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Le " soin " de demain ... commence maintenant !

" Familien müssen als gleichwertige Partner mit Professionellen im Behandlungsteam ihres psychisch erkrankten Angehörigen akzeptiert werden. " L’infirmier globe trotteur a parfois bien du mérite. Répondre en anglais à un interlocuteur qui s’adresse à vous en allemand implique une certaine gymnastique d’esprit. Mais, il faut se rendre à l’évidence, le soin se pense et s’échange de plus en plus à un niveau européen pour ne pas dire mondial. Si nous voulons éviter d’être colonisé par des écrits anglo-saxons comportementalistes souvent d’une affligeante pauvreté théorique, il nous faut être présents sur tous les fronts, dans notre hexagone et ailleurs. Chaque fois qu’il m’a été donné d’intervenir à l’étranger, je me suis rendu compte de la pertinence de nos réflexions et de l’intérêt qu’elles suscitaient chez nos auditeurs étrangers. La France n’est pas le tiers monde et le soin tel qu’il se pense ici est d’une richesse que beaucoup ne soupçonnent pas, y compris au ministère de la Santé. C’est sans doute pour cette raison que rien n’y est fait pour favoriser la recherche infirmière en France, ni sa nécessaire exportation. Donc, on se débrouille. Il faudra probablement que des infirmiers français émigrent au Canada ou aux Etats-Unis, et que leurs écrits arrivent en France traduits en anglais pour qu’on découvre avec dix ans de retard la légitimité de notre travail. Les infirmières n’ayant pas de cerveaux, il n’y a pas de risque de fuite.

C’est en 1922 qu’a été créé le premier 3ème cycle ouvert aux infirmières aux Etats-Unis, il n’en existe toujours pas en France. Notre beau pays, terre des droits de l ’homme et de l’exploitation des femmes, a donc, pour l’instant, 77 ans de retard. Mais on fera encore mieux.

Faute d’une réelle culture de recherche, l’infirmier globe trotteur se trouve souvent démuni lorsqu’il participe à des congrès à l’étranger. Certains mots anglais n’ont par exemple pas d’équivalents directs en français. Ainsi en va-t-il du mot " carer " que l’on pourrait rapidement traduire par " soignant ", mais qui regroupe de fait toutes les personnes mobilisées par l’accompagnement et la prise en charge d’une personne donnée qu’elles soient professionnelles ou non. Le père du patient, le boulanger du village, une amie d’enfance pourront être considérés comme des " carers ". Il serait possible de traduire par " soigneur " mais dans notre langue, il renvoie à une autre acception. Les Canadiens traduisent " carer " par " aidant " Nous traduirons " carer " selon le contexte par accompagnant, ou personne clé dans l’entourage du patient. Ce problème de traduction décrit également un état d’esprit. Dans le monde protestant, la prise en charge d’un patient n’est pas l’apanage exclusif d’une équipe de professionnels, elle est aussi le fait d’une communauté, d’un groupe qui se mobilise autour d’un de ses membres malade. Prendre soin de quelqu’un n’est pas une tache ingrate dévolue à des professionnels chargés des basses besognes et donc nécessairement subalternes.

Présentation de l’association EUFAMI

Du 8 au 10 octobre avait donc lieu à Stockholm le 3ème Congrès européen de l’Association EUFAMI. L’European Federation of Associations of Families of Mentally Ill People est l’association la plus représentative de ceux qui militent pour l’intérêt et le bien-être des personnes atteintes de maladies mentales et de ceux qui les accompagnent. Fondée en 1990, elle représente des millions d’européens. Confrontés à l’expérience de leur impuissance et de leurs frustrations face aux troubles mentaux graves, beaucoup d’accompagnants sont sidérés par le traumatisme et leur capacité à s’adapter sont diminuées. Ils ont donc décidé de partager difficultés, ressources, et de s’entraider.

