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Mon cher Jean,

En dépit des circonstances
de nos vies réciproques
de cet éloignement
parfois temporaire
de ces intermittances et de tous les silences

en dépit des souffrances
de nos folies respectives
homologuées ou non
de nos manières peu courantes
et de certaines négligences

c’est encore toi que je retrouve
comme une vieille connaissance
à chaque nouveau printemps
à chaque effusion nouvelle

comme si tu étais,
l’inventeur éternel
le créateur unique
de tous les sentiments…

Je me souviens de ces jours
où nous apprenions à ne pas regarder
ce qu’ils disaient autour
ceux qui nous observaient
et ils nous surveillaient

nous étions assez fiers
(et relativement audacieux)
d’imposer à la face d’un monde pétri de vieilles habitudes
nos incartades
sans aucun scrupules
sans peur de l’image
saugrenue, diront certains

nous étions assez heureux
en toute solitude partagée
pour le meilleur et les rires
dans l’étrange soumission de nos deux corps un peu froids
et le plaisir de nos yeux
qui ne se quittaient pas

nous étions assez naïfs
pour ne pas s’affoler
des conséquences éventuelles
de cette relation inavouable
cachée sous les uniformes
et les façades habituelles

nous étions assez fous
et oui !
pour croire à l’importance
de cet amour hirsute
un peu embarrassé
dont les trébuchements
signalaient l’impatience…

Mon cher Jean,
nous ne sommes pas les premiers
nous ne sommes pas les derniers
nous ne sommes pas de ceux qui serviront d'exemple

nous sommes singuliers
nous sommes en sursis

à la limite de l'indécence
à la limite de l'impuissance
confits dans cette raideur
cette manière de faire et cette extravagance…

Mon cher Jean,

en dépit de tous les incidents
et de l'incertitude
qui nous prive de temps
qui sape notre courage…
je pense à toi souvent.


Cép




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