Retour à Voile en Tête

1992, Faisons le Point....

"Etait ce un défi d'embarquer pendant une semaine des équipages composés de patients avec un passé psychiatrique plus ou moins lourd? Etait-il raisonnable d'organiser une semaine de navigation à voile pour des malades et handicapés mentaux?

Pour qui connaît tant soit peu les exigences du sport nautique (spécialement cette méditerranée si capricieuse), pour qui connaît l'ambivalence de l'opinion publique vis à vis de tels malades, considérés tantôt comme fauteurs de troubles potentiels, tantôt comme victimes d'une ségrégation injustifiée, ce n'était pas évident. Les "murs de l'asile" sont certes devenus un peu plus poreux, mais de là à élargir leurs limites jusqu'à la ligne d'horizon, c'était aller peut-être un peu trop loin.

En réalité les initiateurs du projet qui avait vu le jour au Centre Hospitalier Spécialisé de Pierrefeu du Var prenaient peu de risques, ayant déjà depuis plusieurs années, fait l'expérience d'organiser de telles sorties en mer (sur une échelle plus modeste il est vrai). D'autre part, ils s'étaient entourés d'un luxe de garanties en ce qui concerne la sécurité. Il n'en restait pas moins que toute navigation comporte des aléas et la Méditerranée justifiera sa réputation de mer parfois caractérielle mais grandiose seules quelques voilures eurent à en souffrir.

Voile en Tête aura ainsi démontré que, sans perdre son caractère sportif et ludique, la voile peut constituer un merveilleux révélateur de capacités d'adaptation, de créativité et d'aptitudes sociales chez des hommes précisément considérés comme difficiles à intégrer dans le monde social ordinaire. Tant il est vrai qu'un changement de cadre, de "contexte ", comme nous le disons dans notre jargon psychiatrique, est capable de faire réapparaître des aptitudes que l'on aurait cru définitivement perdues. Tous ces "handicapés mentaux" ont fait la preuve qu'ils avaient conservé cette possibilité bien propre à l'être humain, de dépasser ses peurs, d'aller au-delà de ses limites, pour pousser toujours plus loin l'exploration de l'inconnu, et peut-être principalement dans la découverte de soi.

Si la mer apparaît encore comme un des derniers espaces de liberté àconquérir, c'est sans doute parce qu'avec elle l'homme peut encore aller audelà de ses limites et peut faire la découverte d'une liberté intérieure toujours plus grande.

Voile en Tête aura été la parfaite démonstration de toutes ces possibilités que le sport nautique peut ouvrir à tout un chacun, et spécialement aux plus handicapés d'entre nous. "

Voilà ce qu'écrivait après la première semaine de Voile en Tête en 1992, le docteur Henri Boutillier, alors Président de l'Union des Associations Sportives des Hôpitaux Psychiatriques de France et sans qui cette "aventure" n'aurait peut-être pas eu lieu.

Voile en Tête lui dédie, avec ce retour en Méditerranée, cette 10ème semaine de Découverte de la navigation à voile.