Les membres d’EUFAMI sont convaincus que :

Le but d’EUFAMI est de refuser les stigmates liés à la maladie mentale et de les transformer en une image aux caractères positifs en neutralisant la désinformation et en combattant l’ignorance. Elle milite pour obtenir de meilleures ressources pour la prise en charge médico-sociale des personnes atteintes de maladie mentale et de leur environnement. Elle encourage les recherches et en suscite de nouvelles sur les causes et les traitements des troubles mentaux. Elle assure la promotion des exemples de bonnes pratiques dans le champ des troubles mentaux. Elle identifie les mauvaises dans le but de provoquer des changements positifs. Elle exerce un lobbying actif pour obtenir des législations équitables à travers l’Europe qui soient au bénéfice des personnes malades mentales, de leurs accompagnants et des équipes médico-sociales.

Le but de ce Congrès était de créer un espace au sein duquel d’importants projets de recherche pouvaient être présentés et susciter des échanges directs entre membres de l’association. Les orateurs choisis parmi des professionnels reconnus aux expériences variées et des accompagnants actifs ont alimenté les réflexions et stimulé les représentants des différentes associations représentées.

Trois thèmes ont structuré ce congrès :

Ces thèmes ont été déclinés sous différents angles : ces nouvelles approches permettront-elles de diminuer stigmates et discrimination ? Contribueront-elles à promouvoir l’autonomie et la responsabilisation de patients acteurs ? Que pensent les " soignants " de ces meilleures pratiques ?

Changer de point de vue

En France, on considère trop souvent la famille du patient et ceux qui l’accompagnent comme des intrus, quand ce n’est pas comme des adversaires. Le secteur n’est parfois qu’une idéologie abstraite que ne recouvre aucune prise en compte de l’environnement socioculturel du patient, ni de sa communauté d’appartenance. Sauf à considérer qu’un patient schizophrène n’a d’autre perspective que de fréquenter toute sa vie des lieux de soins dont le caractère aliénant n’est hélas plus à démontrer, nous devons nous ouvrir à cet environnement ; l’aider à accompagner leur proche qui souffre. C’est à ce titre et à ce titre seulement que nous pouvons nous dire " ambassadeur de la réalité " pour reprendre la célèbre expression de Racamier. Certaines familles sont psychogènes, et alors ? Les institutions, ne le sont-elles pas également ? Ne le sont-elles pas d’autant plus qu’elles sont isolées ? Qu’elles décident sans contre-pouvoir, ni contrôle de ce qui est bon pour ceux dont elles ont la charge ? Se rencontrer, s’écouter, avancer ou reculer ensemble, séparément, l’un contre l’autre n’est-ce pas la meilleure façon de permettre aux conflits internes de se révéler et donc de les travailler ?

Les infirmiers, paralysés par le risque de plaintes, illégitimes forcément, n’osent plus penser. Les familles des patients, leurs proches sont les meilleurs alliés des soignants. J’ai écrit des soignants, pas des fonctionnaires. Qui mieux que les familles, que les patients, que leurs proches peut se rendre compte des conditions réelles du soin ? Qui mieux qu’elles peut se rendre compte des effets parfois destructeurs des restrictions budgétaires ? L’hospitalisation n’est qu’un moment dans la vie des patients. En dernière analyse, si nous faisons bien notre travail, le patient retournera dans son environnement. De la tolérance de cet environnement, de sa capacité à soutenir sans stigmatiser, à accompagner sans dénier, à favoriser une certaine autonomie psychique du patient dépend la réussite de ce retour au domicile. Réjouissons-nous donc de cette participation accrue des familles, des associations de patients aux soins et à ce qui le concerne.

