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des patients chroniques

"Jeannette et sa maison...

schizophrénie et soins à domicile en psychiatrie de secteur "

Résumé :

Ce travail, par l’analyse de la prise en charge d’une patiente vivant seule à son domicile, permet de réfléchir à la fonction de l’espace thérapeutique, l’espace intime, l’espace de liberté nécessaire à chaque individu.

Dans la rencontre singulière entre une patiente souffrant de schizophrénie et les différents membres de l’équipe de secteur psychiatrique nous faisons l’analyse des interactions qui se jouent au cours de cette prise en charge sur plusieurs années.

L’analyse des composantes relationnelles spécifiques à la patiente, à son lieu de vie, " au berceau de son histoire ", nous permettent de mettre en lien " ce qui est du dedans et ce qui est du dehors " . Ainsi nous mettons en évidence que " l’espace thérapeutique offert " donne à la patiente la possibilité d’accéder à " un espace de vie " alors que la maladie tend à le ceinturer, à le rigidifier. 

La diversité des axes de soins mettent à disposition de la patiente des espaces de parole, d’écoute, de créativité, de liberté. En lui permettant de s’ouvrir au monde, lui sont offerts les moyens de vivre chez elle. La patiente ayant besoin d’aide pour mettre plus de fluidité entre l’intérieur et l’extérieur, le projet thérapeutique contribue à ce qu’elle garde des liens sociaux et établisse des relations

"Avant d’être "jeté au monde "(...)
 l’homme est déposé dans
 le berceau de la maison ".
 Gaston Bachelard
"La poétique de l’espace"

Introduction

I - Jeannette, son histoire clinique

II - Un projet thérapeutique pour Jeannette

III - Bilan de sa prise en charge

IV - Analyse

Conclusion

Bibliographie

Annexes


Introduction

Depuis l’obtention du diplôme d’Infirmière de Secteur Psychiatrique en 1983, j’ai orienté ma pratique infirmière vers le travail de secteur en ambulatoire. Il me semble essentiel d’offrir des soins aux patients souffrant de troubles psychiatriques au plus près de leurs lieux de vie. Ceci afin d’éviter et de parer aux phénomènes d'exclusion engendrée par la maladie mentale. Une place pour chacun dans la société, des conditions de vie aussi bonnes que possible et le respect de la dignité de tout être humain sont les principes qui guident ma pratique infirmière.

J’ai constaté qu’être à l’écoute du patient en lui permettant, de mettre des mots sur ses émotions, de donner du sens à ses mots, d’élaborer sa pensée, nécessite pour le professionnel un encadrement étayant.

L’espace d’écoute dont le patient peut bénéficier se situe dans cet " espace thérapeutique " qui est enchevêtré avec d’autres espaces de soutien, éducatif, social.

En choisissant d’analyser la prise en charge d’une patiente vivant seule à son domicile, j’ai voulu réfléchir à la fonction de l’espace thérapeutique, l’espace intime, l’espace de liberté nécessaire à chaque individu. Etre infirmière de secteur psychiatrique c’est entrer dans le monde de l’autre. Quels moyens avons-nous de nous assurer que nous ne sommes pas trop envahissants ? Et que nous prenons bien la mesure de nos actes ? A tout prix vouloir que l’autre, le différent, le " fou " évite l’espace d’enfermement que peut représenter sa maladie, nous risquons d’aller trop loin chez lui.

Dans ma pratique infirmière, au Centre Hospitalier Georges Daumezon (Loiret), je suis régulièrement amenée à intervenir au domicile des patients. La visite à domicile (V.A.D.) ou soin à domicile (S.A.D.) est un des outils de la pratique de secteur. C’est le moyen de mettre en place la relation d’aide sur le lieu de vie du patient, d’évaluer sa situation, de contribuer à son maintien à domicile. Mais le soin à domicile en psychiatrie met l’infirmier dans une situation complexe : faire entrer le soin chez le patient. C’est-à-dire " dans la demeure, au logis " et/ou " dans l’esprit, dans le caractère ". Pour les patients souffrant de psychose, sachant que leur rapport à l’autre et leur mode de communication sont perturbés, quels peuvent être les effets des S.A.D. ? La prise en charge thérapeutique de Jeannette va guider notre réflexion.

I- Jeannette : son histoire clinique

Jeannette est âgée de 67 ans, elle vit seule depuis le décès de sa mère, il y a 4 ans. Elle a été suivie en ambulatoire après trois hospitalisations en psychiatrie au Centre Hospitalier Spécialisé. Elle a 18 ans quand débutent brutalement ses troubles. Le premier certificat médical d’entrée fait état de troubles de la pensée qui est incomplète et ambivalente, de barrages, de rires immotivés, une activité irrégulière et discordante, d’impulsion et d’indifférence envers sa famille et son état. Le médecin psychiatre diagnostique une démence précoce. En 1959, à sa troisième hospitalisation, les mêmes troubles sont observés et le diagnostic posé est " syndrome schizophrénique ".

Jeannette a toujours vécu sous le même toit que ses parents. Elle a bénéficié d’un emploi protégé après classement en capacité professionnelle réduite en juillet 1965. Elle trouve un emploi de conditionneuse en fin de chaîne dans une entreprise de conserves alimentaires. Cette activité contribue à la stabilisation de ses troubles et a un effet revalorisant.

