En réponse au communiqué de presse du 11 Février 2010

Diffusé par Y. Halimi président de la conférence des présidents de CME des CHS

 

 Prise de position du « Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire »

 

Ce communiqué qui témoigne de la « satisfaction » et de « la qualité du climat de travail engagé » des organisations signataires qui se veulent représentantes des professionnels et des usagers est assez révoltant. Révoltant car cette satisfaction s’exprime devant un texte qu’elles n’ont même pas pu lire, et qu’il s’agit de se soumettre par avance à une refonte de la loi de 90 à un moment où, pour la première fois, la plupart des syndicats de psychiatres ont enfin manifesté leur inquiétude et leur réprobation devant la circulaire du 11 Janvier 2010.

Il se précise de plus en plus que cette refonte de la loi va aller dans le sens d’un durcissement des conditions des soins sans consentement, et que les soignants vont se trouver de plus en plus contraints par les préfets, eux-mêmes sous surveillance menaçante de l’Etat.

Nous sommes dans la continuité explicite du discours présidentiel d’Anthony et de ce qu’il véhicule d’une représentation de la dangerosité de la folie et d’une subordination des soignants à une logique d’enfermement tout à fait rétrograde.

Il s’agirait au contraire de résister de toutes nos forces à ce discours qui n’envisage explicitement la folie qu’enfermée ou domestiquée, comme le « collectif des 39 contre la nuit sécuritaire » n’a cessé de l’avancer dans sa pétition comme dans les meetings et forums qu’il a organisés.

Non nous ne sommes en aucune manière satisfaits de ces propositions qu’il s’agirait de cautionner à l’avance, alors que tout nous laisse à penser que nous sommes confrontés à un processus de destruction de la psychiatrie de secteur, et de toute une représentation du soin et de l’accueil que le mouvement désaliéniste avait lentement construit depuis l’après-guerre.

Que la folie soit maintenant envisagée sous l’angle unique de la dangerosité et non sous celui de l’hospitalité, nous invite au contraire à poursuivre notre travail désaliéniste, qui consiste aussi à un travail dans la Culture pour promouvoir  d’autres représentations de la Folie et d’autres modalités d’accueil les plus humaines possibles.  

Nous ne sommes pas angéliques et nous savons qu’il est des moments, qui devraient être l’exception, où la contrainte aux soins peut s’avérer nécessaire. Nous ne voyons aucunement la nécessité pour cela d’en rajouter par rapport aux lois actuelles qui encadrent déjà ces moments d’hospitalisations sous contrainte.

De plus nous ne partageons aucunement l’engouement pour les soins ambulatoires sous contrainte qui risquent de pervertir les liens qui se nouent dans les lieux d’accueil ambulatoires. Laisser croire que l’on peut résoudre le déni psychotique par le biais de soins pratiqués « au nom de la loi » dans les limites qui nous seront imparties par les préfets, constitue une imposture.

Etre demandeurs d’une telle mesure dans le contexte répressif que nous connaissons constitue un acte de soumission, qui témoigne d’une sérieuse disposition à la servitude volontaire.

Nous ne pouvons pour notre part que refuser cette orientation prise explicitement par l’Etat depuis plus d’un an et qui ne fait qu’aggraver le processus de destruction d’une psychiatrie fondée sur l’accueil et non sur l’enfermement.

Nous appelons toutes les organisations de la profession, toutes les associations d’usagers, mais aussi tous les citoyens inquiets des attaques contre les libertés à prendre position et à se rassembler contre ce mouvement de régression de la Psychiatrie.

 

Patrick Chemla    pour le « Collectif des 39 » 

 

www.collectifpsychiatrie.fr