Autour des bonnes pratiques

De nombreux membres d’EUFAMI ne sont pas seulement proches d’un malade, ils sont également soignants : psychiatres, psychologues, infirmiers. Cette double appartenance leur permet de percevoir quelques uns des aspects multiples et contradictoires du soin. Selon le côté de la blouse qu’on occupe on perçoit la réalité d’une façon différente. Ils sont souvent les fers de lance du mouvement pour la promotion des " bonnes " pratiques. Ainsi, sur un plan politique, les membres d’EUFAMI s’assurent que dans toute réglementation est respectée l’intérêt de la famille d’une personne qui souffre d’une maladie mentale, que les organisations familiales sont toujours représentées dans les organes politiques ou professionnels où sont dessinées les lignes directrices. Ils font minutieusement examiner par leurs propres juristes toutes les lois et tous les arrêts municipaux relatifs à ce domaine. Ils poursuivent en justice les hôpitaux et le personnel soignant qui ne respectent pas les réglementations en vigueur. Sur un plan individuel, ils vérifient que le plan de soins de leur proche est fait selon les différentes règles de bonne pratique, et se plaignent si ce n’est pas le cas, éventuellement en saisissant les tribunaux

Parmi les différentes expériences rapportées, citons l’enquête effectuée par Lieuwe de Haan, aux Pays-Bas. Dix malades, dix membres de famille et dix soignants professionnels ont dressé une liste de 42 préférences quant au traitement d’un premier épisode psychotique Au total, 99 malades, 100 membres de famille et 263 soignants ont évalué ces préférences en créant une liste de priorités. Il apparaît que les personnes interrogées ont les mêmes préférences en ce qui concerne leurs dix priorités, qui concernent essentiellement l’information sur le diagnostic et les médicaments. Il existe cependant d’importants écarts. Les patients accordent une grande importance aux rencontres individuelles avec les soignants et à une information personnalisée. La nécessité d’avoir recours aux soins n’est pas suffisamment reconnue par les patients et leurs proches. La prise en compte des familles dans l’établissement du traitement apparaît insuffisante aux proches Le résultat global suggère que les services de psychiatrie devraient davantage prêter attention aux interventions précoces, notamment en ce qui concerne les consultations externes et aux aspects psycho-éducatifs. Des travaux effectués au Danemark, présentés par Lisbeth Gregersen, vont dans le même sens. Les patients doivent avoir un diagnostic correct le plus tôt possible afin de garantir un traitement individualisé à la personne malade, ce diagnostic doit être , par ailleurs, réactualisé régulièrement. Dans le cas de la schizophrénie, les médicaments peuvent aider à obtenir une meilleure qualité de vie et doivent donc être prescrits lorsque c’est absolument nécessaire et approprié Mais ils ne sauraient suffire et doivent être accompagnés par une éducation psychosociale du malade mental, de ses proches voire des soignants dont le support, la compréhension, et le propre bien-être sont d’une importance vitale pour la vie future du patient. La supervision des soignants a ainsi une importance capitale. Tout traitement et éducation sociale devrait avoir pour ligne de départ les capacités, les désirs et les possibilités de l’individu. Les malades mentaux sont des individus, c’est pour cette raison qu’il apparaît impossible de choisir la meilleure pratique, sans se mettre d’accord sur une souplesse nécessaire qui prenne en compte les traits individuels, les capacités et les désirs de la personne soignée.

Autonomisation, et stratégie de responsabilisation des personnes atteintes de troubles mentaux

Les stigmates des maladies mentales et leurs conséquences pour ceux qui en souffrent, pour leur proches ainsi que pour le personnel soignant et les assistants sociaux qui s’occupent des patients constituent un problème universel. La présence de ces stigmates est reconnue dans une large majorité de pays comme un obstacle aux différents projets de réinsertion sociale. Les préjugés contre les maladies mentales et la discrimination qui en résulte rendent le traitement des maladies mentales plus difficile. Norman Sartorius, du département de psychiatrie de Genève initie donc un programme nommé " Schizophrenia –open the doors " dont le but est de lutter contre ces stigmates. Différentes étapes ont été décrites : identification des représentations sociales liées à la schizophrénie, analyse de ces représentations, développement d’actions d’information et d’éducation, réalisation de films, évaluation des modifications apportées.

