations a pu grâce a un traitement et à une prise en charge soutenue
sur le plan psychiatrique et un accompagnement médico- social, progressivement
investir un atelier protegé dans le cadre d'un Esat. Elle s'épanouit dans cet
environnement où elle est reconnue comme une professionnelle à part entiere
donnant satisfaction . Il est peu usité a notre époque de concevoir le travail
comme pouvant être épanouissant, mais le retour a l'emploi pour cette patiente,
a représenté un retour a une réalite totalement absente pendant des années de
son existence . Elle a pû retrouver une estime d'elle même , mais si son état
reste fragile et nécessite une prise encharge réguliere.
Ainsi loin de se diluer dans le vaste domaine du handicap
psychique, la question de la psychose reste plus que jamais d'actualité en
particulier dans le cadre du traitement et de la prise en charge au long cours
.Cela nécessite du thérapeute un positionnement particulier sur le plan
clinique et sociale .
5 Ce
positionnement, porteur de sens et extrêmement fécond, a permis d’affiner la
compréhension des conséquences des maladies (y compris mentales) en permettant
de porter sur la même personne un regard tantôt clinique (maladie, déficience),
tantôt fonctionnel (capacités, incapacités) et tantôt social (la confrontation
avec les contraintes ou les exigences de l’environnement). Selon les moments de l’existence
d’une personne, l’un de ces aspects peut prendre le pas sur les autres, la
rendant plus malade, moins autonome ou plus handicapée, mais toujours
souffrante, avec des exigences différentes quant à son mode de vie.
Le handicap du à la décompensation psychotique contrairement
à d’autres formes de handicap n’est jamais définitivement fixé et un facteur
prévalent dans son évolution tient au contexte dans lequel vivent et se
soignent ces patients. Jean Oury, a particulièrement travaillé ce problème
autour de la notion de pathoplastie.
Le concept de transpassibilité que
développe Maldiney permet aussi d’approcher ces questions. Le transpassible
pour Maldiney c’est la capacité pour un sujet d’accueillir l’imprévu et de
négocier avec lui. Cette capacité est entamée dans
Pour conclure:
Aborder la question des relations
entre la psychose et le handicap psychique revient à éviter d’aborder l’un sans
l’autre . Les deux approches restent complémentaires, l’une dans
le cadre du soin et de la prise en charge l’autre, dans le cadre de l’accompagnement
dans la cité .Les personnes malades peuvent se rétablir plus souvent, plus vite
et mieux s’ils bénéficient d’une organisation des soins et d’assistance qui
reconnait davantage leur propres difficultés à la fois psychiques et aussi
sociales .