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Il est assis sur un banc public.
Plein de pensées pudiques.
Il réfléchit.
Aurais dû lui parler autrement ?
Il regrette ce qu'il est, et songe à ce qu'il aurait pu être.
Puis, il se demande ce qu'il l'a conduit à être ainsi et non autrement.
Il revoit des moments de sa vie et se formule d'autres issues, d'autres routes qu'il n'a pas prises, souvent malgré lui.
Dans sa tête, les pensées prennent la forme d'un escargot, d'une spirale, puis un noeud.
Il a maintenant un noeud dans sa gorge.
Un soleil franc illumine le banc sur lequel son corps a le poids de sa vie, mais cela ne change rien pour lui.
Cela se passe à Paris au jardin des plantes.
Il a 55 ans.

Elle est allongée sur une plage, de Saint Jean De Luz.
Elle aussi, elle réfléchit.
Dois-je rentrer pour prendre soin d'elle ?
Elle, sa mère.
Ai-je le courage d'affronter tout ça, que dois-je faire ?
Dans sa tête, les pensées prennent la forme d'un balancier, deux piles de bonnes et mauvaises raisons prêtes à s'effondrer,et
un désir qui ne peut frayer son chemin.
Elle a maintenant un chaos dans la tête.
Un soleil franc illumine son corps, mais ça ne change rien pour elle.
Elle a 38 ans.

Il court.
Sa tante lui a dit de rester à l'intérieur du parc.
Mais il désobéit.
Un bruit de klaxon l'impressionne, alors il s'arrête sur le trottoir au milieu des passants inattentifs.
Puis, il hésite.
Le plaisir de suivre sa soif de liberté, de contrarier sa tante despotique, de faire voler en éclats les paroles ressassées
chaque mercredi dans le même parc.
D'un autre coté, la contrariété.
Non pas de cette tante haïe, mais de sa mère qui écoute le récit de cette fugue.
Alors, il reste immobile.
Ses pensées prennent la forme d'une statue de la même taille que lui.
Celle d'un enfant de 11 ans, sous un soleil de plomb.
Mais ça ne change rien pour lui.

Et des milliers d'êtres,
assis,
debout,
à vélo,
endormis,
accroupis,
sous la pluie,
ou le soleil.

Chacun a dans sa tête, invisible des autres, des pensées.
Chacun est pris dans la forme de celles-ci.
Tant qu'il réfléchit au fond, il se perd dans la forme.
Il tourne en rond, il avance à reculons, il pense de travers, il passe à côté de l'essentiel.

Et puis, parfois une rencontre alchimique, une phrase issue d'une forme touche la forme de quelqu'un d'autre.
C'est comme un pas de côté.
La forme des pensées de chacun se modifie.
Un peu comme un jardin modifié par un paysagiste.

Et l'herbe y repousse autrement, sensible cette fois aux saisons.

Elena



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