Les programmes d’information sur la maladie peuvent être divisés en trois temps, en trois types de supports : ceux qui visent à donner de l’information, ceux qui permettent d’élaborer l’information à partir de ce que les patients et leurs proches savent et ceux qui visent à responsabiliser, à favoriser l’autonomie des patients.

Les supports du troisième type visent à favoriser la pensée de l’autonomie, l’apprentissage personnel, la capacité à changer et à recouvrer la santé. Une relation soignant-soigné de qualité, l’entraide entre patients, les groupes de pairs favorisent ce processus. Il s’agit de permettre aux patients de s’émanciper, de prendre des responsabilités pour ce qui concerne leur vie, et notamment la qualité de cette vie.

Le programme " Alliance " partant du principe que le traitement le plus efficace est celui qui est pris par le patient, que la capacité du thérapeute à nouer une alliance avec le patient est le déterminant le plus crucial de l’observance au traitement vise à informer les patients, leurs proches sur la maladie, sur ses conséquences, sur les traitements.

" Sans alliance, pas d’observance " pourrait être le slogan des thérapeutes qui utilisent ce type de supports.

Les enfants de parents malades mentaux

Les enfants dont les parents ont des maladies mentales sont considérés comme particulièrement vulnérables et pas uniquement en raison de l’hérédité et des facteurs génétiques. Une relation mère/enfant difficile dès la naissance (des départs, des pertes, des séparations répétées dues au déplacement de l’enfant dans une autre famille ou à l’hospitalisation du parent), des mauvais traitements, le fait d’être impliqué dans les perceptions déformées d’une mère ou d’un père délirant tous ces éléments peuvent contribuer à cette vulnérabilité.

En dépit de cela, beaucoup d’enfants évoluent assez bien et deviennent des adultes et parents responsables et relativement heureux, " capables de travailler, aimer, jouer, et de s’attendre à du bien ", selon la chercheuse américaine Emmy Werner. La capacité de résister aux difficultés, appelée élasticité dépend dans une certaine mesure du tempérament et de la compétence de l’enfant lui-même, mais elle dépend aussi de la présence, en même temps, de facteurs protecteurs dans la vie des enfants. Des facteurs comme une relation affectueuse entre le parent et l’enfant, des adultes qui s’intéressent particulièrement à l’enfant, une garde d’enfants de haute qualité, de bonnes écoles et des loisirs peuvent donner de la confiance en soi et des alternatives positives. Ces facteurs donnent naissance selon Antonovsky à un sentiment de cohérence, grâce à la connaissance de sa propre situation, à des stratégies positives d’action et à un sentiment de signification. Ces facteurs contribuent à un processus de protection et aident les enfants à réussir alors que tout est contre eux.

Le Centre de Psychiatrie infantile de l’Hôpital Bispebjerg, à Copenhague au Danemark invitent les mères malades mentales qui le souhaitent à participer à des groupes mère/enfant. Des conseils sur l’évolution de l’enfant à la maison et dans les groupes peuvent être combinés avec un support plus intense en hôpital de jour. Une thérapie individuelle est offerte aux mères qui ont des difficultés en rapport avec la maternité qui se reflètent dans la façon dont elles s’occupent de leurs enfants. Des groupes de père sont proposés aux pères qui prennent la relève des mères défaillantes.

