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BONNE ANNEE



BONNE ANNEE

Devant moi, les landes de genets et d’ajoncs.

Je pose mon menton contre le ciel.

Il paraît que la gravitation me fait tenir debout.

Moi, j’aurais plutôt dit : mes jambes et mon élan.

En écartant mes doigts, le bras tendu vers le ciel, comme un arc, je vois plein de lumière qui se faufile sur ma main, et je me demande si cette lumière, de la même façon, traverse mes pensées.Le ciel a son menton contre le mien désormais.C’est un ciel de printemps en Bretagne.

Certainement Icare connaissait la Bretagne pour désirer le ciel ainsi.Ce n’est pas facile d’avancer le menton relevé, mais la vie prend une autre tournure, parce’qu’hormis la gravitation, il est une règle simple qui gouverne facilement les bipèdes : je crois ce que je vois, et si je ne vois plus rien, je crois quoi alors ?

Icare m’en aurait dit davantage.Le bruit sous mes pas n’est plus le même, certainement ai-je changé de terrain, la sensation est plus douce, plus tendre, du sable probablement.

Au ciel, des oiseaux bec au vent, sans un regard pour moi.Je sens que la solitude me gagne. Nul doute que ma gravité me fera tenir debout.Je commence à reconnaître certains oiseaux, ils volent en V, et je me mets à penser qu’ils me racontent quelque chose, V comme volage, V comme volubile, V comme victoire biensûr !

Menton contre menton, le ciel me parle comme je l’étreins.Menton contre menton, le ciel se dévoile comme je l’interprète.Il doit savoir ce que j’ignore.Il doit porter ce que je perds, il doit connaître ce qui m’échappe, il doit la comprendre ma gravité, avec ses doigts de vent dans mes cheveux alors emmêlés.

C’est un ciel de printemps qui s’obscurcit désormais, et j’entends des sons differents, la nuit est entrée dans les cœurs, les volets se ferment, les enfants rentrent dans leurs maisons rappelés par des voix ayant traversé les siècles , comme des cloches qui tintent, les murs ont capturé les cris et brouhahas dans les pierres épaisses, sous les toits gris.

La solitude m’a gagné, et toute entière, nez au vent, je m’y suis jetée, non dans la crainte ou le froid de l’appréhension mais autrement.

Je pose mon menton contre la solitude.

Elle m’en raconte des histoires, cette solitude.V comme volage, V comme volubile, V comme victoire, V comme voyage.Au ciel des oiseaux, aux larges ailes, plein de l’insouciance que je leur prête.Le silence a son propre son : le silence fait tenir debout.

La gravitation serait-elle une légende ?

Rien ne tombe, tout se rencontre.

Preuve est que les bipèdes tombent amoureux plutôt qu’en gravitation pour se rencontrer.

Menton contre menton, le ciel est plein de langage et de présages, oiseaux de proie--mauvaise aloi, oiseaux de passage-enfant sage.

Menton contre menton, le ciel est plein de tendresse, plein de promesse.

Il sera toujours là.

Je pense alors que les dormeurs sont poètes : menton au ciel, ils gagnent du ciel la présence, et perdent en gravité.

V comme volage, V comme comme volubile, V comme victoire, V comme voyage, V comme Vie.

Elena Peltier


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