En février 1992 l’équipe extra-hospitalière de psychiatrie adulte, (4 infirmières de secteur psychiatrique chargées de la prise en charge en milieu rural des personnes âgées) est contactée par le médecin psychiatre qui suit Jeannette. Son comportement est perturbé depuis qu’elle est à la retraite : agressivité verbale, injures, cris, débit verbal très accéléré. Ces signes évoquent un sentiment d’angoisse liée à la perte de ses repères habituels. De plus, n’ayant aucune activité hors de chez elle, Jeannette se retrouve en permanence en compagnie de sa mère. C’est une femme très possessive, dominatrice, rejetante à l’égard de sa fille. Elle lui tient des propos dévalorisants, invalidants.

Jeannette et sa mère sont toutes deux dans une relation fusionnelle pathogène .

Elle décrit sa mère : " elle a le cerveau perturbé ", elle a " la maladie de la persécution ", " avec ma mère, il y a des moments, elle n’a plus son cerveau, elle est avec quelqu’un d’autre ". Cette situation est plus aiguë depuis que Jeannette n’a plus la ressource de s’échapper à l’extérieur. Son lieu de travail qui l’éloignait physiquement et mentalement d’un environnement étouffant, lui permettait d’avoir des contacts sociaux chaleureux et valorisant. Jeannette est une femme attachante, extrêmement gentille et généreuse.

Le père est absent du discours de la patiente. Il est décédé d’un accident de la route en 1984. Il est décrit par sa fille comme un homme travaillant beaucoup, toujours par monts et par vaux.

II- Un projet thérapeutique pour Jeannette

Le but initial de la prise en charge infirmière débute en 1992 à la demande du médecin psychiatre. Il s’agit de surveiller l’observance du traitement médicamenteux. La bonne observance du traitement vise à enrayer les signes d’agressivité à l’égard de son entourage. Des entretiens infirmiers lui sont prescrits, et mis en place dans le cadre des S.A.D. Cela permet à Jeannette de bénéficier d’un espace de parole. Ces soins ont été mis en place avec difficulté. La mère interrompt les entretiens et se déverse en reproches à l’égard de sa fille. Elle la qualifie " d’incapable, bonne à rien ", elle menace " placez la à l’asile ! ".

L’équipe intervient difficilement à cause de l’opposition de la mère. En 1993 elle décède subitement chez elle d’un accident vasculaire cérébral. A partir de ce moment l’équipe infirmière met en place un dispositif de soins en accord avec Jeannette. Il s’agit de la soutenir pour faire face à cette nouvelle situation, et d’évaluer ses capacités d’adaptation : a-t-elle les ressources psychiques pour vivre seule à son domicile ou faut-il envisager un projet de placement en institution ? Foyer logement ? Maison de retraite ?

Après le décès de sa mère, Jeannette montrera aux infirmières une quantité importante de bons aux porteurs et de bons anonymes. Ils sont stockés un peu partout dans la maison. Devant son incapacité à gérer ses biens et en vue de la protéger, le médecin psychiatre demande une mesure de curatelle " renforcée ". (Art. 512 du Code Civil). Elle sera prononcée en 1994. Jeannette est aujourd’hui en possession d’un capital qui le met financièrement à l’abri. La curatelle est un régime d’assistance qui entraîne pour le sujet une incapacité partielle. Nous retrouvons les causes d’ouverture d’une mesure de curatelle dans la loi du 3 janvier 1968 (Art. N° 508 à 514 du Code Civil) : " l’altération des facultés mentales ou physiques, lorsque le majeur sans être hors d’état d’agir seul, a besoin d’être conseillé et contrôlé dans les actes de la vie civile ". Le curateur, désigné par le Juge des Tutelles, a un rôle d’assistance. Il donne son consentement aux actes que le majeur, sous curatelle, ne peut faire seul. Sa fonction consiste à conseiller et protéger.

Jeannette conserve ses droits civiques. Elle perçoit sur son livret d’épargne 1.500 francs par mois, pour ses dépenses courantes. Elle téléphone à son curateur quand elle prévoit des achats plus importants (vêtements, petit mobilier).

L’équipe attentive aux liens qui existent pour Jeannette avec sa maison familiale va orienter la prise en charge en vue de la soutenir pour lui permettre de rester chez elle. Aujourd’hui, ayant mis en place un dispositif de soins qui permet à Jeannette de vivre à son domicile, l’équipe pose une nouvelle question. Celle-ci a été abordée avec son curateur : n’est il pas temps d’envisager des travaux dans la maison en vue d’améliorer les conditions de vie de Jeannette ?

La position de l’équipe soignante est partagée. Jeannette a du mal à donner son avis. Elle est toujours dans une situation de dépendance. Elle est en difficulté pour faire des choix. Elle est ambivalente. La perspective de voir sa maison " modifiée ", " assiégée " par plusieurs personnes (architectes, entrepreneur, ouvriers) n’est elle pas sans risques ?

En analysant la nature des liens qui " attachent " Jeannette à sa maison, il nous semble important de ne pas modifier la structure de la maison. Cela risque de la perturber.

De part la configuration architecturale de l’habitation, Jeannette a adopté un comportement très particulier qui lui vient de sa mère. Jeannette est d’ailleurs soucieuse de la continuité des habitudes familiales " du temps de ma mère " ponctue les évocations du passé.

La maison est aménagée de telle sorte que la partie cuisine, WC, salle de bain ne communique que par l’extérieur avec la seconde partie. Jeannette doit traverser la cour pour se rendre dans la salle à manger et dans sa chambre qui est attenante à celle de sa mère. Cette partie de la maison semble faire office de sanctuaire. Les objets, meubles, bibelots, rien n’a bougé ni changé depuis le décès de la mère. Sa chambre est conservée ainsi que quelques vêtements. Après le décès, Jeannette a longtemps porté les anciens vêtements de sa mère, comme une protection, une enveloppe. Elle a pu s’en défaire petit à petit, encouragée par les infirmières.