La clinique de consultation externe de Spänga de Stockholm propose des groupes parents/enfants dont l’objectif est au niveau des parents d’augmenter la conscience des maladies psychotiques ainsi que des symptômes et des caractéristiques réactionnelles individuelles liées à la condition de parent. Concernant les enfants l’objectif de ces groupes est d’approfondir les connaissances sur les maladies des parents, de réduire les sentiments de culpabilité et renforcer le respect de soi, d’informer sur les obligations des autorités et tout en soulageant les enfants de leurs responsabilités d’accroître leur sécurité. Ce groupe est animé par une psychologue et un travailleur social. Les deux premiers groupes ont débuté au mois d’avril 1998 et se sont achevés en octobre 1998. Les groupes se sont réunis 15 fois au total, une fois par semaine pendant une heure et demie. Le groupe de parents comprenait quatre malades diagnostiqué schizophrénie paranoïde. Les deux autres groupes ont commencé en février 1999 et ont fini en mai. La matière des groupes de parents se caractérise par trois éléments principaux : une première partie pédagogique et informative, une partie consacrée aux groupes de parents où l’on met l’accent sur l’évolution de l’enfant ainsi que sur les besoins et les différences culturelles au niveau familial (beaucoup de ces parents sont d’origine étrangère) et une troisième partie finale où les deux premiers éléments sont repris et où l’on intègre les expériences de leurs propres familles d’origine dans le contexte de trois générations. Les groupes d’enfants se caractérise par la création sur un mode ludique d’une ambiance qui favorise le partage avec d’autres enfants confrontés aux mêmes situations. Le but est de renforcer le respect de soi et la capacité à mettre des limites à son entourage. Ce groupe comprend également une partie pédagogique informative qui traite des maladies psychotiques.

Prévenir- Intervention au début de la psychose.

L’intervention précoce dépend d’une manière décisive de la capacité des soignants à reconnaître avec précision le processus qui mène aux toutes premières phases de la maladie. Il est essentiel de ne pas confondre vulnérabilité et premiers symptômes de troubles avec d’autres comportements et expériences qui peuvent avoir une ressemblance superficielle avec les symptômes psychotiques mais qui sont banals à l’adolescence. Si les individus qui deviendront psychotiques dans leur vie adulte ont une enfance au développement parfois chaotique, ces anomalies sont trop peu significatives pour permettre une prévention primaire. Il faut donc n’intervenir qu’une fois la maladie déclarée, mais le plus précocement possible. Les tests diagnostics bruts qui permettent de reconnaître de bonne heure une psychose précoce pourraient être utiles dans certaines populations. S’il était possible d’intervenir une année plus tôt dans les nouveaux cas de psychose, les taux de rechute seraient réduits de 50 %.

Le Centre de Recherche psychosociale du département de psychiatrie de l’hôpital Söder de Stockholm a conçu le " projet parachute ". Dix-huit établissements psychiatriques d’une circonscription hospitalière de 1,7 millions d’habitants participent à ce programme conçu pour rendre plus efficace les soins de tous les malades qui connaissent leur premier épisode psychotique. Le recueil de cas a été effectué du premier janvier 1996 au 31 décembre 1997. 210 patients sont impliqués dans cette étude. Ils sont suivis à l’aide de nombreux instruments de recherche et d’estimation clinique pendant cinq ans. Différents paramètres sont pris en compte : la précocité de l’intervention, l’abord de la crise et de la psychothérapie, une participation intense de la part de la famille et des proches, la continuité des soins et le maintien d’une accessibilité aux soins (pendant au moins trois ans voire cinq), des stratégies neuroleptiques à basses doses si possible comprenant une première phase sans neuroleptique, des hospitalisations de jour (le patient dormant dans un milieu personnalisé en dehors de l’hôpital). La partie recherche comprend :

- une étude suivie, naturaliste et à long terme, une panoplie d’outils de diagnostic de base est utilisée. Des examens de suivi sont faits à un, deux et trois ans.

- une comparaison avec les " soins habituels " est effectuée avec des groupes de comparaison rétrospective. Les cas sont comparés en ce qui concerne le diagnostic, la consommation de soin, la prescription de neuroleptique et le degré de satisfaction des malades, de leurs familles.

En France, la publicité comparative est interdite. Il est ainsi impossible d’entendre des études comparatives portant sur les traitements. La Suède n’a pas ces pudeurs. L’infirmier globe trotteur eut donc la surprise d’entendre des conférences portant sur les mérites comparés de la clozapine et de la risperidone. Loin d’être choquantes de telles présentations permettent de mieux se rendre compte des démarches des chercheurs, de se rendre compte que chaque produit à des avantages et des inconvénients. A chaque thérapeute de faire ses choix en connaissance de cause.

