Actualités Sociales Hebdomadaires - Numéro
2739 du 30/12/2011
Sur le terrain - Santé
Les services psychiatriques s’ouvrent
aux « médiateurs de santé-pairs »
Auteur(s) : NOÉMIE COLOMB
Le 16 janvier, 30 anciens patients vont être recrutés dans
des services et établissements psychiatriques. Un programme expérimental
financé par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui bouscule
les pratiques et suscite des inquiétudes chez les soignants et les usagers.
Un
nouveau métier va-t-il émerger dans le champ de la psychiatrie ? Dès
janvier, pour la première fois en France, des « médiateurs de
santé-pairs » – des anciens usagers de la psychiatrie – seront
intégrés, pour deux ans, dans des services de soins. Inspiré d’expériences
étrangères – Etats-Unis, Québec, Ecosse –, ce programme expérimental
a été lancé en France en 2010 par le Centre collaborateur de l’Organisation
mondiale de la santé (CCOMS) (1) à la suite d’une
recherche-action menée par son équipe, en partenariat avec la FNAPsy
(Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie) et le
ministère de
psychique
sont celles qui ont elles-mêmes connu ces troubles.
Un diplôme de niveau bac
+ 3
Quinze
établissements ont été choisis sur appels d’offres dans les trois régions qui
participent au programme : Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France et
Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ils ont ensuite recruté les futurs médiateurs parmi
les candidats sélectionnés par un jury dans lequel siégeait – à côté des
représentants de l’agence régionale de santé, du CCOMS et de l’université
Paris-VIII – un représentant de la FNAPsy. « Le jury de
présélection a permis de vérifier que le candidat correspondait bien au profil
recherché : une personne qui a connu des troubles psychiatriques, qui a
réussi à s’en sortir et qui a pris du recul par rapport à son vécu. Il fallait
aussi vérifier ses motivations à faire partager son expérience et à se
replonger dans un univers parfois vécu comme source de traumatismes », explique Stéphanie
Dupont, chargée de mission au CCOMS.
Quel
est le statut de ces nouveaux intervenants ? Les futurs médiateurs
s’apprêtent à signer avec leurs établissements un contrat à durée déterminée de
deux ans payé 1 300 euros nets par mois, soit l’équivalent de la
rémunération d’un agent de la fonction publique hospitalière de catégorie C. A
partir du 16 janvier, ils commenceront une formation en alternance à
Paris-VIII, dont ils sortiront avec un diplôme universitaire de
« médiateurs de santé-pairs » de niveau bac + 3. En parallèle,
ils travailleront dans leurs services (hôpitaux de jour, centres
médico-psychologiques, équipes mobiles…), aux côtés des professionnels
soignants.
Leur
mission sera de faciliter l’accès aux soins, de promouvoir l’accompagnement et
le soutien relationnel et de participer à l’éducation thérapeutique des
patients. « Ce sont des professionnels dont
l’expérience devrait aider les patients et les équipes soignantes à avancer
vers le rétablissement », défend le psychiatre Jean-Luc Roelandt,
directeur du CCOMS et initiateur de ce projet. Conscient que ce programme « bouscule
beaucoup de frontières », il y voit un message d’espoir, le médiateur
étant « la preuve vivante que les patients peuvent se
rétablir ». Néanmoins, « c’est une révolution
pour les soignants et pour les usagers, reconnaît-il. Avoir un ancien patient
comme collègue, dans les équipes de psychiatrie, va obliger les soignants à
faire attention à la manière dont ils parlent des personnes malades. »
Ce
programme s’attire d’ailleurs les foudres de certains psychiatres. C’est le cas
de
Les réserves de la
FNAPsy
La
FNAPsy elle-même ne cache pas ses doutes. Estimant que la parole des usagers
n’était pas suffisamment prise en compte, elle s’est même retirée du programme
en janvier 2011. Elle est finalement revenue sur sa décision pour « pouvoir le faire
évoluer dans le respect des usagers ». Aujourd’hui, elle
s’inquiète du risque de rechute des médiateurs : « En psychiatrie,
les patients ne sont pas guéris mais rétablis. Imaginons un médiateur qui se
retrouve devant un malade qui vit la même chose que ce que lui-même a vécu, que
se passera-t-il ? », s’interroge Claude Finkelstein, présidente
de
Notes
(1) Qui dépend de l’EPSM Lille-Métropole. Contact :
03 20 43 71 00.
(2) http://www.mediapart.fr/blog/66105.