L’autre partie de la maison est investie différemment par Jeannette. Elle y passe la majeure partie de ses journées . C’est dans la cuisine qu’elle nous reçoit lors des S.A.D. Cette partie semble être plus " habitée ". Jeannette y tricote, regarde la télévision ou lit le journal. Les journaux, publicités s’y amoncellent.

Jeannette communique d’un espace à un autre par l’intermédiaire de clés. Chaque lieu est fermé à clé avant d’investir un autre espace. Il lui arrive souvent de ne plus savoir où sont les clés de telle ou telle partie de la maison. Dans ces moments l’angoisse et la panique s’expriment sous forme d’accusations envers ses voisins, les stagiaires infirmières, ou son chat. Jeannette est alors dans un état d’agitation psychomotrice importante, elle crie et a un débit verbal accéléré. Elle téléphone alors à l’équipe infirmière, cherchant à être rassurée. Ce lien téléphonique, dans sa fonction relationnelle, agit comme " pare-excitation ", pour contenir ses affects douloureux où elle se sent perdue, disloquée, sans enveloppe. Son angoisse s’apaise, elle peut réorganiser le cours de sa pensée. Elle retrouve son calme pour chercher ses clés.

Les travaux envisagés permettraient d’éviter le passage par l’extérieur. La grange serait transformée en espace de vie : chambre et cuisine. Mais ce " passage par l’extérieur " a peut être un sens pour Jeannette. Même s’il nous semble inconfortable, il marque peut être " le passage d’un état à un autre " :de la vie (cuisine) à la mort (chambre de la mère qui y est décédée), de l’indépendance à la fusion. La relation que les patients psychotiques entretiennent avec la réalité est complexe. La maison représente l’espace où se fonde notre existence et où nous avons nos plus profondes racines. En modifiant la structure de la maison et donc le fonctionnement de Jeannette, nous risquons de la perturber gravement. Sa structure psychique est fragile, et elle a mis en place des mécanismes pour se protéger d’une déstructuration, de l’éclatement.

Il nous semble important de faire le bilan de la prise en charge thérapeutique pour aborder cet éventuel projet. Les observations sur l’évolution de Jeannette, depuis le début de sa prise en charge par l’équipe, nous renseignerons sur ses ressources, compte tenu de sa pathologie.

III- Bilan de la prise en charge

Le décès brutal de la mère, en 1992, amène l’équipe à orienter le projet de soins sur 4 axes :

Le suivi à domicile.

Jeannette a besoin d’aide pour organiser sa vie sans sa mère, faire face au deuil, acquérir autonomie et assurance. Les S.A.D. permettent :

L’atelier cuisine

Une fois par semaine de 10 à 16 heures, Jeannette a la possibilité de se rendre dans les locaux de l’équipe de psychiatrie de secteur, pour une activité autour du repas thérapeutique. Elle peut y aller par ses propres moyens (mobylette) ou en V.S.L. (Véhicule Sanitaire Léger ). C’est un moment de sociabilité, de détente, de communication et d’échange.

Les accompagnements

Jeannette bénéficie d’une aide pour les actes de la vie quotidienne.

Traitement médicamenteux

Jeannette est vue par le médecin psychiatre, responsable de la structure de soins, une fois par mois. Il réajuste le traitement en fonction des dires de la patiente et des observations infirmières. Le traitement actuel est :

Jeannette constate que depuis qu’elle prend régulièrement le Nozinan, ® elle se sent moins énervée et que l’Haldol ® l’empêche de " gueuler " dans la cour. Il lui arrive d’oublier de prendre l’Immovane ® en se couchant. Elle le prépare dans la cuisine et ne souhaite pas ressortir de sa chambre. Elle sait qu’elle ne dormira pas bien. Le matin, au réveil elle dit se sentir perdue et triste, " ma tête est vide, c’est le cerveau qui n’est pas à sa place ", " je suis Jeannette, je suis rien ".

Depuis que Jeannette prend régulièrement son traitement, l’équipe a constaté qu’elle est plus calme, moins logorrhéique, plus disponible aux activités qui lui sont proposées et donc aux relations avec autrui.

Après 5 ans de prise en charge selon ces 4 axes, Jeannette a mis en œuvre des ressources personnelles qui lui permettent de vivre à ce jour chez elle. Elle a investi l’équipe et le lieu de soins qui sont des repères dans le temps, dans l’espace et affectif pour elle. " Sans vous je ne sais pas ce que je deviendrai " dit-elle à l’équipe. Elle a crée des liens avec les patients qu’elle côtoie à l’atelier cuisine. Elle a rendu visite à certains d’entre eux et entretient des contacts téléphoniques. Elle peut, maintenant, se rendre seule en ville. Elle est sous curatelle et se dit soulagée de préoccupations financières auxquelles elle n’aurait pu faire face ( réparations dans la maison). Elle entretient de bonnes relations avec son curateur qu’elle sait solliciter si besoin. Après une période d’adaptation, de mise en confiance, où l’équipe a tenu un rôle de réassurance, de conseil, d’explication, Jeannette a intégré un nouveau mode de relation dans le cadre de la curatelle qui lui permet de s’appuyer sur l’autre, de l’interpeller, d’exprimer des besoins. Jeannette vit malgré tout des moments de panique, d’angoisse quand elle reçoit avec retard ses relevés de compte. Nous pouvons penser que l’attente, la perception du temps qui est altérée dans la schizophrénie s’exprime ici. Jeannette envisage avec difficulté la possibilité d’un lendemain différent d’aujourd’hui. C’est le temps figé décrit par Minkowski.

