Editorial

Un édito :

(Pas comme il faut ? …)
Avant d'aller comprendre ce que l'art peut venir faire chez nous en psychiatrie, il est sans doute utile de regarder la façon dont a été considéré la folie au cours du temps :
Au moyen Âge, si on est fou, c'est une punition divine. Seul le prêtre est habilité à libérer les possédés du démon, on exorcise, on fait des pèlerinages ou des rituels religieux. Il y a aussi les guérisseurs, les sorciers etc…qui sont spécialisés et formés si l'on peut dire à reconnaître les 800 suppôts du démon.
Au XVIIIème siècle, avec la centralisation des états, notamment en France on ouvre les hôpitaux généraux et on contraint de vivre ensemble les insensés, délirants, pères dissipateurs de fortune, prostituées, blasphémateurs voir chômeurs. Tous regroupés avec le travail obligatoire c'est une aubaine économique. Mais il n'y a toujours pas de traitements. On interne pour éviter le contact avec la population valide qui travail et vie la sexualité dans le mariage.
Cela va bien jusqu'à la révolution française où les médecins d'alors comme le Dr Pinel décide que l'on doit accorder un traitement plus humain à ceux qui font peur aux autres et qui sont enchaîné, vivant comme des bêtes sur la paille, dans leurs excréments. Il Crée les institutions spéciales pour aliénés, distinctes de celles des criminels. Mais tout n'est pas aussi simple car comme on avait peur que la folie soit contagieuse, une barrière est établie entre celle-ci et la cité comme c'est le cas pour les casernes ou les internats. C'est depuis que les gardiens, les aliénistes puis les infirmiers et les psychiatres classent le regard porté sur les "fous ".

Fin du XIX siècle, tout ce classement se développe avec les connaissances, comme en botanique, on classe les espèces, on établis des rapports, on médicalise la folie qui devient maladie mentale.
Le fous dès lors ne fait plus peur, on essaie de comprendre son univers, la relation qui existe entre le normal et le pathologique, la psychanalyse en fait sauter les barrières. Les peurs du moyen âge et de l'antiquité sont alors bien mises à l'abri, on commence à écouter le malade parler et on s'intéresse à ses productions artistiques comme si elles pouvait affiner un diagnostic. Son dossier s'épaissit et on améliore la connaissance de la maladie.
On se rend compte aussi qu'un malade peut être un artiste qui parfois peut s'aligner au coté des plus grands et certaines œuvres peuvent nous rappeler un Picasso, un P. Klee, un Kandinsky…ou un Braque.
Il a fallu du temps pour que notre société digère ce retour au source de l'art. L'idée que le malade maîtrise son art nous est moins commune néanmoins que le principe qu'un artiste maîtrise son art, il y a l'histoire de l'art aussi derrière tout ça me direz-vous (pour ne froisser personne), oui et il y a aussi des gens qui ne se prennent pas pour des artistes, il y a la découverte de son propre jeu de contraintes.
Si nous reconnaissons que l'art est important, qu'il traduit nos valeurs et rend concret le visage des Dieux ou du pouvoir, qu'il soit scandaleux ou destructeur qu'il conditionne la renaissance ou rompe avec les représentations en nous agréssant, acceptons que l'art continue de nous intéresser, correcte ou incorrecte en libérant notre culture. Chanter, danser, dessiner, peindre, sculpter, déclamer, jouer sontdepuis toujours des expressions de l'homme qui traduisent son rapport au monde. L'art correspond à son époque en ce qu'il est le résultat d'un acte créateur. L'art et son activité sont source de nouveauté et d'étonnement. La créativité peut induire du changement dont on devrait penser qu'il n'est pas réservé aux seuls artistes (sains ou malades). Comme nous l'avons dit plus haut, le rapport de notre société et de la folie se transforme. Il ne faut plus enfermer et exclure mais se tourner vers cet autre que constitue la maladie.
Certains pense que la création volontaire se fonde sur une volonté incompatible avec l'esclavage de la déraison. D'autres affirment que l'art peut aussi naître dans les hôpitaux, écran de notre société contre les subversions ou les conditions sont parfois favorables à un art moins conformiste et soucieux des normes établies et de l'opinion courante. Méfions nous tout de même de ces vieilles tentations à vouloir montrer dans le lien qui existe entre l'art et la folie, un "art dégénéré" qu'il faut différencier de "l'art brut" qui désigne des productions de toutes espèces, spontanées et inventives sur tout matériaux, sable, cambouis, rouille, débris d'éponge mêlées à la peinture etc…Productions obscurs et étrangères au milieu artistique. Pour lutter contre une définition de l'art qui récuse, nous avons envie de dire que "c'est le spectateur qui fait le tableau" devenant lui-même un artiste en transformant un banal objet en objet d'art, ce que certains traduisent comme du "n'importe quoi !", au sujet de l'art contemporain par exemple.

Lorsque Nietzsche dit ; "Les goûts et les couleurs on n'en discute pas et pourtant, on ne fait que cela" nous nous disons au passe muraille que c'est parfois bien difficile de dire d'une œuvre d'art qu"elle est tout simplement émouvante.