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LE PASSAGER

 

 

Il est un passager

Qui s’aventure dans le monde.

Voyageur indéterminé

Il chemine avec de la jeunesse toute la faconde.

 

Et il voit devant lui

Des vieux tout contrits

Que l’on a placé là dans ce couloir,

Alignés sur des chaises dans le jour et pourtant en plein noir.

Ils sont à pleurer, tellement pathétiques,

Enfermés dans leurs diagnoses pathologiques.

Mais, leurs yeux presque éteints disent quand même :

Toi qui passe près de moi sans me voir

Ne jette plus sur moi ton anathème

Et prête moi un peu de ton regard.

Mais, l’autre immonde passe et il s’en fout,

Salauds d’vieux qu’est-ce que t’attend pour être dans l’trou ?

 

Et il voit devant lui

Des fous en plein charivari.

On les reconnaît à leurs attributs,

Portant sur la tête des cornues.

Corps nus comme le roi

C’est aux normaux ce qu’ils renvoient.

Il fut un temps où on leur donnait encore asile,

Pas celui qui enferme et qui tue,

Pas celui qui laisse seul comme sur une île.

Mais celui qui protège et ne jette pas dans la rue.

Celui là, l’hospitalier qui n’est pas un outre monde,

Qui n’est pas une prison, antichambre de la tombe.

Camarade, attention, sortir du sillon

Amènera tous les cons à te donner le bâton.

Mon frère, prends garde toi l’anormal,

Ou, comme un animal, tu finiras en carcéral.

 

Et il voit devant lui

Un directeur qui n’est qu’une ignominie.

Tout en chiffres, procédures et protocoles

Il parade comme un paon, la queue en corolle.

Pareil au culturiste gonflé avec du vent

Il se croit important et impressionnant.

Mais, il ne contient pas autre chose, baudruche infatuée,

Que du rien, puisse-t-il dans la stratosphère s’évaporer.

Pourtant, il est bien là, petit administratif.

Et plus il se croit grand, plus il est chétif.

Il avance, administrant ses sentences,

Ne connaissant plus rien de l’Humain, il pue le rance.

Il se meut dans un univers de statistiques,

Pris dans sa comptabilité analytique,

Englué dans cette fange,

C’est pour ça qu’il bande.

L’argent est, pour lui, le nec plus ultra,

Remplaçant un simple sourire par du caca.

Salauds d’fous, tu coûtes trop d’sous,

Pourquoi viens-tu délirer chez nous ?

 

Il était un passager

Qui s’était aventuré en humanité.

Voyageur, il est devenu déterminé

A stopper là et à se retirer.

 

 

Hervé BOYER
2010