Son champ d’indépendance et d’autonomie s’est élargi. Jeannette peut aujourd’hui

interpeller les soignants, formuler des demandes. Elle perçoit en partie que l’autre lui apporte quelque chose qu’elle n’a pas en elle, donc que l’autre est différent et que sa relation avec lui ne va pas l’engloutir.

La réflexion de l’équipe sur la cohésion des actions de soins, face aux troubles présentés par Jeannette, a permis de mettre en place un dispositif qui a eu des effets sur sa vie extérieure. La stabilité de cette prise en charge thérapeutique lui apporte un meilleur équilibre entre ce qu’elle éprouve à l’intérieur et ce qu’elle vit à l’extérieur.

Malgré tout elle souffre d’isolement et de solitude " je suis seule, je ne suis rien ".

Dernièrement un petit chat l’a " adoptée ". Après une période ou nous avons craint que cette " relation " soit perturbante, nous constatons que ce petit animal apporte à Jeannette compagnie et affection. Il apporte dans sa vie moins de rigidité, plus de spontanéité. Comme si cet animal libre lui montrait ce qu’est la liberté.

IV- Analyse

C’est E. Kraeplin (psychiatre allemand 1856-1926), créant une classification des maladies mentales basée sur l’observation clinique qui distingue la " démence précoce " dans le cadre de la nosographie des psychoses. Ceci est lié à l’aspect déficitaire de la maladie. A l’époque ces malades vivaient isolés dans les asiles, la perte de contacts engendre inévitablement une perte des capacités de l’individu. Les patients souffraient de l’hospitalisme psychiatrique se manifestant par de l’indifférence due à celle portée à leur égard. En 1911, Eugen Bleuler (psychiatre suisse 1957-1939) étayant son observation sur les premières diffusion en psychanalyse invente le terme de schizophrénie (du grec schizein " fendre " et phrên " esprit "). Il montre que le point central de ce groupe de malade est une coupure de la vie psychique. Il conteste la notion d’évolution démentielle et introduit en psychanalyse la notion " d’ambivalence ". C’est dans la schizophrénie que cette tendance paradoxale à éprouver ou à manifester simultanément deux sentiments, deux attitudes opposés envers un même objet ou une même situation, apparaît dans sa forme la plus caractéristique. Bleuler va proposer une double dimension :

Le terme de schizophrénie contrairement à celui de démence précoce permet d’appréhender la maladie non en temps que dégradation mentale inévitable, mais permet d’établir un contact, une approche du patient.

Eugène Minkowski (psychiatre français 1885-1972) met en avant chez les patients schizophrènes " la perte du contact vital avec la réalité ". S’inspirant de la philosophie phénoménologique, dans son approche de la schizophrénie, il souligne l’importance de la spacialisation et de la qualité du temps vécu dans la maladie. Le temps devenant pour lui complètement " figé ". Selon Minkowski, derrière tout symptôme, il y aurait une modification profonde de la personnalité.

Paul-Claude Racamier (psychiatre, psychanalyste) s’est inspiré de la compréhension psychanalytique pour élaborer sa conception de cette maladie. Les patients n’ont pas la conviction, le sentiment intime d’être une personne unique et différenciée de façon durable. C’est le sentiment de " dépersonnation " qui selon Racamier est le trait de base de la schizophrénie. Le fonctionnement mental des malades complique leur relation au monde, " ils peuvent être en n’étant pas, penser tout en ne pensant pas ". Cet aspect fait penser à la discordance (P. Chaslin) qui s’exprime par " un défaut d’harmonie entre la pensée ou les sentiments et leur expression, entraînant une incohérence des symptômes : mimiques inadaptées aux sentiments du malade, rires immotivés, discordance de l’activité motrice accompagnée d’impulsions diverses ". Racamier évoque une forme de paradoxe concernant leur identité et dont ils souffrent : ils éprouvent inconsciemment leur conviction d’être leur propre et unique créateur. Ils n’ont pas le sentiment d’être le fruit de l’union de leurs deux parents. Cela provoque une grande souffrance, le sentiment d’être seul " d’être une coquille vide, un corps sans substance, une âme sans rien dedans ".

Ils ont du mal à percevoir leurs troubles et surtout à les situer. Chaque patient a sa logique, il n’y a pas de réponse stéréotypée possible. Les soignants doivent inventer une réponse pour chacun. Les schizophrènes éprouvent de grande difficulté à se sentir suffisamment consistant pendant un certain temps dans un milieu nouveau. Il y a une dysharmonie qui nécessite concertation entre les acteurs du soin (médecin, infirmier) car la plupart des symptômes ont un double versant : ressources, capacités d’une part, torpeur, désorientation d’autre part. Les schizophrènes présentent une maladie de la pensée : " ils subissent une sorte d’attaque de leur pensée intérieure, et en même temps ils sont défenseurs de leur pensée ". Ils luttent pour et contre leur pensée.

Pour l’équipe soignante, Jeannette fait partie des premiers patients pris en charge à l’ouverture de la structure en 1991. Autant dire que Jeannette bénéficie de l’enthousiasme de ces infirmières volontaires et à l’initiative de ce projet élaboré sur plusieurs années. Le projet de soin pour Jeannette fait l’unanimité : ayant été sous le joug d’une mère dominatrice, la voici enfin libérée ! L’équipe s’investie auprès de cette patiente psychotique. Pour ces infirmières en psychiatrie, se donner les moyens d’aider Jeannette et sa " folie " à cohabiter au domicile, dans son milieu, représente un enjeu de taille. Ce sont les influences du Docteur Gentis (psychiatre pionnier du travail de secteur au Centre Hospitalier de Fleury les Aubrais, Loiret) qui orientent la pratique des soignants. La prise en compte de l’environnement social du patient vise à cesser d’exclure le malade de son milieu. En favorisant la réflexion sur le travail de secteur et en contribuant à son développement, de nombreuses hospitalisations ont pu être évitées. Les durées de séjours hospitaliers ont diminué. Mais surtout, cette nouvelle approche des soins, de la maladie mentale, a mobilisé chez les soignants énergie et créativité dans leurs méthodes de prises en charge des patients. Les soignants sont engagés dans un véritable processus thérapeutique qui laisse évoluer les patients dans leur espace social habituel.

