La demande d'intervention d'urgence au domicile : Intervention de Martine Gouze
quelles réponses
Présidente de L'UNAFAM PARIS
L'urgence, le vécu :
Nous avons toutes ou presque toutes, nous familles de l'UNAFAM connu l'urgence.
Familles en détresse qui vivent dramatiquement dans leurs lieux de vie ces situations de crises répétitives.
Puis vient un jour où la crise se fait plus grave, celle qui transgresse les normes établies, celle qui nous fait basculer dans le drame.
Car il s'agit bien d'un drame, comparable au drame grec, nous devenons les acteurs d'une tragédie, avec ses plaintes, ses cris, ses silences et sa violence, le tout vécut dans une angoisse extrême, où seule la mort semble être la réponse.
Drame familial qui se cristallise sur l'un de ses membres. C'est sur lui que se fixe le malaise existentiel, malaise se traduisant par des réactions émotionnelles intenses. Réactions qui vont du délire à la prostration complète, de la violence à la tentative de suicide.
Toutes négociations devenant impossibles, les familles effrayées et bouleversées, tiraillées entre la fermeté et le laxisme se sentent impuissantes à résoudre leur propre crise.
Nous entrons alors dans l'urgence.
L'urgence, c'est l'appel au secours de l'autre. On appelle le médecin de famille ou le psychiatre et ceux-ci, peuvent par l'effet de leurs médiations, calmer le malade et son entourage.
Mais généralement la crise survient le week-end ou tard le soir et quelquefois la nuit.
Les appels restent alors sans réponse. Il faut appeler la police, les pompiers ou le SAMU, la rapidité prime mais la confusion est grande et cette ingérence nécessaire est très mal vécue. Nous perdons pour un moment toute dignité, les voisins, la rue, tous deviennent spectateurs. nos enfants se sentent trahis, agressés, abandonnés, ils sont amenés de gré ou de force au CPOA ou dans un hôpital psychiatrique. Ils entrent dans une situation d'arbitraire "c'est eux les malades".
Pour nous familles, la situation se renverse, notre enfant dont les réactions nous faisaient peur, nous échappe et devient votre patient. Cela après la signature de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, décision lourde de conséquences et de responsabilité pour l'un des parents. Avons nous vraiment voulu cette séparation?
Nous sommes déchirées entre le soulagement de cette prise en charge et la peur d'un retour "à la maison" qui nous met en péril.
L'urgence : Les demandes
Elles sont complexes et paradoxales, différentes pour chaque famille, différentes pour chaque individu.
Le patient ou la patiente a besoin d'être entendu, a besoin de séparation, et de soins. Ses demandes formulées dans la plus grande souffrance sont des demandes existentielles dans la recherche d'un lieu et d'une parole perdue.
Ses demandes ne sont plus perçues par son entourage et ce nouvel espace qu'est l'hôpital psychiatrique peu devenir pour eux le temps de l'ouverture.
Les demandes des familles pourraient se résumer par le désir d'un retour à l'ordre et celui de dénouer la crise avec des réponses immédiates, les délivrant de leur angoisse. Leurs interrogations se portent généralement sur leur enfant et peu sur eux-mêmes. Ils demandent des soins et des lieux appropriés aux malaises de leur enfant, ils posent aussi de nombreuses questions sur cette maladie qu'ils ne comprennent pas.
L'urgence : Réflexions et demandes de l'UNAFAM
De nombreuses expériences montrent que ce temps de l'urgence et ce nouveau lieu qu'est l'hôpital psychiatrique peut devenir le lieu et le temps où tout s'explique. Il faut pour cela des interlocuteurs attentifs, qui expliquent, qui écoutent et surtout qui rassurent. Cette aide commence pour les familles lors de la décision si difficile de la prise en charge. Elle doit être basée sur la compréhension du désarroi et de la prise en compte de la situation. Cette mise en confiance devrait être le début d'un retour à la parole au cours d'entretiens réguliers, tout au long de l'hospitalisation de leur enfant et pourrait déboucher sur un investissement personnel et la demande d'un soin thérapeutique.
Ses solutions prennent corps avec l'organisation de la sectorisation. Des centres d'Accueil et de Crise s'ouvrent et se rapprochent des lieux de vie, il faut donc multiplier ces dispensaires qui normalisent la psychiatrie et font moins peur.
L'urgence qui restera l'urgence, pourrait être mieux vécue par la famille avec les différentes aides apportées au domicile, celle de la visite médiatrice du psychiatre, celle de la police proche et concernée, et celle de la prise en charge rapide et attentive de l'équipe du secteur.
Cela peut être des mains tendues vers une famille dans son désarroi pour lui permettre de retrouver un peu plus tard dans son entité, sa dignité humaine et la confiance dans son devenir.