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Retour à Lettera amorosa


Souvenirs d'adolescence en prose:

Mais pourquoi fallait-il qu’elle se soit si mal fagotée ce jour-là?
Sur le quai du métro elle regrettait maintenant son pantalon trop serré aux fesses, enfilé ce matin avec une fausse désinvolture. Elle aurait dû s’en douter, c’était pas le jour pour tenter de se réconcilier avec ce truc qui, c’était sûr, lui faisait encore un petit cul galbé il y a un an. Elle n’est pas vraiment grosse, elle le sait, on lui dit, mais aujourd’hui c’est pas du cinéma, elle a un cul énorme. Si encore elle avait mis quelque chose de long en haut, mais non, il a fallu qu’elle s’inflige ce pull vert qui ne lui laisse aucun échappatoire. Sa journée était maintenant complètement sabordée. Il faudrait prendre sur soi, porter ce cul trop lourd, et tirer sans cesse sur son pantalon dont le tissu rêche et épais remontait en plis dans l’entrejambe en lui cisaillant le sexe.
Le train arrive, et elle choisit la rame la moins peuplée pour s’asseoir prés de la porte. C’est toujours cette place qu’elle prend, sur les strapontins. Elle s’y sent moins étouffée par les odeurs, les intimités ou les angoisses des autres. Mais le métro aujourd’hui la condamne plus certainement encore à rester enfermée dans son pantalon trop serré. Il lui était déjà arrivé de faire demi-tour pour se changer, et, d’expérience, elle avait compris que ça ne réglait rien au problème. Succomber à cette ridicule tentation serait bien pire, car elle resterait alors complètement prisonnière de son miroir, épuisant les multiples combinaisons possibles de sa garde-robe.
Non, tout cela était résolument un piège trop idiot. Et il lui faudrait aujourd’hui livrer cette bataille, assumer cette silhouette qu’elle trémoussait encore fièrement la veille dans sa petite robe noire.


Suzanne



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