" Quand la folie se manifeste quelque part, il y a quelque chose à accueillir et à accompagner, quelque chose qui est de l’ordre d’une recherche et d’une ouverture ".

Il y a un autre élément de taille qui influence les infirmières. Jeannette est encore " jeune ". L’équipe ne peut se résoudre à l’imaginer vivre en maison de retraite et perçoit ces institutions comme des lieux d’abandon ou le sujet risque de perdre et son identité et ses repères. Jeannette a besoin, dans sa relation à l’autre, d’être guidée, contenue, elle ne perçoit pas toujours ses limites ni celles de son interlocuteur. Par contre l’équipe est ambivalente pour un projet de vie en foyer logement, elle pourrait peut-être se sentir moins seule, mais ces attitudes déconcertantes par moment risquent de faire qu’elle soit rejetée par les autres résidents. Dans les relations sociales en groupe, une certaine " normalité " est de

rigueur. Nous savons que notre tolérance à l’égard de l’étrangeté de l’autre est de notre compétence de professionnelle. C’est là une grande difficulté de la profession infirmière. Sommes-nous prêt à être compréhensif, à pardonner, à supporter, à endurer ? En acceptant la différence du patient, nous respectons son espace de liberté où des liens thérapeutiques peuvent se créer.

La projection affective de l’équipe à l’égard de Jeannette oriente le projet de soins vers ce déploiement d’énergie pour l’aider à rester chez elle. Jeannette " portée " par cette équipe mobilise ses ressources. C’est la fonction du " holding " développé par Winnicott . Par le soutient infirmier Jeannette bénéficie d’une protection contre les angoisses concernant son intégrité, elle acquiert petit à petit un sentiment de sécurité, une représentation de son unité. Elle reste dans une certaine dépendance, celle-ci fait lien entre la réalité  extérieure et le monde intérieur de Jeannette. Nous pouvons facilement l’imaginer recluse chez elle, criant dans la cour comme un premier cri d’appel à la mère, cri de détresse et de désespoir.

Les actions infirmières qui ont pu parfois paraître " intuitives ", prennent tout leur sens par l’analyse que nous pouvons en faire.

En encourageant Jeannette à garder le chaton qui avait élu domicile chez elle, c’est son mode de relation et son mode de vie qui se trouvent mobilisés. " La présence de l’animal permet d’atténuer la dépersonnalisation de l’individu, l’agressivité du milieu, la difficulté à nouer des relations ".

Cette relation responsabilise Jeannette. Elle nous explique : " Il faut que je pense à mon chat, je lui dis à l’oreille que je vais aller en courses ". Son animal de compagnie aide Jeannette à s’ancrer à la réalité. Ce petit chat, devenu son interlocuteur au quotidien donne à Jeannette la possibilité de s’attacher, non dans un repli autistique, mais plutôt dans une relation, une communication qui l’aide à établir des limites. En effet, le caractère indépendant du chat oblige Jeannette à faire avec cette spontanéité, avec l’imprévu. Nous avons encouragé Jeannette à prendre le chaton dans ses bras. Elle n’osait le toucher. Nous savons que le contact avec la fourrure, la douceur, la chaleur de l’animal à une fonction de protection contre l’angoisse " .

Dans le cadre des activités du groupe thérapeutique, j’ai interrogé les patients sur la représentation qu’ils avaient de leur maison ou appartement et du lieu de soin qui les accueille. Ils devaient en dessiner les plans.

Pour Jeannette, il y a une différence frappante entre sa représentation de ces deux lieux :

Nous constatons que la représentation de l’espace, pour Jeannette, s’organise selon deux modalités : espace vide, sans issue d’une part et espace communiquant, relationnel, ouvert sur l’extérieur d’autre part. Nous pouvons ainsi évoquer sa difficulté à vivre une circulation fluide entre son vécu intérieur et son vécu extérieur.

" La relation de l’homme et de l’espace n’est rien d’autre que l’habitation pensée dans son être ", site Fernandez-Zoïla à propos d’Heidegger. Il évoque la difficulté de s’habiter soi-même et d’être en harmonie avec un espace de vie.

En proposant des activités régulières à Jeannette, donc en organisant son temps, l’équipe répond à son besoin de structuration. Selon Minkowski, le schizophrène tout en sachant où il est ne se sent pas à la place qu’il occupe. Il ne se sent pas habiter son corps. Exister n’a pas de sens précis pour lui. Cela modifie son orientation dans l’espace. La notion fondamentale du " être moi-ici-maintenant " est complètement étrangère au schizophrène.

La connaissance de la date n’a pas de signification. Il ne l’utilise pas de manière appropriée aux exigences extérieures. Les projets, les événements, les mouvements ne semblent plus exister. Le temps vécu est altéré. Les schizophrènes souffrent du statisme morbide qui les envahit. Les répétitions, les mouvements stéréotypés ne sont qu’un éternel recommencement sans progression aucune.

En apportant à Jeannette, mouvement, projet, événements, l’équipe lui donne ce dont la maladie la prive et l’enferme. C’est pour elle comme un souffle de vie.

Selon Racamier, chez les schizophrènes, l’étendue du moi, son territoire, son aire d’investissement est variable. Bien plus que les soignants ne l’imaginent. Par contre, la maladie l’empêche de varier, elle le " ceinture ".

