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Retour à Psychiatrie hors les murs


RETOUR DE ROME


" Roma Capitale senza il manicomio "
(Rome Capitale sans asile Psychiatrique)


" Nous pensons que tant que l'hôpital subsistera, la maladie mentale ne sera pas éliminée… " Franco Basaglia 1977


" La condamnation culturelle de l'asile psychiatrique a toujours été faite par tous .
La " petite différence italienne " est que cette condamnation a été prise au sérieux " dans la réalité " .
Franco Rotelli 2000


J'ai eu la chance il y a peu de participer à un voyage d'étude à Rome . Je n'étais pas retourné en Italie pour rencontrer des équipes dans le champ de la Santé Mentale depuis longtemps .J'avais gardé le souvenir de Franco Basaglia à Trieste en 1978 avec les autonomes italiens dans un Hôpital en pleine effervescence , et de ce patient catatonique en résidence en ville que nous avions accompagné avec d'autres à une Pizzeria en ville .

Rome mars 2003
Pendant 5 jours, nous avons visité des structures implantées dans la ville de Rome, et rencontrés de très nombreux interlocuteurs, médecins, soignants, sociologues, éducateurs, …Tous " oppératore " de terrain au sein des structures délocalisées du territoire. Nous avons eu de longs échanges avec les équipes, rencontrés des patients, échangés largement au sein de notre propre groupe dont les statuts et les perceptions étaient différents. Je ne décrirai pas en détail notre visite , mais je voudrais partager avec d'autres, l'enthousiasme de notre groupe, vis-à-vis de la découverte de dispositifs thérapeutiques implantés dans la cité, dynamiques et créatifs, fragiles en même temps, à la fois si proche et si différents, de ce que nous connaissons en France. Je voudrais aussi rendre compte de l'émotion d'avoir été hébergé pendant notre séjour au sein du grand Hôpital Psychiatrique de Rome, dont une partie est transformée en résidence hôtelière . L'Hôpital Psychiatrique a définitivement fermé ses portes en 1999 .C'est là que nous avons séjourné dans d'excellentes conditions hôtelières.

À Rome comme d'ailleurs partout en Italie il n'y a plus d'Hôpital psychiatrique.
Pour autant la situation ne semble pas catastrophique comme cela a pu être entendu ici ou là… L'hôpital Psychiatrique de Rome a fermé ses portes en 2000... La logique de l'exclusion est inversée.
Le Centre de Santé Mentale est au cœur du dispositif de soin et l'hospitalisation se fait désormais au Service Psychiatrique de Diagnostic et de Crise (SPDC) au sein des Hôpitaux généraux. L'existence d'un système d'hospitalisation privée important permet cependant de pallier le manque de place d'hospitalisation Rome dispose de plus de 1500 places d'hébergements thérapeutiques réparties en résidences fonctionnant avec des soignants présents 24h-24 ou des " maisons familiales " où les opperatore n'interviennent que la journée . Ce souci de l'insertion (-ré- insertion) semble " La " préoccupation centrale. Tous les interlocuteurs italiens que nous avons rencontrés partagent le refus de l'exclusion asilaire (" Manicomio ") dont un film projeté nous montra l'horreur concentrationnaire en voie de résolution actuellement.

Les éléments qui nous ont surpris, indépendamment de la suppression de l'hôpital Psychiatrique, sont l'importance des coopératives sociales qui fonctionnent en liaison avec les structures psychiatriques délocalisées . La coopérative sociale est une entreprise privée qui a comme objectif " l'intérêt général de la communauté pour la promotion humaine et l'intégration sociale des citoyens … " (Art 1, loi381/91) .Elle assure soit la gestion de services sociaux , sanitaires et éducatifs soit des activités agricoles (entretien de jardins ,…) industrielles , commerciales ou de services .Elle permet une insertion dans le monde du travail de patients ou de personnes défavorisés . Son activité est reliée aux structures sanitaires, comme nous avons pu nous en rendre compte lors de nos visites de Centres de jour, de résidences ...Le " passage " de ces structures aux coopératives semblent plus facile que ce que l'on connaît en France des articulations en structures sanitaires et sociales . Les activités des coopératives sociales s'exercent dans 2 domaines :les services à la personne ( assistance à domicile , crèches , centre de jour , …) et l'insertion professionnelle (entretien des espaces verts , reliure et typographie , informatique ,menuiserie , …) Nous avons ainsi visité une coopérative impliquée dans les métiers de verrerie d'art , et d'imprimerie dont les produits artistiques étaient réalisés par des patients et vendus dans une boutique du centre de Rome .

Ce séjour, certes trop bref, pour juger de l'évolution de la Psychiatrie italienne, nous a permis de rencontrer des intervenants déterminés dans le développement d'une réelle alternative à l'Hôpital Psychiatrique . Ce dispositif présente bien des difficultés (problèmes d'inégalités de financement entre les régions, maintien de l'hospitalisation privée , oppositions à la réforme…) , mais il semble que 25 ans après la réforme, l'enseignement de F.Basaglia ne soit pas oublié .En particulier la centralité de la personne qui est malade reste fondamentale ,et, la remise en cause constante des pratiques afin d'éviter leur institutionnalisation. La question de la fermeture de l'Hôpital Psychiatrique est un fait accepté par l'ensemble de nos interlocuteurs ,qui ne nie en aucune manière la maladie mentale et la nécessité du soin mais refuse la rélégation et l'exclusion .

Les interlocuteurs rencontrés tout au long de la semaine (Psychiatres , soignants , administratifs , malades,…) ont tous été d'une grande gentillesse et d'une grande qualité d'accueil . Leur enthousiasme est agréable et communicatif dans notre contexte de morosité et de crise de la Psychiatrie française.


Patrick Bantman
MARS-AVRIL 2003



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