P. Harvey note que les conséquences fonctionnelles générales de la schizophrénie n’ont pas été radicalement améliorées depuis le début du siècle. Une des raisons de cette situation lui semble être l’absence presque totale d’effets des neuroleptiques classiques sur les fonctions cognitives qui prédisent ces conséquences fonctionnelles. Des médicaments antipsychotiques nouveaux (clozapine, risperidone, amisulpride, olanzapine.) ont semble-t-il des effets plus favorables sur ces fonctions. Les types d’effets favorables, y compris les améliorations de la mémoire secondaire et de la mémoire de travail, de l’attention, ainsi que celle de la capacité à résoudre les problèmes ont des avantages directs pour les malades atteints de schizophrénie.

D. Naber, de Hambourg, note que le développement et l’usage des antipsychotiques atypiques a permis de prendre en considération les symptômes négatifs et les dysfonctionnements cognitifs. Ces deux éléments sont d’une grande importance tant pour le diagnostic à long terme que pour la qualité des rapports sociaux des patients. La prise en compte du point de vue du patient a permis de s’intéresser à sa qualité de vie subjective souvent inchangée voire réduite avec les antipsychotiques classiques. Leurs effets défavorables ne se limitent pas aux symptômes moteurs mais détériorent d’une façon prononcée l’énergie et les émotions. Ces effets sont souvent trop subtils pour que l’on puisse les détecter lors d’un examen objectif. Ce syndrome qui ressemble aux troubles négatifs de la schizophrénie a été nommé " dépression acinétique ", " dépression pharmacogénique " ou " syndrome défectueux provoqué par les neuroleptiques ". Le manque d’intérêt des scientifiques pour le bien-être subjectif du patient pourrait s’expliquer par l’opinion fausse que les malades schizophrènes ne sont pas capables d’évaluer leur bien-être ou leur qualité de vie. De nombreuses études ont cependant démontré que 63 à 95 % des malades schizophrènes, la plupart d’entre eux remis, étaient capables d’apprécier leur état émotionnel ou leur qualité de vie d’une manière valable et conséquente. La relation entre bien-être subjectif/qualité de vie et psychopathologie évaluée par expert n’est pas corrélée. La plupart des études trouvent par contre une corrélation significative lorsqu’il s’agit de symptômes négatifs. Les quelques études où sont examinés les effets des neuroleptiques sur la qualité de vie montrent que les antipsychotiques atypiques sont très supérieurs aux neuroleptiques classiques. En raison de l’absence d’effets secondaires importants les malades les supportent relativement bien et sont moins souvent réhospitalisés. Pour cette raison, et probablement aussi grâce à un meilleur fonctionnement neuropsychologique, les malades sont capables de participer à un traitement psycho-social à long terme qui finit par conduire à une amélioration des symptômes négatifs et de la qualité de vie.

Conclusion

La tenue d’un tel Congrès serait en France impossible. Professionnels, famille, patients ne se mélangent pas. Les Rencontres de la psychiatrie ont été un pas timide dans ce sens. Chacun dans son territoire et la folie est bien gardée.. Que dire aux familles ? Vous voulez être informée ? Vous voulez comprendre quelque chose à ce qui arrive à votre enfant, à votre vieux père ? Que dire aux patients ? Vous aimeriez connaître les dernières avancées de la recherche ? Allez vous faire voir chez les Suédois ! Psychiatres, travailleurs sociaux infirmiers, familles, patients s’y rencontrent, échangent et réfléchissent de concert. A propos aucun chercheur français n’était représenté. Il est vrai que l’on ne peut pas passer son temps à boucler les patients en chambre d’isolement, à prescrire des neuroleptiques à la louche sans tenir compte des avancées de la recherche et s’ouvrir au monde.

Paul Arène

Infirmier globe trotteur.