" Ce n’est pas parce qu’il manque de territoire que le moi psychotique se sent fragile, c’est au contraire parce qu’il se sent fragile et parce que sa lumière est faible qu’il raidit ses limites et ceinture son territoire ". C’est parce que le sentiment du " Je " est précaire que les psychotiques ont besoin de " cerner, clore " le territoire du moi.

Racamier estime que vouloir retirer cette " prothèse ", c’est risquer de toucher aux défenses contre "  les menaces de dislocation, d’ambivalence, de transpercement ".

Il préconise, dans l’implication thérapeutique auprès des psychotiques, des interventions discrètes plutôt qu’abondantes. Elles risqueraient d’être intrusives.

Et c’est bien le problème qui préoccupe l’équipe. En investissant l’habitat de Jeannette comme lieu de soins, dans la projection d’aménagement possible,

les soignants vont au delà des limites de Jeannette. Nous devons plutôt porter notre attention sur l’investissement qu’elle a développé au sein des locaux thérapeutiques qui l’accueillent. Cet espace est " l’espace potentiel, transitionnel " de Winnicott.

Il permet à Jeannette, en se sentant en confiance de faire preuve de créativité, d’initiative. Il lui permet de s’inscrire socialement et culturellement dans son environnement. L’équipe a été vivement surprise par l’aisance dont Jeannette a fait preuve petit à petit. Jeannette est déléguée par les autres patients pour accomplir certaines tâches. "  Spécialiste de la sauce vinaigrette ou du café pas trop fort " elle acquiert reconnaissance dans un groupe social. Elle l’avait perdu au moment de sa retraite. Pour Noël, elle a réalisé de très jolis mobiles en pâte à sel.

" Notre domicile recèle ce que nous avons de plus précieux, de plus intime, à la fois dans l’ordre et le désordre, la souffrance et le plaisir ; nous savons aussi très bien qu’une part de notre inconscient que nous nous efforçons de masquer, de juguler dans notre vie quotidienne, est là, étalé, apparent, mêlé au reste... "

En entrant au domicile de Jeannette, nous nous trouvons dans son espace intime. C’est elle qui nous accueille et accorde au soin une place dans ce lieu où loge son histoire. Pour chacun d’entre nous la maison est essentielle. Elle représente l’espace où se fonde notre existence et nos plus profondes racines. Elle représente le lieu de nos origines. Comme une enveloppe, avec son dedans et son dehors, notre foyer est un refuge. Nous pouvons nous y étioler ou nous y accomplir. La maison parle de notre relation au monde. Si l’habitat est construit pour faire face à l’avenir c’est le passé qui nous y rejoint, comme dans un miroir. Nous nous y projetons sans toujours nous y reconnaître .

Notre demeure est le lieu privilégié qui nous ramène vers le monde perdu de l’enfance. Pour Jeannette, celui où elle a été aimée de " travers ".

" Construire une maison, l’acquérir, la restaurer, l’entretenir, la perdre , la laisser se détruire ou la détruire de ses propres mains, ces actes ne sont que des moyens de mettre à l’extérieur de soi, pour les voir et les traiter, les questions qui sont en nous-mêmes et qui nous entravent ".

Ce projet de travaux dans la maison de Jeannette n’est pas de son initiative. Il est de la projection des professionnels qui souhaitent pour elle une perspective de

changement. Tout mettre à plat pour repartir sur de bonnes bases, " normalement ".

Comme si l’objectif était de " normaliser " son logis, de le rendre comme les autres. Mais Jeannette n’est pas comme les autres. Elle arrive à faire comme les autres, mais intérieurement elle est profondément différente, étrange, impénétrable. Jeannette veut-elle traiter sa différence ?

Cela ne lui semble pas essentiel. Sa maison est dans l’ordre des choses, puisque c’était comme cela " du temps de sa mère ". C’est inscrit et transmis ainsi par elle. La solution au dilemme que se posent les infirmières leur est apportée par Jeannette qui propose d’aménager l’écurie et non la grange comme cela avait était proposé au départ. Cette solution semble être une alternative pour Jeannette puisque dit-elle sa mère avait l’intention de restaurer cette partie de la maison. Mais est-ce aussi une proposition pour répondre favorablement aux questions des infirmières " alors, Jeannette, ces travaux, qu’en pensez-vous ? " Jeannette n’en pense rien, elle aimerait que quelqu’un prenne la décision pour elle, que quelqu’un s’occupe de tout. Comme le faisait sa mère auparavant. Mais faire ces travaux n’est ce pas faire revenir la mère, par son projet interposé, à la vie ? Rendre concret, vivant ce qui s’éteint avec elle ? Jeannette a l’expérience de ce que peut être de revenir à la vie, quand sa mère la faisait passer pour morte. Jeannette risque d’être prise dans la confusion ou le sentiment de ramener sa mère à la vie. Comme elle s’accusait de l’avoir fait disparaître lors de sa mort.

La nature des relations préexistantes au décès détermine le cours du deuil. Le deuil provoque déséquilibre et déstabilisation. Il révèle les fragilités au niveau du sens de la réalité et de l’ambivalence. La perte d’un être cher est une épreuve profondément douloureuse qui s’exprime par une douleur morale. Elle atteint l’endeuillé malgré lui. Le travail de deuil est une dépense d’énergie qui permet d’accepter la perte en modifiant la relation intérieure de l’endeuillé avec l’être perdu.

Déjà, nous percevons la complexité des sentiments qui ont pu habiter Jeannette lors du décès brutal de sa mère, de part sa perception de la réalité et de part sa relation avec celle-ci. A t-elle conscience qu’aucune partie d’elle même n’a disparu avec la perte de sa mère ?

Selon M. Hanus , chaque deuil réactualise le deuil narcissique que le tout petit enfant parvient à élaborer lors de la position dépressive développée par M. Klein.

L’enfant prend conscience que la personne qu’il aime et qu’il souhaite détruire en même temps ne font qu’une. Il vit alors une phase de deuil où ces objets interne et externe sont vécus comme perdus, abîmés. Par cette dépression l’enfant va parvenir à rétablir un bon objet interne sécurisant. L’enfant sort ainsi de l’ambivalence et de la culpabilité.

L’endeuillé par le même processus, réinstalle en lui le bon objet perdu. Cela lui permet de supporter, grâce à cette présence interne, l’idée de la perte en concevant que l’être cher perdu n’était pas parfait.

Le travail de deuil se déroule cliniquement selon trois étapes :

En fonction des liens qui préexistaient entre l’individu et l’être perdu, ces différentes étapes peuvent se compliquer et devenir pathologiques.

Jeannette n’a pas pleuré lors du décès de sa mère. Aujourd’hui encore, lors d’entretien, nous la sentons au bord des larmes sans pouvoir laisser s’exprimer son chagrin. Se laisser pleurer c’est pouvoir demander de l’aide, de la consolation, du réconfort. Elle se débat contre un angoissant sentiment d’abandon. Si Jeannette ne peut pleurer, c’est qu’elle n’a jamais eu le sentiment d’être consolée. Elle n’a pas la certitude que son chagrin puisse être apaisé.

L'ambivalence des sentiments qui ont pu l’envahir dans sa relation à sa mère a certainement été renforcée au moment du décès. En s’accusant d’avoir tué sa mère elle exprimait un insurmontable sentiment de culpabilité.

Pendant plusieurs mois, Jeannette s’est habillée avec les vêtements de sa mère. Nous pouvons penser que " ces objets de liaisons " lui ont permis d’éviter une rupture complète avec la réalité de la perte. Ils ont eu une fonction de maintien et de défense contre des sentiments de culpabilité trop écrasants. Ces objets offrent " l’illusion de la réunion entre l’endeuillé et le décédé ".

En gardant dans la maison la chambre de sa mère, nous supposons qu’elle oscille entre la réalité de la perte et l’illusion de voir sa mère réapparaître. Peut-être a-t-elle toujours ressenti sa mère absente pour elle dans son besoin de soutien. Comme une mère absente trop présente.

Nous ne savons si Jeannette a la possibilité d’élaborer un travail de deuil. Nous devons rester vigilants à la survenue de signes de deuils compliqués ou pathologiques (tristesse, nostalgie, troubles somatiques de conversion, passage à l’acte suicidaire).

Conclusion

La maison est le point de départ et le point d ‘arrivée du projet thérapeutique. La prise en charge au domicile de Jeannette fait partie du dispositif de soins qui lui a permis d’apprendre à communiquer, à se faire comprendre. Ensuite, Jeannette a pu se tourner vers l’extérieur. Elle était accompagnée dans un premier temps, puis de plus en plus seule, indépendante. C’est la diversité des axes de soins qui donne à Jeannette la possibilité de disposer d’espaces de parole, d’écoute, de créativité, de liberté. En lui permettant de s’ouvrir au monde, nous lui donnons les moyens de vivre chez elle.

L’équipe veillera à ce qu’elle y vieillisse sereinement. Jeannette a besoin d’aide pour mettre plus de fluidité entre l’intérieur et l’extérieur, pour garder des liens sociaux et établir des relations. En fonction de son avancée en âge, l’équipe pourra modifier le dispositif de soins. De nouveaux intervenants pourront contribuer au maintien à domicile de Jeannette ( aide - ménagère, livraison de repas, aide soignante...).

C’est dans la transmission de ce projet au sein de l’équipe soignante que Jeannette peut trouver appui. Cette persistance permet de maintenir une cohésion dans l’histoire de Jeannette, car ses parents lui ont laissé cette maison, ce toit, cet abri, elle qui est si fragile. Nous contribuons en quelque sorte à ce qu’elle profite de cet héritage sans qu’il devienne prison ou fardeau.

Martin Marie-Noëlle

Travail réalisé dans le cadre d’une " Licence en Santé Mentale " 1997/1998 Ecole Supérieure Montsouris, Université Val de Marne, Paris XII


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ANNEXES

Les soignants se déplacent au domicile du patient sur prescription médicale dans le cadre du projet de soins : Décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels infirmiers, rôle propre, rôle sur prescription.

La première difficulté à laquelle nous nous heurtons à propos des visites à domicile, c’est l’absence de définition précise. Les textes relatifs au Centre Médico Psychologiques et au secteur nos permettent d’élaborer un cadre juridique indirect applicable aux V.A.D. Il s’agit de la loi sur la réforme hospitalière du 31 juillet 1991, du décret et de l’arrêté ministériel du 14 mars 1986 relatifs aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales, ainsi que la circulaire du 14 mars 1990 sur les orientations en matière de politique de santé mentale.

La circulaire du 15 mars 1960 fonda les bases de la sectorisation qui fut reprise par une circulaire préfectorale le 28 avril 1978. Elle instituait la création des secteurs de psychiatrie générale et de psychiatrie infanto-juvénile.

Jusqu’en 1985, le dispositif de prise en charge de la santé mentale était concentré sur les pavillons de soins situés dans l’enceinte du centre hospitalier spécialisé, dont les lits étaient consacrés à l’hospitalisation à temps complet.

Dés 1986, la dynamique de soins autour de la personne a pu s’accompagner du développement d’un dispositif structurel de proximité permettant l’amélioration de l’accès aux soins et l’insertion des patients dans la cité. Les secteurs ont bénéficier de moyens pour sortir de l’hôpital et pour développer les alternatives à l’hospitalisation.

" Aucun patient n’a à être pris en charge sa vie durant dans un hôpital, même s’il s’agit d’un hôpital psychiatrique ".

Afin de répondre au mieux aux besoins de la population dans le respect de l’arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et de la circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de santé mentale, les secteurs de psychiatrie générale ont mis en place certains dispositifs qui ont participé activement à la diminution du recours à l’hospitalisation à temps complet et favorisé l’insertion dans la cité.

" La psychiatrie de secteur s’est donnée comme hypothèse qu’il fallait montrer d’emblée qu’il y avait un lien à établir entre la souffrance d’un sujet et le lieu où il vit et exprime sa souffrance ".

L’opposition entre le dehors et le dedans s’est atténuée. Le dehors représentant le milieu social, la cité, l’insertion, le dedans représentant lui, l’institution, l’exclusion, l’aliénation. Aujourd’hui, ce qui est à prendre en compte, c’est la personne dans sa globalité, et non plus son handicap, sa maladie, ses difficultés. Les besoins des personnes peuvent être multiples et peuvent évoluer. Les réponses en terme de soin et d’aide sociale doivent donc évoluer.

Présentation Cadre Institutionnel

Les services de psychiatrie adulte du Centre Hospitalier Départemental, Georges Daumezon, de Fleury les Aubrais (Loiret), ont mis en place en 1990 un dispositif extra-hospitalier visant à favoriser le retour à domicile ou le placement en institution substitutive les nombreux patients âgés hospitalisés dans les services.

L’une de ces structures est installée en milieu rural afin de répondre aux besoins d’une population vieillissante sur cette partie du secteur.

Aujourd’hui les principes de base des politiques sanitaires et sociales, en faveur du sujet souffrant psychiquement qu’il soit âgé ou non, posent que la place " normale " de chacun est à son domicile.

L’équipe de secteur psychiatrique trouve sa place au cœur d’une action globale et coordonnée, préventive et curative. Les soins sont dispensés par l’équipe pluridisciplinaire auprès du patient en tenant compte de son environnement familial et social dont il dépend depuis sa naissance.

Les efforts de l’équipe portent sur la prévention aux premiers signes de la crise du vieillissement en prenant en compte les aménagements déjà réalisés ou à réaliser par d'autres intervenants :médecins généralistes, services sociaux, soins à domicile, aides à domicile, aides ménagères. Ce travail d’accompagnement vise à permettre de choisir son mode existentiel de vieillissement jusqu'à la mort, étant entendu que c’est non seulement le sujet âgé, mais aussi tout son entourage lui aussi de plus en plus âgé qui est dans cette difficulté.

Il est essentiel d’offrir un espace de parole souvent non entendue, plus attendue, car redouté, donc inaudible et il s’agit d’être là pour essayer d’enrayer une dépression, une démence.

Le travail soignant consiste à ne pas rejeter ce sujet âgé en monde étranger : monde que l’on peut rendre étranger tant par un placement en institution dont l’effet pathogène est reconnu par tous, que par une mise à l’écart intellectuellement et scientifiquement argumenté (diagnostic maladie d’Alzheimer par exemple). Ce qui prive le sujet d’une reconnaissance de sa parole, de ses actes.

Les admissions en service de psychiatrie se font surtout au détour d’une situation de crise traduisant la rupture d’une prise en charge du patient par l’entourage, l’évolution pathologique étant alors déjà ancienne.

L’intervention de l’équipe de secteur psychiatrique au domicile se fait en coordination avec les intervenants existants pour permettre l’évaluation et la mise en place de relais pour la famille souvent à bout de souffle. L’équipe assure auprès des patients un accompagnement des actes essentiels à la vie et permet aux personnes âgées dépendantes de rester vivre chez elles quand elles le désirent.

L’unité de soins vise à éviter une hospitalisation en psychiatrie ou à réduire la durée de séjour. Elle apporte aux patients une prise en charge globale . C’est la mise en œuvre d’un projet thérapeutique qui se fait à partir du domicile du patient avec l’aide des services existants : assistantes sociales de secteur, aides ménagères, médecins généralistes, aides soignantes, infirmières libérales, kiné.

Il s’agit d’une unité de coordination et d’accueil en milieu ouvert. Elle organise des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d’interventions à domiciles. Elle est mise à la disposition de la population et assure un suivi auprès des institutions ou établissement nécessitant des prestations psychiatriques ou de soutien psychologique.

Le Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel vise à maintenir ou à favoriser une existence d’autonomie par des actions de soutien, des groupes thérapeutiques, des prises en charge thérapeutiques à domicile.

L’équipe oriente, soutien, accompagne les patients qui souhaitent vivre en institution (foyer-logement, maison de retraite).

 

Les activités de l’équipe :

Cette équipe qui avait pour mission en 1990 d’aider les pavillons d’hospitalisations à placer les personnes âgées en institution a vu ses objectifs changer d’orientation. Les patients âgés hospitalisés de longue date en psychiatrie ont trouvé leur place dans des structures adaptées. Aujourd’hui, l’équipe est amenée à répondre aux demandes de soins exprimés par les personnes âgées, leur famille ou les partenaires sanitaires et sociaux. L’équipe assure aussi le suivi des patients âgés de plus de 60 ans suivis de longue date par les équipes de secteur. Elle assure ainsi la continuité des soins et la coordination des actions visant à les aider à vivre à leur domicile.


nous contacter:serpsy@serpsy.org